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Rec. Sept. 10, 1700.

TITRE IX.

(TITRE VIII DU CODE CIVIL.)

DU CONTRAT DE LOUAGE (1).

1. Le code civil ne définit pas le louage en général; nous croyons inutile de reproduire la définition que les auteurs en donnent. Il y a, en réalité, comme le dit l'article 1718, deux sortes de contrats de louage, celui des choses et celui d'ouvrage (art. 1708). Nous commençons par le premier, en laissant de côté, pour le moment, les définitions et sous-divisions que les articles 1710 et 1711 donnent du second.

Le louage des choses est défini en ces termes par l'article 1709 C'est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer. Le louage prend le nom de bail à loyer quand il a pour objet des maisons ou des meubles; on l'appelle bail à ferme quand il a pour objet des héritages ruraux (art. 1711).

(1) Sources: Duvergier, Du contrat de louage, 2 vol. in-8° (Paris, 1836); Troplong. De l'échange et du lovage, 3 vol. in-8°. Paris, 1840 (édition belge, 1 vol. gr. in-8°. Bruxelles, 1845)

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§ Ier. Objet au louage. Différence entre le louage

et la vente.

2. La définition que l'article 1709 donne du louage des choses fait connaître le caractère essentiel de ce contrat le bailleur s'oblige à faire jouir le preneur d'une chose. D'ordinaire cette jouissance comprend toute l'utilité que l'on peut retirer de la chose, le bailleur se dépouille de son droit de jouir au profit du preneur, sans rien se réserver; le loyer ou le fermage lui tient lieu de la jouissance qu'il abdique. Cependant il n'est pas de l'essence du louage que le bailleur ne conserve aucun droit de jouissance, la définition ne le dit point; pourvu que l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose, il y a bail. La question s'est présentée devant la cour de cassation : il a été jugé que le contrat ne cesse pas d'être un louage, bien que le locateur n'ait pas abandonné d'une manière complète la jouissance des lieux loués. Dans l'espèce, le propriétaire d'un moulin avait mis à la disposition de l'autre contractant un moulin pour qu'il y fît opérer le battage de marcs d'olives ou grignons, destinés à la fabrication de l'huile; le battage devait se faire par les ouvriers du propriétaire, mais le preneur était chargé de les surveiller et de payer leurs salaires. Le propriétaire conservait un libre accès dans l'usine, où restait une assez grande quantité d'huile lui appartenant. Un incendie ayant éclaté et détruit l'usine ainsi que les

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huiles qui s'y trouvaient, le propriétaire intenta contre le preneur une action en responsabilité, fondée sur l'article 1733. Le défendeur nia qu'il y eût un contrat de louage de l'usine, la première condition d'un bail faisant défaut : le propriétaire ne se dessaisissait point de la possession de la chose qu'il continuait à occuper. Il succomba en première instance et en appel. Pourvoi en cassation, fondé sur ce que le contrat de louage implique l'abandon complet de la jouissance des lieux loués. La cour prononça un arrêt de rejet, sans discuter la question de droit; elle la décide implicitement, en maintenant l'arrêt de la cour d'Aix et en jugeant que ladite cour avait fait une juste application de la loi (1).

3. Pothier et, à sa suite, tous les auteurs remarquent qu'il y a une grande analogie entre le louage et la vente. Nous laissons de côté les caractères généraux de ces contrats que Pothier relève, à savoir que la vente et le louage sont du droit des gens, consensuels, synallagmatiques, commutatifs; cela est vrai de beaucoup d'autres contrats. Il y a une analogie plus considérable, c'est que les trois éléments qui constituent la vente, la chose, le prix et le consentement, sont aussi exigés pour qu'il y ait louage. Toutefois il y a une différence essentielle le vendeur s'oblige à transmettre la propriété de la chose vendue à l'acheteur, tandis que le bailleur s'oblige seulement à faire jouir le preneur de la chose. Pothier ajoute que cette différence n'est pas aussi considérable qu'elle le paraît, parce que le louage renferme en quelque façon, non la vente de la chose même qui est louée, mais la vente de la jouissance et de l'usage de cette chose, et que la somme convenue pour le loyer en est le prix. S'il en était ainsi, le louage serait une vente; il ne faut donc pas prendre au pied de la lettre ce que Pothier dit; c'est une comparaison, et non un principe. Pothier aurait dû insister sur la différence qui sépare les deux contrats, malgré cette apparente similitude. Lui-même ne s'exprime pas ac la certitude qui convient à la science du droit :

(1) Rej, 30 janvier 1856 (Dalloz, 1856, 1, 458).

le louage renferme, en quelque façon, une vente. Nous sommes étonné que le grand jurisconsulte, qui d'ordinaire pousse l'exactitude jusqu'à la minutie, se serve d'une expression aussi peu juridique; et c'est parce que lui le fait que nous insistons sur cette négligence, afin que nos jeunes lecteurs se gardent de l'imiter. Non, il n'y a jamais vente dans le louage, et grande est la différence entre le bail qui donne au preneur le droit de récolter les fruits, et la vente des fruits. Le bail consiste dans l'obligation de faire jouir le preneur; la vente des fruits n'est pas une obligation de faire, c'est une obligation de donner. c'est-à-dire de transférer la propriété des fruits vendus. Les effets des deux contrats sont tout à fait différents. Dans le bail, c'est le preneur qui jouit et qui cultive, et les frais sont naturellement à sa charge, puisque c'est le droit de cultiver qu'il a stipulé. Dans la vente des fruits, c'est le vendeur qui jouit et cultive, et à ses frais; l'acheteur paye le prix des fruits, il ne paye pas les frais de labour et de semences. Le louage donne au preneur une jouissance successive, et au bailleur le droit à un prix qui échoit aussi successivement, jour par jour, tant que dure le contrat. Dans la vente, tout se parfait instantanément; les fruits sont transmis à l'acheteur, et le vendeur a droit à tout le prix. Voilà pourquoi la chose louée est aux risques du bailleur, en ce sens que, si elle périt, la jouissance du preneur cessant, ses obligations cessent aussi; tandis que la chose vendue est aux risques de l'acheteur, dès qu'elle est déterminée (1). Il est inutitle de continuer ce parallèle : les différences essentielles que nous venons de noter suffisent pour prouver que Pothier a tort de dire, ne fût-ce que par manière de parler, que le louage renferme une vente.

4. L'analogie qui existe entre le louage et la vente fait naître une question très-difficile, Comment peut-on distinguer les deux contrats? La question était déjà controversée dans l'ancien droit. Les uns s'attachaient à la

(1) Proudhon, De l'usufruit, t. II, p. 551, no 993; Bugnet sur Pothier, t. IV, p. 3, note 1.

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