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CHAPITRE VI.

ENCYCLIQUE DU PAPE PIE VII. IL S'EMBARQUE POUR ALLER A ROME. IL ENTRE DANS CETTE VILLE LE 3 JUILLET. BULLE POST DIUTURNAS. LOI SALUTAIRE SUR LA MONNOIE DE BAS ALOI.

MONSIGNOR Consalvi méritoit une récompense. Elle lui étoit due même par le sacré collége. Il obtint la promesse d'un chapeau, qu'il a depuis reçu, avec la place de secrétaire-d'état, qui avoit dans ses attributions toutes les relations avec les gouvernemens étrangers, et plusieurs fonctions assez importantes, qui concernent l'administration intérieure.

Avant de recevoir le chapeau, il n'eut que le titre de secrétaire-d'état par intérim (1).

Nous observerons dans le cours de ce récit que le cardinal Maury ne fut pas assez dignement récompensé.

Il ne faut pas s'étonner de voir un secrétaire général du conclave, jouer un grand rôle, et

(1) Consalvi se fit donner cette place d'intérim d'une manière trèsadroite. Il dit à Pie VII: « L'Autriche n'a pas fait le Pape; si vous voulez nommer ici aux grandes charges, c'est elle qui dictera les choix. Ajournez surtout la nomination du secrétaire-d'état. Vous y penserez à Rome, où vous serez libre de toute influence.>>

Pie VII ayant déféré à ces avis, le prélat remplit par intérim la place de secrétaire d'état, et ne la rendit plus.

devenir comme l'arbitre entre des factions ouvertement opposées.

Le prélat Fanelli, également secrétaire du conclave, en 1644, dans lequel on élut Innocent X (Jean-Baptiste Pamphili), avoit presque seul décidé cette élection. L'histoire du temps ne dit pas si le Pape lui en témoigna sa reconnoissance. On sait qu'il fit cardinaux, Gori et Giorio, ses conclavistes, parce qu'ils l'avoient servi avec zèle et assiduité.

Cependant la cour de Vienne, un peu blessée de la nomination de Chiaramonti, avec qui elle n'avoit pas pensé à traiter, avoit refusé de le laisser couronner dans l'église Saint-Marc. Le 21 mars, Pie VII fut couronné dans l'église SaintGeorge, par le cardinal Antoine Doria, chef de l'ordre des cardinaux diacres, et frère du cardinal Joseph.

Un pontife tel que Pie VII pouvoit-il ne pas se livrer, sur-le-champ, aux travaux les plus solennels du pontificat? Le 15 mai 1800, il adressa une encyclique aux cardinaux, et à tous les évêques de la chrétienté; on y remarquoit ce passage:

་་

Nous éprouvons une profonde tristesse et une vive douleur en considérant ceux de nos enfans qui habitent la France; nous sacrifierions notre vie pour eux si notre mort pouvoit opérer leur salut. Une circonstance diminue et adoucit l'amertume de notre deuil. C'est la force et la constance qu'ont montrées plusieurs d'entre vous, et qui ont été imitées par tant de personnes de tout âge, de tout sexe et

de tout rang; leur courage à ne pas se souiller du serment illicite et coupable, pour continuer d'obéir aux décrets et aux sentences du Saint Siége apostolique, restera éternellement gravé dans notre mémoire, autant que la cruauté renouvelée des temps anciens, avec laquelle on a poursuivi ces chrétiens fidèles. >>

Si Pie VII étoit déjà comme dans une sorte de prison, nous voyons qu'il n'y oublioit pas ses devoirs. On parloit de retenir le Pape à Venise, même de l'engager à fixer son séjour à Vienne. M. de Thugut établissoit là un précédent d'ingérence, qui fut malheurement mis à exécution plus tard, par un autre ministère, et dans un autre pays. Après deux mois de retard, l'Autriche ne put et ne voulut pas s'opposer au départ du Pontife. L'armée de Buonaparte devenu premier Consul, étoit descendue en Italie par tous les chemins qu'on suppose avoir été connus d'Annibal, et le général français, de sa personne, étoit entré à Milan le 2 juin. D'ailleurs l'empereur d'Allemagne, qui a toujours été un prince pieux et droit dans ses actions, se montroit particulièrement satisfait du résultat des opérations du conclave. Le Pape s'embarqua le 6 juin, sur une frégate autrichienne, qui se trouva ensuite, on ne sait comment, mal pourvue de provisions de bouche. Le manque absolu d'eau força Pie VII à débarquer à Pesaro, d'où il s'achemina vers Rome.

Le 21 juin il entra dans Ancône au bruit d'une salve d'artillerie. Les vaisseaux russes qui

stationnoient dans le port, ordonnèrent le salut impérial, parce que Paul Ier avoit expressément recommandé que l'on rendît au Pape les honneurs dus à sa personne impériale.

Six cents Anconitains qui se relayoient tour à tour, dételèrent les chevaux de la voiture, et y ayant attaché des cordes garnies de rubans de diverses couleurs, la traînèrent jusqu'au palais du cardinal Ranuzzi, qui attendoit impatiemment son souverain, et s'étoit bien gardé de fuir.

Le jour suivant le Pape célébra la messe à l'autel de la Madone de saint Cyriaque, devant l'image de la Vierge, et il partit pour Lorette. Thugut avoit eula grande peur soupçonnée par Consalvi; un commissaire autrichien déclara que sa majesté impériale et royale apostolique avoit recouvré les Etats du S. P. pour les lui rendre, et qu'il alloit rentrer en jouissance de ces mêmes Etats. Cependant les troupes autrichiennes continuoient d'occuper les trois Légations. Sans perdre de temps à négocier, Pie VII voulut toujours s'avancer vers Rome.

Cette ville, depuis long-temps, n'étoit plus occupée par les troupes françaises et les partisans de la république romaine; celles-ci, réduites à un petit nombre de soldats, avoient rendu depuis environ huit mois le château SaintAnge et la ville, en vertu d'une convention entre l'ambassadeur Bertolio et le général Garnier, d'une part, et de l'autre part les lieutenans

du cardinal Fabrice Ruffo, quelques escadrons autrichiens et deux cents hommes d'infanterie anglaise.

M. Bertolio natif d'Avignon, ancien avocat à Paris, homme d'un esprit conciliant, avoit gouverné le pays avec intégrité, jusqu'au moment où la déclaration de l'état de siége étoit venue rendre comme nécessaires les abus et les violences qu'il entraîne à sa suite.

Les Napolitains s'étoient attribué la gloire de cette conquête, et les Anglais, commandés par le commodore Trowbridge, qui n'avoit qu'un petit nombre de soldats, et qui ne pouvoit abandonner ses vaisseaux, devoient laisser Rome et l'État romain à la garde de leurs alliés et d'un corps russe récemment amené de Naples.

Les Napolitains en garnison à Rome, voyoient avec déplaisir l'arrivée du Pape, tant il est vrai qu'il est difficile de savoir restituer généreusement, même à ses amis, les possessions que l'on assure avoir reconquises pour eux; mais presque toute l'armée napolitaine, composée en partie de volontaires calabrais, n'avoit été appelée que pour une guerre de religion; on n'avoit vaincu qu'aux cris de viva Maria, et les chefs qui agissoient au nom du chevalier Acton, n'osèrent pas montrer publiquement leur impatience. D'ailleurs, Pie VII ne suivant que le meilleur conseil, s'empressoit de marcher sur Rome, où on le reçut le 3 juillet, avec des transports fa

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