Page images
PDF
EPUB

4° d'entretenir toute correspondance intérieure relative à ces objets.

M. Portalis, conseiller d'Etat estimé, connu par ses talens de jurisconsulte, sa probité et ses sentimens religieux, alloit trouver dans le Conseil, des contradicteurs qui devoient quelquefois l'entraîner au delà de ses propres sentimens, et obtenir à cet égard, contre lui, l'assentiment du premier consul. Il devoit aussi arriver qu'un jour, un de ses secrétaires d'une érudition mal assurée, lui fit commettre une assez grave faute.

Les informations fournies par M. Bernier ne suffisoient pas au gouvernement consulaire. Sachant que la plus grande partie des évêques français résidant à Londres, avoient refusé leur démission, il chargea un agent en mission à Hambourg, de rechercher quel effet avoit produit sur l'esprit des évêques français domiciliés en Allemagne, la demande des démissions faite par le bref du Pape, en date du 15 août précédent. Le rapport de cet agent mérite d'être cité :

Le bref avec lequel le Pape demande aux évêques de France, leur démission, n'est pas encore parvenu à ceux qui résident dans le cercle de Basse-Saxe: ces prélats sont les archevêques de Rheims et de Bourges, à Wolfenbutel, l'évêque de Boulogne, à Hildesheim, et l'évêque de Pamiers, à Bilworder, petit village dépendant de Hambourg. Ils se sont réunis, il y a quelques jours à Wolfenbutel, pour se concerter sur la conduite qu'ils avoient à tenir dans cette circonstance. L'évêque de Boulogne étoit déci

dément pour le refus de la démission; l'évêque de Pamiers, décidément pour la donner, et les deux archevêques, quoique très-frappés du refus de la majorité de leurs confrères à Londres, étoient dans un véritable état d'incertitude. Malgré la grande supériorité de l'évêque de Boulogne sur celui de Pamiers, pour les connoissances, la logique, et le talent de la discussion, l'avis du second étoit si facile à défendre, et s'appuyoit sur des raisons si palpables, qu'elles ont frappé les deux archevêques : l'évêque de Pamiers les a laissés disposés à donner leur démission, et il ne désespère pas que l'évêque de Boulogne, lui-même, ne se décide à donner la sienne. Ils sont tout étonnés de

n'avoir pas encore reçu le bref de Sa Sainteté.

» On sait que les évêques refusans, de Londres, ont été conduits par l'archevêque de Narbonne et l'évêque de Saint-Pol; que le premier ayant laissé dix-huit cent mille francs de dettes en France, et s'étant fait une existence supportable en Angleterre, a une répugnance invincible pour tout arrangement qui ne rend pas au clergé de France ses richesses, et que le second trouve son compte dans l'administration des secours accordés aux prêtres français déportés: les motifs qui dirigent les prélats directeurs, ôtent toute considération à ceux qui se laissent diriger, dans l'esprit même des hommes qui ne peuvent ou ne veulent connoître la question.

» On sait aussi que pendant la guerre de la Vendée, lorsque M. de Puysaye commandoit pour les princes français, et que M. le comte d'Artois étoit à l'Isle-Dieu, le Directoire ayant fait promettre le rétablissement du culte catholique aux Vendéens, s'ils vouloient se soumettre, et cette promesse inquiétant leurs chefs, il fut proposé dans une assemblée de dix-huit ou dix-neuf évêques alors résidant à Londres, de déclarer solennellement, au nom de l'Église de France, que nul catholique ne pourroit reconnoître d'autre autorité que celle du roi. Les prélats qui

provoquoient cette déclaration, sont les mêmes qui viennent d'entraîner leurs confrères au refus de la démission demandée par le Pape. L'archevêque d'Aix, l'évêque de Comminges et l'évêque de Pamiers se prononcèrent hautement à cette époque, contre la déclaration proposée. Ils furent même puissamment secondés par l'archevêque de Toulouse, qui se trouve aujourd'hui dans le parti de l'archevêque de Narbonne : celui de Bordeaux n'étoit pas alors à Londres. Le souvenir de cette tentative anti-apostolique sert encore à faire apprécier la conduite actuelle des prélats qui l'avoient imaginée (1). »

La cour de Rome, de son côté, faisoit des démarches pour obtenir les démissions, mais avec une réserve judicieuse, parce qu'elle savoit à quel point de tels sacrifices étoient amers pour des pasteurs dont elle comprenoit très-bien la résistance.

(1) Nous croyons que l'on adopte trop légèrement, dans ce rapport, des bruits qui couroient sur l'état de la fortune de M. l'archevêque de Narbonne, et qu'à l'égard de M. l'évêque de Saint-Pol, l'agent répète une calomnie qui n'a aucun fondement.

CHAPITRE XV.

RÉPONSE DU PAPE A UNE LETTRE DU PREMIER CONSUL. LE CARDINAL CAPRARA DEMANDE QUE LE CORPS DE PIE VI PUISSE ÊTRE TRANSPORTÉ a rome.

LE cardinal Consalvi avoit à s'occuper immédiatement de la réponse que le Pape devoit faire à la lettre du premier consul, transmise par M. de Talleyrand le 10 octobre.

Il n'est aucun historien qui puisse faire parler la cour de Rome elle-même, mieux que cette lettre profondément raisonnée, où tous les points traités dans la dépêche du premier consul sont repris, discutés avec une rare précision, et une clarté de style très-remarquable; il y a peut-être seulement, dans un passage, quelques considérations temporelles trop peu élevées pour le caractère que doit soutenir un Pontife. Le lecteur va juger.

PIUS PP. VII.

Très-cher fils en J. C. salut et bénédiction apostolique! « Nous vous avons fait connoître déjà par notre lettre du 14 du mois courant, notre contentement de la paix con

clue avec l'Angleterre; nous avons reçu ensuite avec une particulière sensibilité à votre attention pour nous, la nou velle que vous nous donnez de la paix conclue avec la Russie, le Portugal, et la Porte. Grande est notre satisfaction en voyant rétablir la bonne harmonie entre toutes les puissances de l'Europe, et nous ne pouvons apprendre ce bienfait sans honorer et admirer votre sagesse.

» Nous rendons grâces à la divine Providence d'un si heureux événement qui fait cesser les maux par lesquels l'bumanité a été si longuement opprimée et qui promet les succès les plus prospères pour le bien de la religion.

[ocr errors]

Nous avons ordonné que l'on fit de publiques démonstrations d'allégresse, en même temps que l'on rendra des actions de grâces au Tout-Puissant. Nous nous réservons de faire chanter le Te Deum solennel dans l'église de SaintPierre, et de célébrer ainsi la convention ecclésiastique heureusement conclue avec la France, quand il vous plaira de publier ce traité, ce que nous demandons avec les vœux les plus ardens.

» Nous nous réjouissons avec vous des nobles et grandes actions par lesquelles vous vous distinguez, et qui amènent le bonheur des hommes, l'avantage et la gloire de la religion.

[ocr errors]

A l'égard de l'affaire de Malte, vous nous manifestez le désir que nous intervenions près les diverses cours de l'Europe, pour la réorganisation de l'Ordre, à qui on va rendre Malte; le vœu de notre cœur est conforme à vos projets pour le rétablissement de cet Ordre, aux termes

de ses statuts.

» Assurément nous, nous ne pouvons y concourir que de la manière qui est propre au chef de la religion catholique: c'est en ce sens que nous avons fait répondre à cet égard, non-seulement en Russie, mais encore en Espagne.

>> Nous avons ordonné à notre secrétaire d'état de vous faire connoître plus en détail, tant par notre cardinal-légat

« PreviousContinue »