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hommes, mais qui ne sait pas se faire craindre, seroit tombé, renversé du Saint Siége; toute sa puissance est dans celle de la France, et c'est cette fermeté à défendre l'autorité appartenant au Pape seul, qui soutient tout ici; et lorsque vous voudrez que tout s'écroule à Rome, il n'y a autre chose à faire que de retirer la main protectrice du premier consul qui fait tout ici, et qui ne peut continuer à être aimé et respecté qu'en continuant à être bienfaisant avec justice. >>

» J'ai l'honneur de vous saluer respectueusement.

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Quel triomphe pour l'honneur et la morale, quand le représentant d'une puissance formidable ne parle que le langage des convenances de la plus exacte probité, et donne ainsi l'exemple des plus rares vertus politiques! aussi le nom de M. Cacault n'étoit-il toujours prononcé qu'avec de justes louanges, et d'éclatantes bénédictions.

CHAPITRE XXIX.

LA

PROTECTION DES

FONDATIONS FRANÇAISES RENDUE A LA FRANCE. IGNOBLES SATIRES CONTRE LE PAPE. M. CACAULT FRAPPÉ PAR UN FACINOROSO. BELLE CONDUITE DE CE MINISTRE DANS CETTE CIRCONSTANCE. NÉGOCIATIONS AVEC L'angleTERRE. CENOTAPHE ÉLEVÉ EN L'HONNEUR DU CARDINAL DE

BERNIS.

Nous ne pouvons nous lasser d'entendre parler ce Thraséas, ce Las-Cases politique. Il y avoit encore à traiter une dernière affaire jusque là passée sous silence. C'étoit celle des fondations françaises faites de temps immémorial par nos rois et des nationaux généreux. M. Cacault pensoit à donner une direction sage et sensée à cette affaire.

CITOYEN MINISTRE,

>> Lorsque j'ai eu l'honneur de signer avec le général Buonaparte le traité de Tolentino, les intentions et les sentimens du général à l'égard de la paix universelle et du Saint Siége étoient les mêmes qui ont été manifestés depuis avec tant d'éclat et de succès pour le bien du monde entier. Ce traité, dicté comme une capitulation, a pourtant été fait dans les vues de stabilité et de durée perpétuelle de paix et de bonne harmonie, entre la France et le Saint Siége. Nous avions pris en considération que la France avoit à Rome et dans l'Etat Ecclésiastique des fondations religieuses de toute espèce, et que, suivant

l'esprit qui embrasoit alors, il ne pouvoit manquer de s'élever des prétentions sur la vente des fondations françaises à Rome, qui feroient naître de nouveau la guerre et des divisions entre les deux puissances. Pour ôter tout prétexte à l'esprit d'avidité et à la fermentation des têtes, de faire éclater sur ce point aucune querelle entre le gouvernement français et le Saint Père, nous avons stipulé à Tolentino l'abandon de tous les droits et prétentions sur les fondations religieuses. Dans le fait, ce n'étoit rien céder, car les Allemands et les Anglais, qui se sont séparés de Rome et qui ont vendu dans leur pays les biens ecclésiastiques, n'ont jamais prétendu exercer depuis aucun droit sur les fondations dans ce pays, et s'ils ont prétendu à quelque chose à cet égard, les réclamations n'ont pas été écoutées. Les ministres des Souverains catholiques ont à Rome la protection honorifique des fondations nationales religieuses ; mais les corps de moines ou de prêtres séculiers, ou les hôpitaux en faveur de qui les fondations ont été faites, en jouissent et les administrent selon leur règle et les contrats des fondations, sous la protection et les lois des souverains du pays, qui sont les garans de toutes ces propriétés comme de toutes les autres. Nous rentrerons quand nous voudrons, malgré la stipulation du traité de Tolentino, dans l'exercice, de droit, de la protection honorifique des établissemens français religieux à Rome, parce qu'il ne coûtera rien au Pape de nous le rendre, et parce que ces établissemens même viennent spontanément rechercher ma protection, et me rendre les honneurs qu'ils ont toujours rendus aux ambassadeurs français. Lorsqu'il y aura ici un cardinal protecteur, tout se remettra naturellement sur l'ancien pied. Le bien qui naît et qui se développe tous les jours par un effet de la confiance de la cour de Rome dans les hautes idées du premier consul, et dans le système de justice et de paix du gouvernement français, amènera tout au terme désirable; mais nous avons à écarter tous les

aboyeurs accoutumés à regarder ce pays comme un bien appartenant à tout le monde, et comme un État où le souverain doit céder à toutes les demandes et à toutes les impulsions.

» J'ai l'honneur de vous saluer

respectueusement.

« P. S. M. d'Avaray, attaché au Prétendant, est arrivé depuis quelques jours à Rome. En partant d'ici, il y a un an, il a été à Varsovie, d'où il a passé à Naples. De retour à Rome, il ne fait aucune sensation. On le dit accompagné d'un ancien garde-du-corps nommé Vernègues. »

Tout marchoit bien d'un côté, mais de l'autre, nous avions des ennemis à Rome. Le Pape ayant éprouvé une légère incommodité, son médecin lui avoit défendu de parler. A ce sujet, des méchans publièrent que pour avoir trop parlé avec les Francais, Pie VII perdoit la parole. Nous ne faisions aucune attention à ces sottises, mais on voulut nous y faire prendre part malgré nous.

J'avois reçu des lettres anonymes, pendant que je résidois seul à Rome : on n'avoit pas discontinué d'en envoyer à M. Cacault. Un jour on lui apporta, de la poste de Florence, (la France, Milan, Florence, Naples et Venise avoient alors à Rome des postes aux lettres particulières) une assez grosse lettre d'un port très-cher. Quand on l'eut ouverte, on ne trouva, après avoir écarté beaucoup de feuilles de papier blanc, qu'une feuille distincte sur laquelle on avoit écrit le mot Pax. Il étoit difficile de comprendre le sel de cette singulière communication. Les ennemis du cardinal Consalvi faisoient courir le

bruit que la santé du Pape s'altéroit; mais cette circonstance n'avoit aucun rapport avec le mot Pax qui, nous disoient aussi nos amis, est le mot gravé sur la porte du chef de l'Ordre des Bénédictins. Cela vouloit-il dire que le Pape étoit un religieux de l'Ordre de Saint-Benoît? Un pareil fait n'étoit pas bien malaisé à deviner. Une autre lettre arrivée quelques jours plus tard étoit plus détaillée, et nous apprenoit que bien que nous ne manquassions pas de Bénédictins auprès de nous, qui devoient être familiarisés avec le mot Pax, il sembloit extraordinaire que nous ne comprissions pas le sens de ce mot; qu'alors on accouroit à notre secours; qu'il falloit écrire ainsi ce mot si bref : P. A. X., et qu'il vouloit dire, Puer annorum decem. Au bas de cette explication injuriense on avoit écrit comme en note: «< Nescio loqui, quia sum Puer. Je ne sais pas parler, parce que je suis un enfant.»> Cette fois je montrai la lettre à mon ami le père Torelli, en lui disant combien j'étois affligé de cette injustice envers un Pontife si digne de vénération.. Le père prend le papier, le retourne, cherche à en connoître la marque et la fabrique, puis jette les yeux sur le nescio loqui, etc. Rougissant tout à coup d'un sentiment de colère qu'il sut bientôt contenir, et qui fit place à un mouvement de joie un peu orgueilleuse, il s'écria: «Le malheureux! il ne sait pas bien ce qu'il veut citer; Dieu soit loué, ce n'est point un ecclé

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