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sible, la loi d'une retenue calculée, et qui ainsi sera parvenu à écrire comme un Italien à opinions austères et opposées à ce qu'on appeloit les complaisances du cardinal Consalvi.

Quoi qu'il en soit, en lisant, en relisant ces Expostulations (dénomination aussi modeste que juste), on a devant ses regards, à part les petits défauts que je soupçonne, on contemple comme un immense concile. On lit en peu de pages le résumé de la sagesse des Pères, de la grandeur des bienfaits de l'unité, la définition la plus attendrissante de la paix de Jésus-Christ, toute la haute érudition de Baronius et de Benoît XIV, les préceptes si purs de Pie VI, et jusqu'aux premières exhortations de Pie VII, qui ne sont pas rappelées avec amertume. Cet ouvrage, enfin, devra toujours être consulté par ceux qui voudront étudier à fond les négociations du concordat de 1801. Pour suivre mon raisonnement, il faut lire l'édition latine de Londres (1).

(1) In-8° de 134 pages. Londini ex officina Cox, filii et Baylis Great Queen street, déc. 1803. Si l'on veut consulter une très-bonne traduction française, on la trouvera chez M. Le Clere, quai des Augustins, no 35.

CHAPITRE XXXI.

LE PAPE PROJETTE UNE RÉORGANISATION DE LA HIERARCHIE CATHOLIQUE EN ALLEMAGNE. m. de CHATEAUBRIAND NOMMÉ SECRÉTAIRE DE LÉGATION A ROME. DISCUSSION SUR LE TITRE DIPLOMATIQUE QUE PEUT RECEVOIR UN CARDINAL. INSTRUCTIONS DONNÉES AU CARDINAL FESCH. LETTRE DU PAPE AU PREMIER CONSUL SUR LES ÉG LIses d'Allemagne.

IL est dans la destinée d'un Pontife romain, de ne pouvoir que rarement se livrer à un repos moral, surtout après les troubles qui ont pu désoler la chrétienté. Elle étoit livrée à de graves désordres depuis plus de vingt ans, car il faut remonter aux temps où Joseph II commença ses réformes, qui du reste n'ont fait qu'augmenter et confirmer la piété de la Belgique, comme on peut s'en convaincre encore aujourd'hui.

L'Allemagne, que Grégoire V, Allemand et parent de l'empereur Othon III, appeloit le grand bras du christianisme (ce qui vouloit dire alors du catholicisme,) certainement, si l'on considère les puissances opposantes qui s'y étoient établies, ne pouvoit plus prétendre à un nom si glorieux. Le Saint Père n'avoit proféré aucune plainte pendant que les opérations qui sembloient nécessaires à la paix faisoient perdre aux ecclésiastiques de si grands domai

pas

nes. Sa Sainteté n'avoit point protesté, n'avoit réclamé; elle savoit réduire ses demandes et régler sa conduite avec sagesse : mais un Pontife tel que Pie VII, à quelque douleur qu'il fût livré d'ailleurs pour d'autres motifs, ne pouvoit être indifférent à l'intérêt spirituel des catholiques devenus sujets des protestans, et qui avoient perdu leurs évêques. Il désiroit réorganiser et rétablir sur la base des traités entre les puissances, la hiérarchie ecclésiastique d'Allemagne. Les princes protestans souhaitoient eux-mêmes de semblables mesures; les catholiques les demandoient avec instance: aussi le Pape se décida-t-il à nommer, pour résider à Ratisbonne, un nonce chargé d'écouter toutes les demandes, de lui rendre compte des besoins des fidèles et des intérêts des gouvernemens.

<«< Il va arriver, disoit M. Cacault, que la puissance du Pape confirmera tacitement à Ratisbonne ce qui a été réglé par les grandes puissances; cela fait dire à Rome que sur le même autel sur lequel la victime a été égorgée, tout ce qui a été fait de préjudiciable au Saint Siége sera ratifié. »

Mais ce n'étoit pas sans des informations exactes que les Débats avoient annoncé à l'avance la nomination de M. de Chateaubriand. Le 19 floréal an xi (9 mai 1803), M. de Talleyrand lui écrivit :

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Je m'empresse, citoyen, de vous envoyer une copie de l'arrêté par lequel le premier consul vous nomme secrétaire de légation de la république à Rome. Vos talens et

l'usage que vous en avez fait, n'ont pu que vous faire connoître d'une manière avantageuse dans votre pays et dans celui où vous allez résider, et je ne doute point du soin que vous mettrez à justifier la confiance du gouvernement.

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A cette nouvelle, M. Cacault s'écria : « Mais que devient mon fils, mon ami, ma politesse? » C'est ainsi qu'il m'appeloit quelquefois.

M. de Fontanes avoit beaucoup contribué à la nouvelle nomination, ainsi qu'on le voit dans la réponse officielle de M. de Chateaubriand, qui ne fut datée que du 22 floréal (12 mai). Mais M. le cardinal Fesch y étoit resté étranger, car il se contenta de répondre, quand il connut l'arrêté de la nomination : « Je vous remercie de votre attention à m'envoyer l'arrêté de la nomination du citoyen Chateaubriand à la place de secrétaire de légation à Rome. Je saisis, etc........ »

On savoit à Paris toute la douleur de la cour de Rome au moment où elle avoit appris le rappel de M. Cacault. Le premier consul écrivit au Pape directement à ce sujet, selon l'usage.

TRES-SAINT PÈRE,

«Je me suis déterminé à rappeler auprès de moi le citoyen Cacault, qui vient de résider auprès de Votre Sainteté en qualité de ministre plénipotentiaire de la république française. Le motif qui m'a guidé n'a sa source dans aucun sujet de mécontentement. Sa conduite pendant toute la durée de ses fonctions a mérité au contraire mon entière approbation. Mais le désir de le remplacer auprès de Votre Sain

teté par un personnage revêtu d'un caractère éminent, et de donner à Votre Sainteté une preuve plus manifeste de mon attachement et de mon respect filial, est la seule raison qui a dû me déterminer à ordonner son rappel. Je lui enjoins en conséquence de prendre congé de Votre Sainteté, et mon intention est qu'en remplissant cette dernière fonction de son ministère, il renouvelle à Votre Sainteté les assurances de mon attachement et de mon respect filial, ainsi que les vœux que je ne cesserai de faire pour la conservation de Votre Sainteté et la prospérité de son pontificat.

» Donné à Saint-Cloud, le 7 prairial an x1 de la république française (27 mai 1803)..

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C'étoit la première fois peut-être que la cour romaine s'affligeoit de voir un ministre laïque remplacé par un cardinal. Mais il fallut recevoir la lettre et se décider à attendre quelle seroit la conduite du nouvel ambassadeur, le cardinal de Lyon, ainsi qu'on l'avoit annoncé. Il paroît qu'à Paris ce titre de cardinal de Lyon, auquel la cour romaine n'avoit rien vu à reprendre, fut abandonné à cause de quelques plaisanteries de journaux sur M. de Meaux et M. de Paris, etc. Quant au titre d'ambassadeur, la cour de Rome réclama, et soutint que jamais un cardinal n'avoit pris ce titre ; que M. de Rochechouart, évêque, étant ambassadeur à Rome, en 1761, et ayant été préconisé cardinal le 23 novembre de la même année, cessa d'être ambassadeur, et prit le titre de ministre plénipotentiaire. Le gouvernement pontifical se fon

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