Page images
PDF
EPUB

Sainteté exige pour obvier aux difficultés qui viennent d'être énoncées par les cardinaux opposans.

« Le désir de Sa Sainteté de connoître particulièrement Sa Majesté Impériale, et de lui être agréable, le bien spirituel de l'Eglise de France, l'espérance qui est si persuasive et si éloquente, la conviction que Sa Majesté ne voudroit pas permettre que le retour du Saint Père mît le comble à ses afflictions, l'avoient décidée à répondre affirmativement à son légat. Les seules difficultés qu'elle se soit faites elle-même, et que quinze cardinaux lui ont répétées, doivent la décider à faire présenter à Sa Majesté l'empereur des Français, avec un vœu affirmatif, des conditions, comme mesure essentielle et indispensable, qu'elle exige pour obvier à la critique, pour donner des raisons puissantes au sacré collége, et plausibles aux différentes cours d'Europe, quoiqu'elle ait des motifs fondés de croire qu'on lui en gardera un ressentiment éternel.

>>1° Pour justifier son départ de Rome et la stagnation pendant plusieurs mois des affaires entamées avec les différentes cours, Sa Majesté Impériale en invitant Sa Sainteté, par lettres, à se rendre à Paris, lui exprimera qu'indépendamment du désir d'être couronnée et sacrée par le Saint Père, et des empêchemens qui s'opposent au voyage de l'empereur en Italie, les affaires multipliées concernant la religion, et sur lesquelles Sa Sainteté lui a fait des représentations, lui fournissent une occasion également désirable pour la prier de lui faire l'honneur de se rendre en France, où elle-même pourroit traiter les affaires sur les lieux, et parvenir à une définition utile à sa tranquillité et au bien de la religion. La lettre sera conçue en des termes très-engageans et très-honorables pour Sa Sainteté afin de donner une plus grande importance à cette invitation, il faudroit l'envoyer par une députation de deux évêques.

»20 Sa Majesté Impériale voudra bien assurer à Sa Sainteté qu'elle lui donnera la satisfaction de l'écouter favorablement, lorsqu'elle lui prouvera invinciblement qu'il y a quelques articles des lois organiques qui outrepassent les libertés de l'Eglise Gallicane, et les prétentions de l'ancien gouvernement. Il faudroit aussi faire rentrer dans l'ordre les évêques rebelles à l'autorité du Saint Siége, ou par quelque moyen que ce soit, les évincer de leur siége. Finalement, on feroit mettre à exécution le concordat projeté avec la république italienne, en abrogeant les lois organiques de la consulte de Milan, et en révoquant les arrêtés de Moreau-Saint-Méry, qui a réhabilité des lois condamnées par Clément XIII.

» 3° Quant au mode de sa réception en France, le Pape se remet entièrement à la religion et à la grandeur d'ame de Sa Majesté Impériale: mais il seroit déshonorant pour le Saint Père si on prétendoit changer les cérémonies du sacre; il doit à sa dignité l'entière observance du pontifical (le baisement des pieds, etc.)

» 4° Sa Sainteté recevra tous les évêques de quelque bord que ce soit, avec le même empressement et les mêmes démonstrations d'attachement paternel, à l'exception de ceux qui se sont élevés contre son allocution ou contre l'attestation de l'évêque d'Orléans, ou contre le décret d'institution canonique qui leur a été donné par le cardinal Caprara, et enfin de ceux qui ont manifesté, depuis la susdite institution, des sentimens peu respectueux pour les décisions du Saint Siége sur les affaires ecclésiastiques de

France.

>> Le Saint Père proteste qu'il ne permettroit pas qu'on lui présentât madame de Talleyrand, pour ne pas avoir l'air d'autoriser son mariage qu'il ne reconnoîtra jamais.

>>5° Sa Sainteté se conformera au désir de Sa Majesté Impériale, pour l'époque du départ de Rome et de l'arrivée en France, pourvu que cela soit différé à la rinfrescata, c'est

à-dire au commencement de l'automne, non-seulement à cause des chaleurs que le Saint Père ne pourroit pas supporter, se proposant de voyager pendant le jour et à petites journées, afin de s'accommoder à la piété des fidèles, et aussi pour mettre en ordre les affaires déjà entamées de la religion et de ses États qui exigent indispensablement trois mois de préparatifs. »

Quant à la question du serment, le cardinal Fesch allégua des raisons qui sont fort détaillées, avec une vivacité de logique très-remarquable, et qui frappa les cardinaux opposans. Sur vingt, cinq avoient accepté le serment, mais quinze avoient noté deux articles comme irréligieux, mal sonnans aux oreilles pieuses, rendant suspecte la piété du monarque qui le prêteroit, et devant empêcher que Sa Sainteté ne pût couronner et sacrer un tel monarque. Le cardinal Fesch répond:

« La promesse de respecter et faire respecter la liberté des cultes n'est que le mode de l'exécution de la tolérance civile: elle n'emporte pas en soi la tolérance religieuse et théologique qui est l'acte intérieur d'approbation et de canonisation des autres sectes. On peut en tirer la preuve de l'état de la personne qui doit prêter ce serment. Le Sénat sait fort bien que l'empereur qui doit prononcer ce serment est Catholique. Ce Sénat qui l'oblige à jurer le concordat qui est la profession de sa foi (à lui empereur), n'a donc pas voulu l'obliger au respect renfermant la tolérance théologique qui détruiroit cette même foi, et par conséquent il n'a exigé que le mode de protection de la tolérance civile. >>

Le cardinal finit par demander qu'on lui

donne la faculté de déclarer qu'il s'agit seulement d'obliger l'empereur à permettre que les cultes autorisés dans l'Etat s'exercent librement, et à faire respecter la liberté d'un tel exercice.

Moyennant une telle déclaration, ajoute le cardinal, et l'engagement à prendre par Sa Majesté Impériale d'adhérer aux conditions exigées par Sa Sainteté, toutes les difficultés seront applanies, et le Saint Père persuadera à la grande majorité des cardinaux, qu'il convient de coopérer au bien spirituel des fidèles, par un consentement satisfaisant et solennel.

Le cardinal Caprara écrivit dans le même sens à M. de Talleyrand, le 25 juin, et détailla les mêmes conditions moins celle qui concernoit particulièrement la situation de M. de Talleyrand lui-même, et l'extension qu'il avoit donnée à son bref de sécularisation.

CHAPITRE XXXVI.

NOUVELLES RÉCLAMATIONS ADRESSÉES AU SAINT PÈRE PAR DES ÉVÊQUES FRANÇAIS RÉFUGIÉS. DÉCLARATION DE CES ÉVÊQUES SUR LES DROITS DE LOUIS XVIII. L'ÉVÊQUE D'ORLÉANS CHARGÉ D'EXAMINER LES CONDITIONS DU PAPE. LE NONCE RENVOYÉ DE SAINT-PÉTERSBOURG. NÉGOCIATIONS POUR LE SACRE. MORT DE M. GANDOLPHE, SECRÉTAIRE DE LÉGATION A ROME. L'AUTEUR EST NOMMÉ UNE SECONDE FOIS SECRÉTAIRE DE LÉGATION PRÈS LE SAINT SIÉGE. LE PAPE EST INVITÉ Par une lettre de NAPOLÉON A VENIR LE SACRER A PARIS.

ROME entière, plus ou moins, avoit pris part à ces débats. Malgré les recommandations du secret, on avoit deviné, à l'aide de correspondances de Paris, quelques-unes des questions en délibération. On répandoit aussi des copies de nouvelles réclamations canoniques adressées au Saint Père, le 15 avril de cette année, par monseigneur Arthur Richard de Dillon, archevêque et primat de Narbonne, en son nom et au nom de douze autres évêques français. Le prélat présente cet acte comme une suite des Expostulations. Il y joint une déclaration sur les droits de sa majesté Louis XVIII.

« Ces actes, dit M. de Dillon dans une lettre particulière, remplissent l'engagement pris à la fin de nos premières

« PreviousContinue »