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nique, avoit voulu continuer ses études à Rome dans une campagne ravagée par le mauvais air, mourut des suites d'une fièvre tierce. M. Gandolphe étoit un homme bon, instruit, modeste et tranquille; on l'employoit peu à la légation. M. Cacault fit alors des démarches pour que j'allasse reprendre mon poste près du Saint Siége, et il obtint que j'y fusse envoyé une seconde fois dans la même qualité.

M. le cardinal insistoit à Rome pour avoir du Pape une promesse de départ bien positive. Il avoit des conférences de deux, trois et quatre heures avec le cardinal Consalvi; tous les jours il naissoit de nouvelles difficultés : enfin le gouvernement pontifical déclara qu'il attendoit la lettre d'invitation, qui devoit contenir des assurances de bonne volonté bien prononcées pour les affaires de la religion.

L'empereur se décida à écrire la lettre qu'on va lire :

TRES-SAINT PERE,

«L'heureux effet qu'éprouvent la morale et le caractère de mon peuple par le rétablissement de la religion chrétienne, me porte à prier Votre Sainteté de me donner une nouvelle preuve de l'intérêt qu'elle prend à ma destinée, et à celle de cette grande nation, dans une des circonstances des plus importantes qu'offrent les annales du monde. Je la prie de venir donner, au plus éminent degré, le caractère de la religion à la cérémonie du sacre et du couronnement du premier empereur des Français. Cette

cérémonie acquerra un nouveau lustre, lorsqu'elle sera faite par Votre Sainteté elle-même. Elle attirera sur nous et nos peuples la bénédiction de Dieu, dont les décrets réglent à sa volonté le sort des empires et des familles.

» Votre Sainteté connoît les sentimens affectueux que je lui porte depuis long-temps, et par-là elle doit juger du plaisir que m'offrira cette circonstance de lui en donner de nouvelles preuves.

» Sur ce, nous prions Dieu qu'il vous conserve, trèssaint Père, longues années au régime et gouvernement de notre mère sainte Eglise.

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Ecrit à Cologne, le 15 septembre 1804.

M. de Talleyrand répondit de son côté au cardinal Caprara :

« La lettre d'invitation sera remise incessamment à Sa Sainteté. M. le général Caffarelli est chargé de cette honorable mission. Sa Majesté Impériale a voulu donner à Sa Sainteté une marque particulière d'empressement et d'égards, en rendant porteur de sa lettre un général attaché à sa personne, et qui étant habituellement témoin des sentimens qui l'unissent à Sa Sainteté, peut d'autant mieux en devenir l'interprète.

>>

CHAPITRE XXXVII.

LE GÉNÉRAL CAFFARELLI PORTE LA LETTRE D'INVITATION DE L'EMPEREUR AU PAPE. PIE VII DEMANDE UNE AUTRE LETTRE. IL FINIT PAR CONSENTIR AU VOYAGE. ARRIVÉE DE L'AUTEUR A ROME. ÉLOGE DU GÉNÉRAL CAFFARELLI M. DE CLERMONTTONNERRE, ANCIEN ÉVÊQUE DE CHALONS, DEMANDE LA PLACE

DE MAJOR DOME. ALLOCUTION AUX CARDINAUX. MOT DE NAPOLÉON SUR LES PRÊTRES. M. DE FONTANES APAISE NAPOLÉON. L'EMPEREUR ÉCRIT AU PAPE, ET lui témoigne le vif désir qu'il a de le voir.

Le général Caffarelli eut en effet, la mission de porter l'invitation. La substitution de ce général aux deux évêques demandés par le Pape, si M. le cardinal Fesch n'étoit pas chargé de remettre la lettre au Saint Père, ne déplut pas à Rome. Ce général passoit pour un homme d'un caractère doux, et qui avoit manifesté de la joie lors de la publication du concordat. Le Pape l'accueillit avec bienveillance : la lettre avoit été remise le 29 septembre. Le 30, elle fut communiquée aux cardinaux, et le 2 octobre M. le cardinal Fesch reçut la note suivante :

«Le soussigné cardinal secrétaire-d'Etat a observé que, dans la lettre d'invitation, on n'a pas exprimé que le

voyage n'aura pas seulement pour objet la cérémonie du sacre et du couronnement, mais que les intérêts de la religion en seront le but principal, et que les résultats n'en pourront être qu'infiniment utiles au bien de cette même religion. Le Saint Père, dès le commencement, fit remarquer, par l'entremise du soussigné et de l'éminentissime légat, qu'il convenoit que ce sujet, vrai et nécessaire en soi-même, fût notoire par le moyen de la lettre d'invitation de Sa Majesté, et que l'on donnât sur ce point les assurances convenables : le Saint Père juge donc à propos de faire venir une nouvelle lettre qui annonce positivement ce motif, afin que l'absence de Sa Sainteté du Saint Siége, l'interruption et la stagnation d'un grand nombre d'affaires ecclésiastiques d'une haute importance, soient suffisamment justifiées aux yeux du public par la connoissance des considérations religieuses qui en seront la cause, effet que ne pourroit produire un motif purement humain, quelque puissant qu'il fût. »>

Le cardinal Fesch redoubla d'activité. Il rappela que, dans une lettre du 29 messidor au cardinal Caprara, M. de Talleyrand parloit ainsi : << Ce Voyage n'aura pas seulement pour » objet le couronnement de Sa Majesté; les >> grands intérêts de la religion en formeront ›› la partie principale; ils seront agités dans les >> conseils mutuels de Sa Majesté et du souve>> verain Pontife. Les résultats de leurs délibé>> rations ne pourront qu'être infiniment utiles » aux progrès de la religion et au bien de » l'Etat. »

Après cette assurance, le Pape déclara qu'il comptoit sur la parole engagée, et qu'il se décidoit

à donner la sienne, mais après avoir encore consulté les cardinaux. Une grande majorité de leurs éminences approuva le voyage, et l'on commença les préparatifs. Sa Sainteté répondit à l'empereur, que, remplie de confiance dans les promesses reçues et renouvelées, elle alloit partir, malgré ses infirmités et la rigueur de la saison.

J'arrivai à Rome le 17 octobre. Tout étoit décidé pour le voyage. M. Cacault m'avoit remis des notes avant mon départ, et je n'eus pas occasion d'en faire usage (1). Le cardinal Consalvi

(1) J'avois vu M. Cacault avant de quitter Paris; il m'avoit dit : << On m'a rappelé de peur que je ne contrariasse les vues du gouvernement, qui, un an d'avance, méditoit ce sacre, et vouloit le Pape à Paris: cependant, par les réflexions que je fais aujourd'hui, j'aurois été, je crois, amené à penser de même, si j'étois resté à Rome. C'est une affaire très-grave que ce voyage refusé ou accepté. On ne rebátit pas les faits à son caprice : il faut les subir quand ils sont accomplis. Je vais considérer le voyage comme refusé. Prenez garde en m'écou tant : vous avez toujours eu une prédilection pour la cause des évêques de Londres; vous aimez mieux le Pape entamé que le Pape complaisant. Si le Pape ne vient pas, il sera violemment reconduit au point d'où il est parti, après avoir payé plus que le prix convenu; souvenezvous-en. Et ce point d'où il est parti, c'est Murat à Florence et ses 30,000 hommes, Acton ennemi, l'Espagne amère, l'Autriche avec l'ongle des serres à peine rentré, un concordat qui ne sera plus qu'un frèle papier, les généraux et les ministres mal disposés et moqueurs. Ajoutez ce qui est survenu: la Russie chassant le nonce Arezzo; Vernègues et La Maisonfort qui me saluoient moi, et qui ont honni le cardinal Fesch; la petite église prête à devenir la grande. Il n'y a que la saison qui soit restée une bonne raison. Si j'avois été à Rome... mais on m'en a retiré, et comment? J'aurois pu arranger cela pour avril et Milan: voyez-vous, il y avoit les convenances, la moitié du chemin qui arrange tant de choses. Je dirai encore; ceci doit être considéré par les gens du métier comme moi. L'empereur veut peut-être faire une épreuve à Paris, experimentum........... Mais si l'épreuve ne rencontre pas ce que croit l'empereur, si elle ne tombe pas in animd vili, si la France juge le procès, et dit : Moi, je veux du Pape : c'est un saint, le Pape! cela 31

TOM. I.

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