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que

dans son dévouement, pressoit le Pape d'aller en Sardaigne, où il jouiroit au moins d'une entièrė liberté mais ce projet fut abandonné, ainsi : nous le voyons dans la lettre suivante, que l'auguste captif adressoit à son neveu, le cardinal Braschi. Cette lettre, la dernière peut-être dans laquelle Pie VI ait pu manifester toute sa pensée, a cela de particulier, qu'elle est datée de la vingtcinquième année de son pontificat. En effet, il avoit été élu pape le 15 février 1775, et le vingtcinquième anniversaire de son élection étoit accompli, le 15 février 1799 (1). On verra aussi dans cette lettre, qu'il faisoit des vœux pour les Anglais, qui, en effet, lui témoignoient le désir de contribuer à sa délivrance.

TRÈS-AIMÉ NEVEU,

« Personne ne met plus en doute à présent la prise de Corfou; actuellement nous saurons si les Anglais vont dé

nion avec un tel ennemi du saint Siège. Ensuite, sur la représentation d'une foule de seigneurs Allemands, le même Clément VI protégea les projets de Charles de Luxembourg, margrave de Moravie, qu'on élut empereur à la place de Louis de Bavière, qui mourut d'une chute de cheval, en attaquant un ours, le 11 octobre 1347. Clément VI, seigneur Français, étoit d'un caractère ferme, mais qui ne se montra jamais cruel. Quant à son arrogance, il est vrai qu'il dit un jour, que plusieurs de ses prédécesseurs n'avoient pas su être Papes; il eût mieux fait d'être plus modeste. Mais Louis de Bavière montroit-il donc tant d'humilité, lui qui, le premier, plaça deux aigles dans le sceau de l'empire, ce qui donna lieu à l'invention de l'aigle à double tête?

(1) Au moment où Berthier montoit au Capitole, le Sacré-Collége, réuni à la chapelle Sixtine, assistoit paisiblement à la cérémonie de l'anniversaire de la création du Pontife. Héroïque régularité qui peint bien la cour de Rome!

livrer Malte, comme ils l'ont dit... Il y a trois jours, par suite d'une lettre du directoire, je devois être transporté à Cagliari, mais l'ambassadeur français s'est mis à la traverse et n'a pas voulu que je partisse, disant que le roi de Piémont étant à Cagliari, je ne devois pas y aller. L'abbé Tosi est venu ici de Sicile, et précisément de Palerme, on ne sait pas pourquoi faire. Il y a quatre jours qu'il est à Florence; je ne l'ai pas encore vu. J'ai su avec plaisir que le noble Pésaro se fait honneur en purgeant votre ville des Jacobins; mais quoique j'y aie pensé et repensé, je n'ai jamais pu me rappeler que son frère ait été ambassadeur à Rome. Le marquis Manfredini, premier ministre du grand duc, a été à Mantoue pour empêcher l'exécution de l'ordre du directoire qui nous envoyoit en Sardaigne. Nous verrons s'il réussira dans ce qu'il désire, comme cela paroît vraisemblable. Grâces à Dieu, depuis quelques jours nous nous portons mieux qu'auparavant, quoique la foiblesse des genoux nous tourmente encore,, car nous ne pouvons marcher sans avoir un appui. Nous vous envoyons de tout cœur, la bénédiction apostolique. Donné à la Chartreuse de San Casciano près Florence, le 22 mars de l'an 1799, de notre Pontificat le vingt-cinquième.

« PIUS P. P. VI. » (1).

Le directoire craignoit de voir la guerre se rallumer, et il donna l'ordre de transporter Pie VI en France. Partout il reçut de la nation des témoignages de respect. A Grenoble, des dames de la ville se déguisèrent en servantes, pour avoir occasion de l'approcher, et de lui demander sa bénédiction. Des protestans même montrèrent publiquement leur admiration pour son courage.

(1) Ces mots sont signés d'une main encore assez assurée.

De Grenoble, il fut conduit à Valence, en Dauphiné, où la société de monsignor Spina, archevêque de Corinthe, ne lui fut heureusement pas refusée. C'est là que cet infortuné Pontife succomba à ses douleurs, le 29 août 1799, âgé de quatre-vingt-un ans, huit mois et deux jours, après avoir gouverné le saint Siége vingtquatre ans, six mois et quatorze jours, règne qui avoit surpassé, en durée, celui de tous ses prédécesseurs depuis saint Pierre. L'abbé Tosi nous dira combien la mort du Pontife fut courageuse et chrétienne. Pie VI avant de mourir, ordonna que l'on retirât de son doigt l'anneau de prix qu'il avoit reçu de la reine Clotilde, et qu'on le remît au successeur qu'éliroit le sacré Collége.

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CHAPITRE V.

CONCLAVE DE VENISE. DÉBATS DES CARDINAUX. MONSIGNOR CONSALVI SECRÉTAIRE DU CONCLAVE. ÉLECTION DU CARDINAL CHIARAMONTI QUI PREND LE nom de pie VII. OPINION DU CARDINAL DE BERNIS SUR L'ÉLECTION DES PAPES.

BUONAPARTE avoit été porter sa fortune et sa gloire en Egypte, et régler, sous ses minarets, les plans qu'il méditoit pour la France. Les armées du directoire, commandées par Schérer, éprouvoient des échecs en Italie. Les cardinaux pensèrent alors à s'assembler pour choisir un successeur à Pie VI, et après des démarches, des contrariétés, des obstacles de toute nature, ils se réunirent à Venise, le 1er décembre de la même année 1799, au nombre de 35 (1).

Quand dans un conclave il se trouve un cardinal neveu du Pape défunt, il acquiert toujours une grande influence sur le choix auquel on va

(1) Voici les noms de ces cardinaux :

Albani, duc d'Yorck, Antonelli, Valenti Gonzaga, Caraffa Trajetto, Zelada, Calcagnini, Mattéi, Archetti, Joseph Doria, Livizzani, Borgia, Caprara, Vincenti, Maury, Pignatelli, Roverella, La Somaglia, Antoine Doria, Braschi, Carandini, Flangini, Rinuncini, Honorati, Giovanetti, Gerdil, Martiniana, Hertzan de Harras, Bellisomi, Chiaramonti, Lorenzana, Busca, Dugnani, de Pratis, Fabrice Ruffo.

Il existoit encore, dans diverses parties de l'Europe, onze cardinaux ; mais plusieurs circonstances les avoient empêchés de venir. C'étoient les

procéder. Les cardinaux élus ou simplement traités avec bienveillance par le dernier Pontife, animés d'un sentiment de gratitude, consultent les intentions de ce neveu: Pie VI avoit régné près de vingt-cinq ans et renouvelé à peu près entièrement le collége des cardinaux. Parmi les anciens, on en comptoit plusieurs auxquels il avoit accordé d'immenses bienfaits. Le cardinal Braschi n'étoit pas doué des talens nécessaires pour se montrer un habile chef de parti; cependant un grand nombre de cardinaux suivoient son impulsion, et il eut le bonheur de voir encore parmi ses partisans les deux seuls cardinaux qui fussent restés des créations de Benoît XIV, le cardinal Jean-François Albani, créé le 16 avril 1747, et le cardinal d'York, créé le 3 juillet de la même année. Ces deux respectables princes de l'Église, dont l'un étoit doyen et l'autre sous-doyen du sacré collége, jouissoient à plus d'un titre d'une grande considération; tous deux avoient plus de cinquante années de cardinalat. Le premier étoit un illustre noble Romain, d'une famille alliée à la maison d'Au

cardinaux Sentmanat, Mendoza, Gallo, La Rochefoucauld, Rohan, Montmorency - Laval, Frankenberg, Migazzi, Bathyany, Ranuzzi, Zurlo.

A la rigueur, il existoit quarante-sept cardinaux, si on compte le cardinal Antici, mais il avoit donné, entre les mains de Pie VI, une démission régulière acceptée par un bref, auquel avoient adhéré trentesept cardinaux. Néanmoins, Antici se présentoit à Venise, pour entrer au conclave. Ses anciens collègues ne voulurent pas l'admettre, et ils eurent raison.

TOM. I.

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