Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

Non est in judicio Veritatis iniquum, sed fortitudo, et reynum, et potestas, et majestas omnium ævorum. Benedictus Deus Veritatis.

ESD. Lib. III, Cap. IV. v. 4o.

PENDANT vingt-cinq ans j'ai réuni, pour composer cette histoire, une quantité considérable de pièces officielles et absolument inédites. Dans cette quantité, j'en ai choisi près de deux cents, que j'ai destinées à faire partie de mon ouvrage, et qui sont placées à leur date par moitié dans mes deux volumes (1). Ces dispositions achevées, deux voies différentes se présentoient à moi.

Je pouvois, à la suite de quelques phrases générales, analyser mes documens, m'approprier les expressions les plus pittoresques, faire enfin comme ont fait beaucoup de ceux qui ont entrepris de transmettre à la postérité les actions d'un homme célèbre. Je ne me trouvois pas, très-certainement dans la situation des historiens dont les plus belles contiennent des discours

pages

(1) Je ne compte pas au nombre de ces pièces, des documens déjà imprimés, mais utiles à ma narration, et de nouvelles traductions de quelques morceaux des Mémoires du cardinal Pacca.

vj

qu'il leur a fallu inventer, et mettre dans la bouche de leurs héros; j'avois là, sous les yeux, les phrases originales des miens; encore une fois, je pouvois me charger de dire au public ce qu'ils s'étoient dit entre eux de légères citations d'époque et des renvois exacts auroient achevé cette tâche facile.

D'un autre côté, je pouvois faire parler directement les personnages; j'ai suivi cette voie. J'ai rapporté leurs négociations, leurs lettres, leurs discours, leurs Mémoires, leurs notes, leurs récriminations. J'ai laissé à chacun sa véritable physionomie. Le soldat parle et signe d'abord Buonaparte, ensuite Napoléon; le pontife répond et signe toujours du même nom, Pius PP. VII. Après le soldat, survient le roi légitime; celui-ci empreint ses documens de toute la force de ses droits; le saint Père, de retour dans sa capitale, y reprend la marche du pontife tranquille, qui discute et qui enseigne. Lorsque les chefs ne parlent pas euxmêmes, les ministres apparoissent en per

sonne.

Il me restoit à mettre en ordre le déve

loppement de tous ces actes divers, et je me suis borné à ce rôle modeste. Je ne dis pas que je n'ai point hasardé mon jugement, et que j'ai toujours été rapporteur insensible de tant de faits d'un intérêt immense. J'ai montré sans doute que je n'étois pas un écho froid et esclave d'un thême conçu dans une pensée d'abnégation, d'insuffisance et de servilité. Il me sera probablement arrivé d'interrompre les interlocuteurs, parce que je crois que tel étoit mon droit, et parce que, tout simple homme d'armes que je me trouvois, je prenois part au combat: mais souvent frappé d'émotion devant la gloire guerrière, touché de vénération devant la vertu apostolique, attendri par les scènes d'un retour inespéré, j'ai laissé le lecteur juge. suprême du camp.

Ce livre n'est donc pas, dans un sens, tout-à-fait mon ouvrage; mais il le devient par la responsabilité que j'accepte des faits que j'ai rapportés et des jugemens que j'y ai introduits, responsabilité dans laquelle je veux rester' seul, sans y compromettre aucune honorable Grandeur à qui j'aurois pu désirer de dédier mon livre.

viij

Je dois dire que je n'ai voulu insulter personne, ni le grand homme qui a été longtemps le chef de la France, et qui dans son court passage l'a dotée d'une si vaste renommée, ni les parens, ni les amis de ce grand homme. Cependant, quand leur nom s'est trouvé nécessairement mêlé au déploiement d'une importante phase historique, quand il a fallu être clair et précis, quand il a fallu que l'histoire promenât avec assurance son flambeau, et jetât librement sa lumière, je n'ai pas balancé à dire : « Il étoit là, et il a fait ce que vous allez entendre. »

J'ai parlé avec honneur de cette maison auguste qui a donné tant de nobles rois et tant de héros à la France, parce que j'aime cette maison auguste. Je n'ai jamais manqué au respect dû aux princes étrangers, parce que je crois que ce respect est un devoir de notre civilisation, et que même les circonstances de la guerre n'autorisent pas les déclamations et les injures qu'on se renvoie alors de part et d'autre. Puisque nous sommes en paix, il ne doit sortir de France aucun livre qui porte à l'étranger des préjugés nationaux et des insultes.

« PreviousContinue »