Page images
PDF
EPUB

l'Assemblée se sépara définitivement en côté gauche et en côté droit. Les défenseurs du veto allèrent s'asseoir à la droite du président, les adversaires se groupèrent à gauche (1).

:

Le 31, la discussion sur la sanction royale continue. Le même jour, Lally-Tollendal lit son rapport sur le pouvoir législatif. Lally proposait deux chambres, la sanction royale, l'initiative aux chambres seules, le veto d'une chambre sur l'autre, le veto du Roi sur toutes deux. Les sénateurs seraient nommés à vie par le Roi sur une liste de candidats présentés par les assemblées provinciales (2). A Lally succède Mounier qui présente un projet d'ensemble sur l'organisation du pouvoir législatif dont les traits essentiels étaient deux chambres permanentes, les impôts votés pour un temps toujours limité, la sanction royale pour les actes législatifs (3). Le 1er septembre, la délibération porte sur la sanction, la permanence, l'unité du Corps législatif. Les trois questions sont examinées pêle-mêle et non sans confusion. Le 4, la discussion est interrompue par un nouveau rapport de Mounier sur <«<les motifs des divers articles du plan du Corps législatif et principalement de ceux qui se rapportent à la nécessité de la sanction royale (4) ». Le 9 septembre, la permanence est votée. Il fut bien entendu que la permanence signifiait le droit pour l'Assemblée de se réunir chaque année. Le 10, on décida qu'il n'y aurait qu'une chambre; la droite même, qui était persuadée que deux chambres valaient mieux qu'une, vota pour l'unité. La tactique était de rendre la Constitution aussi mauvaise que possible. De la sorte, on se flattait qu'elle disparaîtrait plus vite. D'ailleurs la noblesse de province ne voulait pas favoriser l'ambition des nobles de cour, convertis aux idées nouvelles, qui, le Sénat constitué, auraient été les premiers sénateurs désignés.

(1) Buchez et Roux, II, p. 349.

(2) Arch. parl., 1re série, VIII, p. 514.

(3) Arch. parl., 1re série, VIII, p. 523.

(4) Arch. parl., 1re série, VIII, p. 554. Dans la séance du ler, Salles, et dans la séance du 5, Dupont de Nemours, demandèrent l'appel au peuple au cas de refus de sanction. C'était la doctrine du Referendum royal.

Le 11 septembre, la discussion reprend sur le veto. L'Assemblée était partagée. Les logiciens absolus, en tête Sieyès, ne comprenaient pas que la loi étant la volonté des gouvernés, les gouvernants eussent aucune part à sa formation. A l'autre extrémité de l'Assemblée, l'abbé Maury et les siens demandaient le veto absolu, car le roi était partie intégrante du pouvoir législatif. Une opinion mixte triompha. La majorité se décida pour le veto suspensif et cela d'autant plus aisément que le Roi lui-même, dans un mémoire rédigé par Necker (mémoire dont l'Assemblée n'avait pas voulu entendre la lecture), avait paru se contenter du veto suspensif (1).

Le 12 septembre, on fixe à deux ans la durée de la législature. Le 14, l'Assemblée vote que le renouvellement des députés, à chaque législature, sera complet. Le 17, d'un mouvement unanime, l'Assemblée proclame l'inviolabilité du Roi, l'indivisibilité de la couronne et l'hérédité dans la race régnante de mâle en måle par ordre de primogéniture, à l'exclusion perpétuelle et absolue des femmes et de leurs descendants. Le 22, les articles 2 et 9 de l'acte du 1er octobre sont adoptés. Le 23, on discute sur l'article qui confie au Roi le pouvoir exécutif. A l'unanimité, l'Assemblée décide que tous les pouvoirs émanent de la Nation, que le pouvoir législatif appartient à l'Assemblée, le pouvoir exécutif au Roi. On lit ensuite un article sur le pouvoir judiciaire qui devient, après transformations successives, l'article 19 de l'acte du 1er octobre.

Le 29 septembre, Fréteau demande qu'on établisse la responsabilité ministérielle en statuant sur l'article 6 du projet, lu le 28 par Mounier. L'article est adopté, mais avec un amendement portant que l'ordre royal n'est pas obligatoire s'il n'est pas contresigné par un secrétaire d'État. Le débat sur la responsabilité ministérielle amena Mirabeau à la tribune. Il voulait que le Roi pût prendre ses ministres parmi les députés. Encore que le principe de la séparation des pouvoirs parût un obstacle

(1) Arch. parl., 1re série, VIII, p. 609.

insurmontable à beaucoup de constituants, l'Assemblée entraînée par l'éloquence de Mirabeau était sur le point de céder. Malheureusement le débat fut remis; quand on y revint, le 7 novembre, les esprits s'étaient ressaisis et Lanjuinais fit voter le décret connu sous le nom de Résolution du 7 novembre 1789, en soutenant que les ministres pris dans l'Assemblée ou la dirigeraient, et par conséquent l'aviliraient, ou lui céderaient, ce qui avilirait la fonction royale.

Le 30 septembre, le projet de Thouret sur le Corps. législatif vient en discussion (1). L'article 1er qui permet au Roi d'inviter l'Assemblée à prendre un objet en considération, passe avec une légère modification de forme. Il en est de même de l'article suivant qui donne au Roi le droit de faire des proclamations. L'article 3 qui réserve au Corps législatif toute création et suppression d'offices, commissions et emplois soulève d'assez vifs débats. Le 1er octobre, l'Assemblée vote l'article 4 du projet, mais légèrement amendé. Aux termes de cet article, ni impôt ni emprunt ne sont possibles sans un décret formel des représentants de la Nation. Après le vote de l'article 4, Mirabeau propose et l'Assemblée décide qu'on présentera à l'acceptation du Roi les 19 articles déjà délibérés. ainsi que la Déclaration des droits. Le Roi, comme on sait, donna son acceptation le 5 octobre (2).

Le 7 octobre, sur la motion de Bouche, l'Assemblée revient à la Constitution. L'article 5 du projet du Comité relatif à l'égalité des personnes et des biens devant l'impôt, l'article 6, qui porte que l'impôt est seulement accordé jusqu'au dernier jour de la session suivante, viennent en discussion. Pour l'article 5, l'Assemblée adopte la rédaction de Péthion de Villeneuve, pour l'article 6, la rédaction d'A. de Lameth.

Le 8 octobre, on vote l'article 7 (époque de présentation des décrets au Roi) et l'article 8 (formule du consentement ou du refus du Roi). Le même jour on discute, avec l'article 9 du projet, la formule de promulgation : quel titre le Roi pren

(1) Arch. parl., 1re série, IX. p. 211.

(2) V. Acte constitutionnel du 1er octobre 1789.

dra-t-il? sera-t-il seulement Roi par la grâce de Dieu? sera-t-il Roi de France ou de Navarre, etc.? Le 10 octobre, la formule est votée. Camus fait ajouter un article portant qu'une expédition de la loi signée et scellée sera envoyée à l'Assemblée pour être reportée dans les archives (1).

Dans la première séance tenue à Paris (2), le 19 octobre, l'Assemblée arrête que le plan du Comité sur les municipalités viendra en discussion; le 20, la discussion commence. Le 22, on s'occupe des conditions d'électorat. Le premier Comité de Constitution n'avait pas pensé que le droit d'élire et d'être élu dût appartenir à tous les Français. Le second Comité ne le pensait pas non plus. Sieyès avait été l'interprète de l'opinion générale en distinguant les droits civils (passifs) reconnus à tous et les droits politiques (actifs) réservés à une partie seulement des Français. Après les journées des 5 et 6 octobre, l'opinion changea dans les clubs d'abord, puis dans l'Assemblée. Le Comité fit cependant reconnaître sans trop de peine la nécessité d'un cens pour les électeurs primaires, cens fixé à la valeur de trois journées de travail (3); mais, quand le Comité demanda un cens de dix journées de travail pour les électeurs secondaires, et un cens d'un marc d'argent pour les représentants, les clameurs des journaux et des clubs furent telles que l'Assemblée hésita. Dès le 26 octobre, Péthion insiste pour que l'électeur primaire soit libre dans son choix. Cazalès, tombant dans l'excès contraire, exige de l'élu à l'Assemblée une propriété foncière de 1,200 livres. Finalement, l'Assemblée se décide d'une part à maintenir, pour l'électeur secondaire, le cens de dix journées, et d'autre part à exiger des représentants qu'ils payent une contribution d'un marc d'argent et possèdent une propriété foncière quelconque (4).

Le 5 novembre, on revient sur l'intitulé, la transcription,

(1) V. Acte constitutionnel des 12 octobre-6 novembre 1789. Cf. L. 2-5 novembre 1790.

(2) Cette séance et les suivantes ont lieu à l'Archevêché. A partir du 9 novembre, l'Assemblée se réunit dans la salle du Manège près des Tuileries.

(3) V. L. 22 décembre 1789, sect. I, art. 3.

(4) V. L. 22 décembre 1789, sect. I, art. 19, 32.

l'expédition, la publication des lois. La rédaction que le Comité avait, le 20 octobre, reçu l'ordre de préparer, est adoptée (1). Le 9 novembre 1789, Thouret défend le projet de division territoriale du royaume proposé par le Comité de Constitution. Le 11, la division est votée; le 12, on décrète que le département sera divisé en districts; le 16, que chaque district sera divisé en cantons, et que dans chaque canton il y aura au moins une assemblée primaire.

Le même jour, le projet du Comité sur les assemblées primaires vient en discussion (2). Le 17, on discute sur le nombre des députés, on s'accorde à fixer ce nombre d'après la triple proportion de la population, du territoire et de la contribution directe (3). On décrète aussi, contrairement à l'avis du second Comité, qu'il y aura seulement deux degrés d'élection et que les députés seront élus, dans chaque département, en assemblée générale des électeurs choisis par les assemblées primaires. La discussion sur les assemblées administratives, leurs attributions, la durée de leurs fonctions remplit les séances suivantes. Le 24 novembre, Milscent propose de s'occuper particulièrement des municipalités dont la loi est votée le 14 décembre. Quelques jours après, on vote la loi sur les élections et les assemblées départemen tales (4).

Le 24 mars 1790, Thouret ouvre par un grand discours la discussion sur la nouvelle organisation judiciaire (5). Le 31, Target lit un rapport sur l'état d'avancement de la Constitution. «Pour donner une Constitution à la France, disait-il, il fallait poser les bases du pouvoir législatif. Vous l'avez fait... Il fallait garantir la nation des invasions du despotisme. Vous l'avez fait... Il fallait appuyer le pouvoir exécutif de la force publique. Vous avez commencé à le faire........ Il vous reste à

(1) V. Acte des 12 octobre-6 novembre 1789.
(2) Arch. parl., 1re série, IX, p. 205 et s.
(3) L. 22 décembre 1789, sect. I, art. 27.

(4) Ces lois seront complétées par les lois des 2 février 1790, 5 mars 1791, 28 mai 1791.

(5) V. Buchez et Roux, V, p. 81 et s.

« PreviousContinue »