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»> nous à attaquer une coalition formidable? Une si grande attente doit épuiser nos ressources. La mi» sère publique s'étend dans tous les rangs; une fièvre » d'irritation dévore tous les partis levons-nous ! >> appelons les vieux débris de nos braves... et qu'ils » se hâtent de réveiller les souvenirs de nos anciens >> beaux jours! »

Je ne veux point élever de querelles avec qui que que ce soit au monde, et pourtant je tentai d'apaiser le murmure populaire, et de rappeler le respect envers la royauté mi-partie. Je ne fus point entendue. La multitude lançait des projectiles, des cailloux; je finis par craindre l'auréole des pavés, et d'après l'avis de la mouche tricolore, que le signal de l'attaque était déjà donné, que des Français viendraient écraser d'autres Français, je me hâtai de me diriger vers mon observatoire : c'est l'asile qui me convient au jour de l'affliction. Patria! patria! serais-tu réservée à voir dans tes remparts des traces de vengeances ?.... hélas! oui!

Facit indignatio versum (1).

J'écouterai ce que

l'Éternel me dira au fond du cœur, et me mettrai fort peu en peine d'être jugée au tribunal des hommes (2), et d'encourir le dangereux honneur d'une accusation publique(3). Est-ce là conspirer? Non, assurément non! Uniquement je laisse exhaler le

(1) C'est l'indignation qui a produit cet outrage.

(2) Qui êtes vous pour craindre un homme mortel? Il est aujourd'hui, et demain il ne paraît plus. Js. Js. 12. (3) Si j'étais blâmée pour avoir fait cet ouvrage, la nécessité de la défense

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cri de ma conscience, celui de la France: gloire et prospérité! L'anachie me répond :

Vain espoir ! malgré lui coupable et couronné,

Sur un trône flétri je le tiens enchaîné (1).

m'entrainerait peut-être trop loin. Je craindrais d'être indiscrète, surtout en

publiant certains faits qui m'ont été révélés.

(1) Le Maire du Palais, acte V, scène v.

(Note de l'Auteur.)

JE SUIS SOMNAMBULE.

PAS UN TRAIT DE CE TABLEAU QUI NE SOIT UNE VÉRITÉ.

Je connais mon devoir, et je cours l'accomplir.

Au milieu des rêves qui m'occupèrent la nuit du 26 au 27 août 1832 (1), j'entends une voix qui me dit : << Personne n'est excusable de manquer de courage; la » lâcheté doit être punie; la persévérance seule a droit » à la récompense qui doit être le partage de l'ami sin» cère de son gouvernement. »>

L'aurore de ce jour était belle, étoilée; Vénus, par son éclat sur un ciel pur, me parut un nouvel astre; une teinte rougeâtre embrase l'horizon, et le soleil sortit de l'extrémité des bois de Chantilly, dans toute sa force et sans obstacle, pour venir colorer les côteaux de Saint-Prix, Soisy, Aubonne, Deuil, Enghien, etc. Une température délicieuse régnait dans l'atmosphère; les rayons dorés du roi des astres répandaient la chaleur avec leur vive lumière : on eût cru se trouver transporté au sein des richesses de la belle Ausonie. J'errais au milieu de domaines fertiles, parcourant de riches vignobles je m'égarais dans des bois touffus ; la beauté des sites qui m'environnaient, et le parfum des fleurs que

(1) L'anniversaire de la mort du prince de Condé.

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je respirais, m'avaient insensiblement arrachée à mes réflexions; je contemplais le ciel avec ravissement, et marchais lentement sous des dômes de feuillage. Je m'arrêtai sur les rives de l'étang de Saint-Gratien, et visitai le parc une grande variété d'arbrisseaux présente des paysages qui se dessinent d'eux-mêmes et s'offrent à la vue sous l'aspect le plus animé. Je promène mes regards autour de moi ; j'embrasse la longue chaîne des lieux que j'ai traversés : de majestueux peupliers du nord dérobent à mes regards, pour un instant, la perspective de l'immense forêt de Chantilly, et les pittoresques bosquets du riant Montmorency.

En me rapprochant de la dernière demeure du dernier des Condés, je ne pus me défendre d'un mouvement intuitif; mes pensées se reportèrent naturellement sur cette reine Hortense, sur cette bonne et intéressante Joséphine, sur ces souverains étrangers se faisant présenter à cette famille délaissée et la visitant, non comme de simples témoins de sa grandeur passée, mais comme juges des juges qui l'avaient condamnée : je les ai vus attentifs, et s'intéresser avec émotion de cœur à ces princesses, pour qui la fortune devint si contraire. L'uné et l'autre n'étaient point regardées par eux comme une conquête, uniquement pour l'honneur de Napoléon, comme d'illustres otages.

L'impression de la mort du duc de Bourbon est profondément sentie à Saint-Leu. Tantôt on vous raconte, avec une émotion qui vous pénètre et un charme qui Vous entraîne, les bienfaits de l'illustre victime. Tantôt on vous inspire pour sa riche héritière des sentimens

opposés. Rien n'embellit l'expression de ces accusateurs; ils lui refusent injustement les grâces qui attirent, les attributs qui séduisent, et les plus exaltés nourrissent contre elle des projets de vengeance.

Les griefs contre Ma la baronne de F*** présentaient-ils la gravité de la diffamation? La vindicte publique attribue à cette personne, dont la destinée fut unie à celle du prince de Condé, d'horribles projets suivis d'un attentat. Je fus blessée du sentiment d'aigreur que je remarquai parmi les habitans. Les hommes policés par l'éducation, éclairés par la saine morale, se disaient entre eux : « Le crime est un serpent qui se

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replie sans cesse sur lui-même; la blessure peut se » cicatriser; mais elle ne se guérit jamais, et le moindre » accident la rouvre de nouveau et la fait saigner..... >> Tous les maux inventés par les méchans ne sont rien >> auprès de ceux que préparent les remords (1)..... »

Auprès de cet asile où d'infâmes Tigellins ont dit: Il n'y a que les morts qui ne reviennent pas, je lisais dans les regards des passans le secret de leurs opinions; j'entendais les malédictions qu'ils vomissaient sur les auteurs d'une telle perfidie. De ce fond même de tristesse

(1) Mme la baronne de F*** fut accusée d'avoir étranglé dans son lit, et attaché à une espagnolette de fenêtre, le dernier rejeton du Grand-Condé. Certes, je me garderai bien de prononcer dans une telle cause, d'autant plus qu'il y a arrét. Uniquement je dirai: Si l'amie du duc de Bourbon est vengée aux yeux des hommes d'une injuste agression, ne serait-elle point ajour née au jugement de Dieu ? C'est ce qu'il faudra voir :

Vous le saurez demain; ce soir je dois me taire.

Note de l'Auteur.)

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