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sans costumes réguliers avec les premières armes venues, enfin en habit et en chapeaux ronds, pouvait bien combattre et terrasser une foule d'ouvriers portant la veste et la casquette; il aurait juré que cette noblesse si fière, si célèbre dans les fastes de l'histoire, ne laisserait gravir les marches du trône à la révolte qu'en faisant servir son corps de marche-pied; il croyait...... ah! que ne crut-il pas cet infortuné vieillard à cheveux blancs! tout, excepté ce qui arriva. Aucun gentilhomme en habit bourgeois ne fut aperçu dans les rangs des royalistes; aucun chapeau 'rond porté par une tête noble, à moins que ce ne soit par hasard, ne fut traversé d'une balle, et ce n'est qu'avec trop de vérité que les vainqueurs de Juillet résumèrent l'histoire des légitimistes par cette question poignante : Où étaient les royalistes, les 27, 28 et 29 Juillet?

Autant la commotion avait été violente et funeste à un parti, autant la honte fut grande pour lui; toutes les excuses vraisemblables, tous les motifs imaginables, toutes les suppositions possibles de trahison furent mises en avant pour pallier les fautes passées, et sauver l'amour. propre blessé des légitimistes..

Au milieu des torrents d'invectives qu'ils vomissaient sur leurs redoutables adversaires, ils ne cessaient de leur donner les noms les plus ignobles, et de se mettre en fureur contre ce qu'ils appelaient cette canaille aux bras nus et à la large poitrine, où bat un cœur d'homme.

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Sans doute on trouvait parmi le peuple en armes, des gens assez pauvres pour mieux aimer montrer leurs bras nus qu'une chemise sale ou trouée; sans doute ils avaient un cœur d'homme, puisqu'ils se battaient comme des lions, et c'est justement parce que les légitimistes ne se battaient pas, qu'ils prouvaient qu'ils n'avaient pas de cœur. Mais, quant aux larges poitrines, aux formes musculaires, aux tailles athlétiques des combattants parisiens, ce sont des contes faits à plaisir; car si parmi le peuple on trouve à Paris, comme dans le monde entier, des gens taillés en Hercules, on y trouve encore plus de gens faibles, mal constitués et dénués de force physique; 'd'ailleurs il a suffi d'envisager une seule fois les physionomies pâles, maigres et fluettes des élèves de l'école polythecnique, lorsqu'ils combattaient avec le peuple des Barricades, pour être certain de deux choses: la première, c'est qu'en France, la valeur n'attend pas le nombre des années; la seconde, c'est que les nobles chevaliers du faubourg Saint-Germain n'ont point été, comme dans l'épopée, vaincus par des géants.

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Après la révolution de 1850, le parti légitimiste fut assez long temps sans faire parler de lui, mais chassez le naturel, il revient au galop; aussi l'orgueil, ce vice inné de l'espèce humaine qui, dès le commencement du monde, perdit la première femme, se renouvela bientôt dans toute sa force; bientôt les opinions légi

timistes, étouffées un moment par la victoire, reparurent sous toutes les formes, soit dans les conversations, soit à la tribune, soit dans les écrits.

Au nombre des efforts mis en avant par les légitimistes, nous devons constater que si l'épée a produit peu de chose, la plume a été en revanche d'une prolixité sans égale; les caricatures et les articles de journaux se sont multipliés d'une manière extraordinaire, et même on avu des hommes respectables qui, faute d'autres moyens d'attaque, charbonnaient à la nuit tombante, sur une sale muraille, des emblêmes ou des phrases prétendues séditieuses. Il est impossible de voir en public, lorsque les légitimistes ont été traduits devant des cours d'assises, plus d'assurance, plus d'orgueil et de fierté qu'ils n'en ont montré dans leurs discours comme dans leur défense; les apostrophes les plus sanglantes étaient employées; lorsqu'un mot hardi était sorti de leur bouche, ils se tournaient en souriant vers le public et semblaient engager chaque figure de connaissance à penser: la farce est jouée, plaudite amici! Mais chez les légitimistes, la colère ne dépasse pas l'enceinte des tribunaux ou l'étendue d'une brochure. Aussi chaque boutade virulente prononcée contre leurs adversaires est comme l'éclair lancé dans l'espace; il semble tout foudroyer, mais il ne laisse même pas une trace lumineuse derrière lui. Et pourtant beaucoup de ceux qui ont été accusés par le ministère public, et qui gémissaient

dans les prisons depuis plusieurs mois, n'étaient que les agents subalternes ou postillons de l'ordre, ils traversaient le pays en tout sens comme de véritables commis-voyageurs; mais, nulle part, l'action ne suivait l'intention.

Dites-nous donc, philosophes de l'Europe, sages de l'Inde, est-il possible que des Français reculent devant la réalité ? est-il possible qu'en politique tout se passe en pensée, projets, soupirs de vieilles femmes et hésitation perpétuelie! Serions-nous forcés d'avouer, comme on l'a assuré long-temps, que la vue d'une amorce de fusil suffit pour détruire tout chez les légitimistes?.....

O res miranda !

Ne vous vantez donc plus d'une manière si exagérée, légitimistes! Vos paroles ne sont que de vains désirs; vos projets ne sont que des embryons avortés; vos actions, toujours flétries par la peur, n'ont que la nullité pour résultat; vos esprits pusillanimes, affaiblis encore par la mollesse et l'indécision de vos caractères, vous rendent incapables de tout acte de tête et de résolution, et jamais le fait réel ne vient à l'appui de vos premières conceptions.

L'avenir leur est inconnu et l'expérience ne leur sert de rien !

Voilà l'histoire des royalistes et légitimistes depuis longues années, et l'on dirait que c'est pour eux que la voix des prophètes a parlé, lorsqu'ils ont

dit: Oculos habent et non videbunt; aures habent et non audient.

Les rudes et terribles leçons qu'ils ont reçues depuis quarante ans, ne leur profitent nullement; ils sont comme des frélons entêtés; on défait leur ouvrage, ils le rétablissent; on le détruit encore, ils le recommencent avec la même patience et les mêmes moyens, mais toujours avec la même ineptie; et, comme nous venons de le dire, on les voit toujours oublier les cruelles expériences du passé et marcher en aveugles yers l'avenir, comme s'ils étaient frappés de vertige, comme si la main de Dieu s'était retirée d'eux.

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