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Si les légitimistes se sont, pour ainsi dire, effacés dans la plupart des provinces de France, on n'en peut dire

autant de la Vendée, terre classique de bravoure où se repassèrent du temps de la République, de si beaux faits

d'armes. Depuis 1830, l'esprit guerrier, alimenté par quelques chefs, sembla reprendre de la force, et lorsque la duchesse de Berry parut dans ces contrées, MOTOL un grand mouvement s'opéra dans les esprits. Mais bientôt le peu d'enthousiasme qui régnait parmi les Elégitimistes éloignés, et les mesures militaires prises par le gouvernement, firent échouer tous les projets des Vendéens. Aussi l'abandon que les légitimistes firent de la duchesse de Berry, au milieu de la France et dans le moment du danger, est une tache sanglante qui ne s'effacera jamais de leur histoire.

Et cependant, comment ces gentilshommes pouvaientils être tombés assez bas pour ne pas être capables de suivre l'exemple de pauvres paysans? Mais, diront des ét gens qui ne connaissent pas nos bons habitants, qu'estce donc un paysan vendéen?..... La réponse est facile: c'est un homme simple, ignorant et généreux, qui ne raisonne pas, mais qui marche; qui ne craint rien pour lui, mais qui prie l'Éternel pour la France et son Roi; qui ne peut se persuader que des genstilhommes français puissent ne pas le secourir et combattre à ses côtés; c'est un homme qui croit impossible qu'on puisse abandonner sa cause et qui n'a pour lui que son cou

rage et sa foi, quand même. Cet homme si dévoué à la cause des légitimistes, laboure paisiblement ses guérets, mais il suspend ses travaux champêtres s'il entend tinter la cloche de son humble village; alors, comme le soldat laboureur, il cache son fusil dans le sillon qu'il vient de tracer, quitte sa charrue pour venir dans sa petite église paroissiale; et là, les mains jointes, le front baissé, il élève sa fervente prière vers le ToutPuissant et s'écrie dans sa détresse :

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Seigneur, vous voyez où tendent tous mes désirs, « et le gémissement de mon ame ne vous est point « caché.

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« Ceux qui m'étaient les plus attachés, se sont éloignés de moi; pour mes ennemis ils ne s'occupent que des moyens d'attenter à ma vie. (Psaume 37.) Que faites-vous pendant ce temps, seigneurs du noble faubourg? vous vous gorgez de plaisirs, vous vous plongez dans les délices, vous ne vous occupez que de repas somptueux et de fêtes enivrantes; vous oubliez l'infortuné Vendéen qui, poursuivi par la garde nationale, les gendarmes et les espions, abandonne sa femme et ses enfants à la plus profonde misère, à l'insulte de ses ennemis, aux brutalités des soldats; vous oubliez dans vos routs étouffants, dans vos cercles éclatants de riches toilettes et de jolies femmes, qu'il existe un vieillard couronné, malheureux, proscrit, exilé sur une terre étrangère, tombé

du faîte de la puissance par votre faute et qui, lorsque son trône s'est écroulé sur des débris sanglants, n'a pas trouvé dans vos défaillantes mains le moindre secours, le moindre étai pour soutenir cette monarchie de quatorze siècles.

Sans doute, légitimistes, vous ne manquerez pas de prétextes frivoles pour vous laver des soupçons qui pèsent sur votre conduite passée; mais apprenez que ce ne sont point ces cœurs nobles, que ce ne sont point les guerriers de la Vendée ou de la Bretagne qui peuvent accepter de pareilles excuses. Lorsque la courageuse et infortunée princesse de Berry voyageait dans la Vendée, qu'avez-vous fait? Quels secours personnels lui avez-vous apportés, lorsque, placée sous une loi de proscription, elle errait de chaumière en chaumière; lorsqu'elle avait à endurer toutes les souffrances imaginables; lorsqu'elle n'avait qu'une mauvaise nourriture, de chétifs habillements, des gîtes affreux ; lorsqu'elle marchait pieds nus sur les ronces et les épines; lorsqu'elle craignait de rencontrer une embuscade derrière une haie: lorsque chaque figure nouvelle lui faisait craindre un ennemi et un traitre; lorsqu'elle éprouvait une si grande torture morale, à l'aspect de toutes les fatalités qui allaient l'écraser?

A peine avait-elle échappé à un danger, qu'un danger plus imminent encore venait se présenter; les obstacles, les craintes, les terreurs, semblables à l'hydre de Lerne,

semblaient renaître sous ses pas et se multiplier à sa vue; mais rien n'abattait le caractère de fer de la chevaleresque princesse; plus les chances de succès s'éloignaient, plus son courage et son sang froid augmentaient.

Légitimistes sybarites de France, légitimistes égoïstes de Paris ou des provinces, que faisiez-vous donc dans vos salons dorés ou dans vos villa élégantes? Que faisiezvous lorsque votre Régente, lorsque la mère de votre Roi futur, menait une existence plus misérable que celle des esclaves, plus affreuse que celle des forçats? Ceux-ci encore ont un toit, un vêtement, un avenir; elle, n'avait jamais d'asyle assuré, et le jour du lendemain ne lui appartenait pas. N'osant s'exposer à marcher continuellement pendant la journée, elle la passait souvent enfoncée et cachée jusqu'au col dans un marais infect dont les émanations pestilentielles, véritables messagers de mort, minaient ses forces et attaquaient sa faible poitrine. Souvent elle était obligée de rester plusieurs nuits de suite, sans pouvoir changer ses vêtements mouillés dont l'humidité perçait ses membres délicats. Ah! si nous voulions compter tous les jours de martyre, toutes les heures d'agonie que Marie-Caroline a supportés dans le séjour de la Vendée, nous n'atteindrions jamais le degré immense de souffrances qui pesait sur toutes ses sensations.

La plus cruelle de toutes pour ce cœur généreux, fut

l'abandon où la laissèrent les légitimistes; des larmes de sang coulèrent des yeux de la malheureuse duchesse lorsque la cruelle réalité vient lui montrer à nu la valeur des promesses qu'on lui avait faites et le peu de courage de ses partisans. Quant à nous qui avons partagé les dangers de cette princesse et qui connaissons très bien ceux qui l'ont aidée véritablement, nous ne pouvons assez déplorer les malheurs dont les légitimistes, presque seuls, ont été la cause, et nous ne pouvons excepter de cette proscription morale que nos concitoyens de la Bretagne et de la Vendée, ainsi que ceux qui, dès le commencement de la guerre civile, sont venus joindre leurs efforts aux nôtres.

La nouvelle de l'arrivée de la duchesse de Berry dans les provinces de l'Ouest mit tous les chefs légitimistes de Paris dans la consternation. Officiers et soldats, magistrats ou écrivains illustres, nobles et bourgeois, enfin tout ce qui était attaché à sa cause perdit complétement la tête; à peine s'en trouva-t-il une imperceptible portion qui, abandonnant de suite la capitale, vint sur le terrain faire acte de présence; mais la plupart d'entre eux trouvèrent mille prétextes pour retarder leur voyage, tout en jurant de s'y rendre sur-le-champ et à tout prix.

Quelques-uns de ces champions, dignes du théâtre honteux de leur ancienne et brillante position à la cour de Charles X et de leur inaction condamnable,

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