Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

suis pas de cette religion de Grégoire VII, qui n'est pas celle de Jésus-Christ. Je serai plutôt protestant. Le Pape est un bonhomme, un homme doux, mais ignorant. Je l'ai connu évêque d'Imola, un homme saint, un anachorète, doux comme un agneau; ce n'est pas lui qui agit, mais il suit de mauvais conseils. C'est un homme, il peut manquer. Quiconque connaît l'histoire ecclésiastique saura en quoi consistent nos différends. Le Pape n'est pas le grand Lama. Le gouvernement de l'Église n'est pas arbitraire. Elle a des règles et des canons. Si le Pape veut être le grand Lama, dans ce cas je ne suis pas de sa religion. »

Et, comme conséquence de toutes ces idées qui se heurtaient dans ce cerveau toujours en travail, par un décret du 25 février 1810, il établissait, pour règle générale de l'empire, les formules de l'édit de Louis XIV et de la déclaration du clergé de 16821. L'année suivante, il faisait poser les questions suivantes au Concile général:

1° Toute communication entre le Pape et les sujets de l'empereur étant interrompue quant à présent, à qui faut-il s'adresser pour obtenir les dispenses qu'accordait le Saint-Siége?

2o Quand le Pape refuse persévéramment d'accorder les bulles aux évêques nommés par

1. Moniteur de l'Empire (1er mars 1810).

l'empereur pour remplir les siéges vacants, quel est le moyen canonique de leur donner l'institution?

Réussit-il? Devait-il réussir dans ses projets ? non, car, je l'ai dit, il se heurtait politiquement contre des impossibilités, contre lui-même et, au point de vue de l'Église, contre la force la plus terrible qu'ait rencontrée de tout temps le progrès humain l'inertie religieuse. Mais aussi quelle amertume, quels regrets!

« Le Pape m'a écrit la lettre la plus insensée, la plus ridicule. Ces gens-là me croyaient mort... Puisque ces imbéciles ne trouvent pas d'inconvénient à ce qu'un protestant puisse occuper le trône de France, je leur enverrai un ambassadeur protestant... On ne pourra donc rien faire avec ces gens

[merged small][ocr errors]

Et plus tard, à Bréda, le 6 mars 1810, il s'écriait:

« Si je n'avais pas trouvé dans la doctrine de Bossuet et dans les maximes de l'Église gallicane des principes qui sont analogues aux miens, si le Concordat n'était pas adopté, je me serais fait protestant, et trente millions de Français auraient suivi le lendemain mon exemple. >>

Cela fait mieux comprendre sa fameuse phrase : « Le Concordat, c'est la plus grande faute de ma vie.» Cette phrase, en effet, résumait toute la pensée

de ce génie impondéré qui avait voulu outrepasser les forces humaines.

Mais quelle était cette faute? quelles devaient en être les conséquences pour la France? c'est ce qu'il sera possible d'entrevoir par l'étude de l'état actuel du clergé.

CHAPITRE VIII

ROME EN 1874

Le Vatican et le Clergé de France en 1874; leurs rapports à l'intérieur et à l'extérieur; solution et conclusion: tels seront les titres de ces chapitres qui formeront les derniers anneaux de cette longue chaîne historique que je viens de développer. En effet, j'ai montré la tradition; il me reste à constater sans critique l'état présent et à rechercher, par la comparaison de la situation actuelle avec celles qui l'ont précédée, une solution utile, du moins, une expérience pour l'avenir. Cette situation d'ailleurs est des plus compliquées, car elle se rattache nécessairement aux nombreux problèmes qui intéressent les sociétés modernes.

Au point de vue antérieur, quatre grandes questions préoccupent les hommes d'État :

La question allemande,
La question d'Orient,
La question slave,

La question romaine.

A l'intérieur, il en existe quatre autres, tout aussi délicates à résoudre :

:

La question sociale,

La question de la forme du gouvernement,
La question religieuse,

La question économique.

Pour la question romaine, dans Rome même elle paraît, au point de vue politique, avoir reçu pour quelque temps une solution conforme aux nécessités modernes. L'entrée des troupes italiennes à Rome, le 20 septembre 1870, a mis, en effet, fin à ce qu'on était convenu d'appeler le pouvoir temporel des Papes. Un plébiscite voté à l'unanimité, moins quelques voix, par tous les sujets du Saint-Père a légitimé cette victoire, en démontrant à l'Europe que les Romains ne demandaient pas mieux que de se voir conquis.

Ainsi donc, sous la pression naturelle des événements, le Pape s'est vu privé en vingt-quatre heures des 4 millions d'hectares et des 4 millions 129,476 habitants qui y gravitaient, ainsi que des 70 millions annuels que ces derniers avaient habitude de fournir dans les caisses d'un Gouvernement maintenu simplement par une garnison française qui n'en pouvait mais. Fait immense qui résolvait en un jour ce qui pendant des siècles avait amené tant de discussions, tant de conflits et produit pour ou con

« PreviousContinue »