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» eux-mêmes, comme une règle infaillible de la >> conduite qu'ils devoient tenir, et qu'ils avoient >> trouvé que tout ce qui est établi par la parole » de l'Evangile et par la loi éternelle devoit de>> meurer immuable, mais qu'en ce qui regarde » ce que l'Eglise défend, les évêques ont souvent » jugé selon toute la rigueur des canons; que >> quelquefois aussi ils ont toléré beaucoup de >> choses selon la nécessité des temps, et que quand >> ils n'ont point vu de danger pour la foi ou pour » les mœurs, ils ont consenti à quelqu'adou» cissement, non toutefois par un relâchement » de discipline aveugle et inconsidéré, mais pour » céder à une nécessité de telle nature qu'elle au» roit pu même faire changer les lois; que c'est par >> cette raison que les saints Pères et même le saint Siége ont tant de fois loué cet adoucissement » des canons, quand il sert à édifier l'Eglise, à

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appaiser les différends, et affermir la paix entre » la royauté et le sacerdoce..... Que, selon les expressions d'Yves de Chartres, pourvu qu'on » ne touchát pas au fondement de la foi et à la »- règle générale des mœurs, on pouvoit user de quelque tempérament, quand il sembleroit ap» procher de la foiblesse.

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D'après ce principe, disoit l'assemblée ou

» plutôt Bossuet, si ce droit, que nous appelons

» régale, ébranloit les fondemens de la morale » ou de la foi, il est évident qu'ALEXANDRE III, >> INNOCENT III, et tant d'autres souverains pon>> tifes si recommandables par leur doctrine et » leur piété, n'auroient pas approuvé ce droit, » et que le concile de Lyon ne l'auroit pas auto>> risé en faveur de tant de personnes et sous tant » de titres différens.....

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» Comment un droit déjà établi dans tant d'é

glises de France, sans que la foi et la morale >> en aient souffert, pourroit-il nuire à l'une et » à l'autre, si on l'étend à quelques autres » églises?....

» Nous prions votre Sainteté de ne pas trop » écouter ces esprits brouillons qui veulent faire » une espèce d'hérésie d'un ancien droit de la » couronne. Certainement on peut dire que pour » vouloir trop entendre, ils n'entendent rien, et » qu'ils se remplissent les yeux, comme dit saint

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Augustin, de la poudre qu'ils soufflent pour » aveugler les autres.....

» Nous empruntons encore les paroles d'Yves >> de Chartres, et nous disons encore avec lui:

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Quand même les canons, pris à la rigueur, se » seroient opposés à la cession que nous avons » faite, nous n'aurions pas laissé de la faire, » parce que la paix de l'Eglise nous y obligeoit,

» car la charité étant la plénitude de la loi, ort » satisfait à la loi quand on fait ce que la charité » commande.....

>> L'Eglise a coutume d'abandonner les choses >> légères pour en conserver de plus importantes, » et de changer le mal en bien par sa pa» tience.....

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» Combien de changemens la discipline de l'Eglise n'a-t-elle pas subis dans les élections des » évêques et des abbés, dans la concession des » évéchés et des abbayes, dans les investitures, » dans les hommages et les sermens de fidélité. » Accusera-t-on pour cela l'Eglise de légèreté ? » Dira-t-on, pour user des termes de saint Paul, qu'il y a en elle le oui et le non? A Dieu ne » plaise; mais assurée qu'elle est de son éternité, >> et immuablement attachée à la vérité même, » elle s'accommode en quelque façon, par ce

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qu'elle a d'extérieur, aux choses humaines, >> moins pour céder à la nécessité des temps, que >> pour servir au salut des ames. Nous répéterons >> avec Yves de Chartres, que nous ne disons pas » ces choses pour les apprendre à Votre Sainteté, » qui les sait si bien; mais en prenant la liberté » de lui dire ce que nous pensons, nous l'avertis» sons avec respect de n'écouter que sa prudence, » et de ne suivre que les mouvemens de sa bonté » dans

» dans une occasion où il n'est pas permis d'em»ployer le courage (1) ».

On devoit s'attendre qu'une lettre aussi respectueuse et aussi modérée, aussi forte de raison que pleine de sagesse, feroit quelqu'impression sur l'esprit du pape, ou du moins qu'elle en obtiendroit une de ces réponses dignes et convenables, où la différence d'opinion est tempérée par ces égards et ces ménagemens que les souverains pontifes ont toujours affectés envers l'Eglise gallicane.

(1) Croira-t-on qu'Arnauld ait pu trouver une pareille lettre pitoyable? C'est une qualification dont on ne s'étoit peut-être jamais servi pour un ouvrage de Bossuet, ouvrage qu'il avoit dû sans doute travailler avec un soin particulier dans une circonstance où il étoit l'organe de l'Eglise gallicane auprès du chef de l'Eglise universelle, et dans une affaire qui attiroit alors l'attion de la France et de toute l'Europe. « Je ne viens que de voir » la lettre de l'assemblée au pape, éerivoit Arnauld, je l'ai trou» vée pitoyable. Mais il y a surtout un endroit qui m'a bien sur» pris. C'est dans l'éloge qu'ils font du roi, où après l'avoir » loué sur ce qu'il a fait contre l'hérésie, ils passent ensuite au jansénisme en ces termes : Est-il besoin de dire jusqu'à quel » point le roi a en horreur toutes les nouveautés ». ( Lettres d'Arnauld, tome 1x, page 266.)

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On sent qu'il n'en falloit pas davantage pour exciter toute l'humeur d'Arnauld. On l'avoit d'ailleurs instruit que Bossuet étoit très-mécontent de sa longue lettre à un évêque, où il représentoit l'affaire de la régale comme une affaire capitale pour la religion, où il falloit tout refuser sans rien accorder.

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Bossuet paroissoit lui-même si convaincu que le pape seroit touché des raisons exposées par l'assemblée, et de la considération des avantages qui résultoient pour l'Eglise des concessions auxquelles le roi avoit bien voulu se prêter, qu'il écrivoit le 6 février 1682, à M. Dirois, alors à Rome: << Pour ce qui est de la régale, il n'est

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plus question d'en discourir. Vous verrez par » la lettre que nous écrivons au pape, que la ma» tière a été bien examinée, et si je ne me trompe, » bien entendue..... Ce seroit être trop ennemi » de la paix, que de regarder le droit du clergé » comme tellement incontestable, qu'on ne veuille » pas même entrer dans de justes tempéramens, » surtout dans ceux où l'Eglise a un si sensible » avantage. Nous serions ici bien surpris qu'ayant » trouvé dans le roi tant de facilité à les obtenir, » la difficulté nous vínt du côté de Rome, d'où » nous devons attendre toute sorte de secours ».

D'après une pareille disposition, qu'on juge quel dut être l'étonnement de Bossuet, lorsqu'on apprit en France qu'INNOCENT XI avoit gardé trois jours la lettre de l'assemblée sans daigner seulement l'ouvrir, et lorsqu'on le vit faire attendre sa réponse trois mois entiers.

Aussi l'archevêque de Paris (M. de Harlay ), en remettant cette réponse à l'assemblée (séance

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