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L'évêque de Tournay y déclare formellement. «< que l'heureux succès de l'assemblée doit être » surtout attribué à l'éloquence et à l'érudition » avec laquelle M. l'évêque de Meaux avoit rap» pelé tous les cœurs et tous les esprits à l'union » entr'eux et au maintien de l'unité de l'Eglise ».

Ce qui est bien plus honorable encore à l'évêque de Tournay, c'est qu'on voit dans cette lettre qu'il étoit revenu sincèrement à l'opinion de Bossuet sur l'indéfectibilité du saint Siége, opinion qui avoit fini par devenir celle de toute l'assemblée. Il rappelle les paroles décisives de saint Cyprien, dont le témoignage a d'autant plus de force, que ses démêlés avec le pape saint Etienne le rendent moins suspect de prévention et d'adulation: « Celui qui abandonne la chaire de PIERRE sur laquelle l'Eglise a été fondée, n'est plus dans

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l'Eglise, et celui qui ne conserve pas l'unité, » n'a plus la foi ».

Fidèle à la loi que l'Eglise de France s'étoit imposée de montrer autant d'estime et de respect pour la personne d'INNOCENT XI, que de fermeté pour réprimer ses prétentions ou ses entreprises, l'évêque de Tournay rend l'hommage le plus touchant « aux grandes qualités et aux vertus pasto» rales d'un pontife qui méritoit d'être révéré » non-seulement comme la pierre de l'Eglise,

» mais encore comme l'Exemple et le modèle des

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fidèles dans toutes sortes de bonnes œuvres ». Cette lettre finit par ces paroles prophétiques: << De même que le concile de Constantinople est » devenu universel et œcuménique par l'acquies» cement des Pères du concile de Rome; ainsi » notre assemblée deviendra par notre unanimité » un concile national de tout le royaume; et les » articles de doctrine que nous vous envoyons, » seront des canons de toute l'Eglise gallicane, respectables aux fidèles et dignes de l'immor» talité».

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La déclaration de l'assemblée de 1682 n'éprouva et ne pouvoit éprouver aucune opposition en France; elle ne faisoit que confirmer une doctrine qui, dans tous les temps, avoit été chère à l'université et à la faculté de théologie de Paris; et par un concours singulier de circonstances, * Les jésui- celui des ordres religieux * qu'on accusoit de professer habituellement les maximes les plus favorables aux prétentions ultramontaines, se trouvoit alors engagé à soutenir avec ardeur la doctrine du clergé de France.

tes.

Mais c'étoit du côté de Rome que se portoient toutes les inquiétudes de Bossuet. Quoique la lettre si sévère et même si dure d'INNOCENT XI à l'assemblée sur l'affaire de la régale dût faire pré

sumer que la déclaration sur la puissance ecclésiastique le blesseroit encore plus vivement, Bossuet aimoit à se flatter que le pape seroit assez bien conseillé pour concentrer son ressentiment dans le secret de ses pensées. Il se croyoit même fondé à présumer que la mesure qu'il avoit observée dans toutes les expressions des quatre articles, les mettoit à l'abri de toute censure; et que dans l'impossibilité de les condamner, Rome auroit au moins le bon esprit de ne pas en paroître trop offensée.

XVI.

L'assemblée

Louis XIV donna en cette occasion une nouvelle preuve de la modération de son caractère. de 1682 est Satisfait d'avoir terminé l'affaire de la régale de séparée. la manière la plus convenable à sa dignité et à l'esprit de la discipline ecclésiastique, rassuré par les maximes que son clergé venoit de proclamer, il ne voulut point que l'assemblée fît parvenir aux évêques la lettre que Bossuet avoit rédigée pour répondre indirectement au bref du 11 avril. Il crut plus conforme à ses sentimens pour le saint Siége, et même à la majesté royale, de mettre un terme à toutes ces discussions trop animées, dans lesquelles il est souvent difficile que la charité chrétienne ne soit pas un peu altérée, et dont le moindre des inconvéniens est d'entretenir l'inquiétude des esprits, et d'offrir

des prétextes à la malveillance. Il prit même la résolution de séparer l'assemblée, afin que les évêques et les ecclésiastiques qui en étoient membres, pussent porter dans les provinces l'excellent esprit dont ils étoient animés. D'ailleurs cette mesure de sagesse et de prudence lui laissoit le temps et la liberté d'attendre les résultats de l'impression que pourroit faire sur l'esprit du pape l'admirable concert qui régnoit en France entre le gouvernement et tous les ordres de l'Etat. Les séances de l'assemblée furent interrompues depuis le 9 mai jusqu'au 23 juin; et le 23 juin l'assemblée entendit la lecture de la lettre du roi qui prorogeoit indéfiniment sa session.

Louis XIV porta même les égards pour le saint Siége jusqu'aux attentions les plus recherchées. Il fit entendre qu'il ne jugeoit pas encore à propos qu'on rendît public et qu'on imprimât le procès-verbal de l'assemblée de 1682 (1).

INNOCENT XI ne s'expliqua pas d'abord sur la

(1) Ce qu'il y eut de plus singulier, c'est que ce procès-verbal ne fut pas même déposé aux archives du Clergé. M. de Harlay le retint comme président de l'Assemblée; et à la mort de ce prélat en 1695, l'archevêque de Reims (Charles-Maurice Letellier), le réclama en qualité de plus ancien archevêque de France. Ce ne fut qu'à la mort de ce dernier (en 1710) que l'abbé de Louvois, son neveu, le rendit, et le fit déposer aux archives du Clergé.

déclaration du clergé de France, et son silence per mettoit de croire qu'il vouloit éviter de rompre ouvertement avec un roi et avec une Eglise qui méritoient tant d'égards de la part de la Cour de Rome.

XVII. Disposi

cour de

Rome.

C'est ce qu'on croit entrevoir dans une lettre que Bossuet écrivoit à Rome le 13 juillet 1682. tions de la Il paroissoit même avoir une telle confiance aux dispositions de cette Cour, qu'en envoyant au cardinal d'Estrées un projet de censure qu'il avoit rédigé contre la morale reláchée, et que l'assemblée auroit adopté, si elle n'eût pas été tout-àcoup séparée par ordre du roi, il se croyoit fondé à présumer que Rome devoit savoir gré au clergé de France de tous ses égards et de tous ses ménagemens pour elle. Il ne doutoit même pas qu'INNOCENT XI ne saisît avec empressement cette nouvelle occasion d'illustrer son pontificat, en se rendant aux vœux de l'Eglise gallicane pour condamner dans la forme la plus solennelle les honteux excès de quelques casuistes.

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Bossuet dit dans cette lettre : « Une bulle » en forme comblera de gloire Innocent XI, et » on verra par la manière dont elle sera reçue, » que le clergé de France, quoi qu'on puisse dire, » sait bien rendre le vrai respect au saint Siége, » et s'en fait honneur; et que si on se réserve

* OEuvres

de Bossuet,

tome IX.

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