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Le chancelier d'Aguesseau ajoute « que la lec»ture de cette dépêche détermina le pape à » donner les bulles de l'évêché de Beauvais à » l'abbé de Saint-Aignan, sans exiger de lui au>> cun désaveu, ni aucune satisfaction des propo»sitions de l'assemblée du clergé de 1682 (1) ».

Quoi qu'il en soit, «< la lettre de Louis XIV à >> INNOCENT XII fut le sceau de l'accommode>> ment entre la Cour de Rome et le clergé de » France ». Les notes manuscrites de l'abbé Fleury nous apprennent, que trois projets de la lettre des évêques au pape furent présentés et soumis à l'examen des archevêques de Paris, de Reims, du coadjuteur de Rouen (Colbert) et de Bossuet. Un de ces projets fut adopté, et ce fut à peu chose près celui que Bossuet avoit approuvé et corrigé.

de

Il eût été à désirer que l'abbé Fleury eût fait connoître avec plus de précision ce qui appartient véritablement à Bossuet dans le projet de

(1) Ce ne fut cependant qu'au mois de septembre suivant que CLÉMENT XI accorda ces bulles. Nous avons rapporté dans l'Histoire de Fénelon une lettre très-forte, qu'il écrivit au sujet de cette affaire, et qui fut mise sous les du yeux pape. Il paroît qu'elle ne contribua pas peu à fixer les irrésolutions de CLÉMENT XI, et à prévenir les suites fâcheuses d'un refus, qu'il auroit été difficile à la Cour de Rome d'appuyer de motifs raisonnables.

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la lettre des évêques au pape. Il est vraisemblable qu'il ne s'attacha qu'aux expressions les plus essentielles, et qu'il se montra assez indifférent sur les formules de respect et de soumission, que les circonstances, l'amour de la paix et les sentimens que l'Eglise de France a toujours professés, demandoient pour le saint Siége.

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Au reste Bossuet a exposé lui-même son opinion sur cette lettre et sur l'interprétation qu'elle devoit recevoir, dans le chapitre X de la Dissertation préliminaire de la défense de la déclaration du clergé. « Peut-on dire, écrit Bossuet, » qu'INNOCENT XII, ce pontife plein de bonté et >> d'inclination pour la paix, ait exigé de nos prélats » qu'ils rétractassent leur doctrine, comme étant » ou erronée, ou schismatique, ou fausse; non, puisque nos évêques lui écrivirent simplement >> en ces termes: Nous n'avons eu aucun dessein de » faire une décision. Voilà tout ce qu'ils condam» nent, voilà tout ce que le pape leur ordonne de » détester. Le pape, dis-je, veut qu'ils ne regardent » pas la décision comme un décret, un jugement » épiscopal, en prenant ces mots dans le sens ci>> dessus expliqué: et la lettre d'excuse par laquelle » ils se justifièrent sur ce seul article, appaisa tel>>lement Sa Sainteté, que depuis ce temps elle » n'a pas cessé de donner à la France, à l'exem

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ple de ses prédécesseurs, des preuves de son >> affection et de sa bienveillance. (1) »

L'affaire de la régale et la déclaration sur la puissance ecclésiastique n'étoient pas les seuls objets qui avoient occupé l'attention et excité le zèle de Bossuet dans la mémorable assemblée de 1682.

Il avoit toujours été révolté des honteux relâchemens de quelques casuistes modernes sur les points les plus essentiels de la morale évangélique, et même de la morale naturelle. Mais son zèle étoit réglé par la sagesse. On ne l'entendit jamais se livrer à ces déclamations virulentes, dont les hérétiques se faisoient ensuite des titres pour insulter à l'Eglise romaine. Bossuet servoit bien mieux la religion et la vérité, en recherchant avec une patience inépuisable les moyens

(1) Bossuet s'exprimoit avec la même franchise dans ses entretiens particuliers sur quelques expressions de cette lettre que les ultramontains affectoient de traduire comme une rétractation, il disoit, et tout le monde peut dire avec lui :

« Que cette lettre n'étoit rien, puisqu'elle ne touche pas au >> fond de la doctrine, et qu'elle n'a aucun effet, puisqu'elle » n'est que de quelques particuliers, contre une délibération » prise dans une assemblée générale du clergé, et envoyée par >>> toutes les églises et dans toutes les universités, sans qu'il se >> soit rien fait au préjudice ». Mts. de Ledieu.

XXIV.
Bossuet

les plus réguliers et les plus appropriés aux circonstances, pour extirper dans leur racine ces monstrueuses conceptions de quelques imaginations déréglées, qui étoient un sujet de scandale pour les ames religieuses, et de triomphe pour les esprits corrompus.

Dès le moment où Bossuet apprit l'exaltaprovoque la tion D'INNOCENT XI, il augura favorablement des

condamna

tion des ca- dispositions d'un pontife recommandable par sa *Mts. de piété *. Il rédigea un projet de lettre qui sembloit

suistes.

Ledieu.

* Ibid.

supposer qu'elle étoit écrite au nom de plusieurs évêques de France. Il y exposoit au pape la corruption, qu'on s'efforçoit d'introduire dans la morale chrétienne par des raffinemens et des subtilités absolument opposés à la sainteté et à la simplicité de l'évangile. Il exhortoit INNOCENT XI à suivre l'exemple D'ALEXANDRE VII, qui avoit déjà frappé d'anathème les propositions les plus condamnables de ces indéfinissables casuistes. Nous n'avons point retrouvé ce projet de lettre de Bossuet; mais l'abbé Ledieu qui l'avoit sous les yeux *, nous apprend « qu'elle étoit écrite en » latin et qu'elle étoit si belle, qu'elle méritoit » d'être rendue publique

».

On ne peut guères douter que cette lettre n'ait contribué à exciter le zèle d'INNOCENT XI, et n'ait

influé sur la condamnation que ce pontife porta en 1679, en proscrivant soixante-cinq propositions des nouveaux casuistes.

Mais les décrets D'ALEXANDRE VII et D'INNOCENT XI émanés du tribunal de l'inquisition, n'étoient point et ne pouvoient pas être reçus en France. Cependant les protestans se prévaloient du silence de l'Eglise gallicane pour lui reprocher l'espèce d'indifférence, avec laquelle elle laissoit violer les principes les plus sacrés de la morale évangélique. Plusieurs évêques de France avoient à la vérité opposé des censures sévères à ces coupables excès; mais ces décisions particulières et isolées ne pouvoient avoir autant de force et d'autorité, qu'une censure prononcée au nom de l'Eglise de France toute entière.

Aussitôt que Bossuet vit l'assemblée de 1682 en activité, il proposa l'établissement d'une commission chargée spécialement de l'examen de la morale. L'assemblée applaudit unanimement à un projet si digne d'elle; et M. de Harlay luimême plaça Bossuet à la tête de cette commission.

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Il s'occupa aussitôt à recueillir toutes les propositions qui méritoient d'être censurées. Il les vérifia lui-même dans les auteurs dont elles étoient extraites; il traça un plan où toutes les

* Ibid.

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