Page images
PDF
EPUB

que personne les heureux résultats. Il voulut se charger de tracer de sa propre main l'ordre des matières qui devoient former le sujet de chaque conférence; et il se proposa d'y faire entrer successivement tous les points de morale et de discipline qui se représentent le plus souvent dans la direction des consciences et dans la conduite

des ames.

Il appuyoit par l'autorité de son exemple l'assiduité qu'il demandoit aux ecclésiastiques de son diocèse. Il étoit exact à se trouver aux conférences qui se tenoient dans sa ville épiscopale, soit qu'il fût à Meaux, soit qu'il fût à sa maison de campagne de Germigny *. Il se rendoit même souvent à celles des autres cantons du diocèse, sans autre motif que d'aller y présider, régler le travail des curés, et s'établir en quelque sorte le guide et le directeur de leurs études.

Ce qui étoit alors bien remarquable en Bossuet, c'étoit la simplicité qu'il montroit dans la réunion de ces différentes portions de son clergé répandues dans les campagnes, et loin du commerce des hommes. Il encourageoit ceux qui parloient, pour exciter les autres à s'exercer à parler en public avec facilité. Dans ces occasions, il ne laissoit apercevoir que la simplicité évangélique. Il leur traçoit par le langage familier et

* Mts. de

Ledieu.

Trait remarquable.

* Mts. de Ledieu.

populaire qu'il adoptoit, le modèle de celui dont ils devoient eux-mêmes se servir pour parler à des hommes simples et ignorans.

Après avoir entendu la discussion des différentes matières, qui formoient l'objet de la conférence, Bossuet prononçoit lui-même sa décision sur les questions difficiles, douteuses, ou impor

tantes.

On a conservé long-temps dans le diocèse de Meaux le souvenir de la décision que donnå Bossuet sur un point très-important de la discipline ecclésiastique.

* C'étoit dans la paroisse de Ravoy, prieuré, dont les Pères de l'oratoire étoient titulaires. On y traitoit de la question de la pluralité des bénéfices. Elle fut examinée et discutée en présence de Bossuet. On la résolut par l'autorité des canons. Il loua la décision, la confirma, et l'appuya par de nouvelles preuves. Cependant l'abbaye de Saint-Lucien, et deux prieurés (1) qu'il possédoit avec son évêché de Meaux, formoient contre lui-même une objection très-naturelle. Il sentit bien qu'elle se présentoit involontairement à la pensée de tous ceux qui venoient d'entendre sa décision. Il ne chercha ni à la dissimuler, ni à

(1) Le prieuré Duplessis-Grimaux et celui de Gassicourt, d'un revenu assez médiocre.

>>

[ocr errors]
[ocr errors]

l'affoiblir. Il prit la parole, et déclara hautement que sa conduite personnelle sembloit démentir les maximes qu'il venoit d'établir, et de consacrer si solennellement. «*Il exposa ingénu>>ment les raisons qui le portoient à présumer qu'il étoit dans le cas d'une légitime dispense; qu'il se trouvoit chargé par une disposition marquée de la providence, de l'instruction d'un » grand nombre de protestans, qui s'adressoient » à lui non-seulement en France, mais de toutes » les parties de l'Europe; que dans ce grand nom» bre, il se trouvoit beaucoup de ministres; qu'il » étoit non-seulement obligé de les recevoir chez >> lui pour leur donner une retraite, mais encore » de leur donner des secours, sans lesquels ils >> seroient exposés à des regrets ou à des séductions, dont la charité vouloit qu'on les garantît; qu'il falloit aider des fugitifs, qui demandoient » à revenir dans le royaume, et à qui tous les » moyens manquoient, parce qu'ils avoient perdu » leurs biens en abandonnant leur patrie, et

[ocr errors]
[ocr errors]

qu'ils renonçoient aux avantages qu'ils trou>> voient et qu'ils pouvoient espérer dans les pays » étrangers; que c'étoient quelquefois des familles

>>

[ocr errors]

entières, dont il falloit faciliter le retour, et qu'il étoit nécessaire encore de faire subsister,

» jusqu'à ce qu'ils pussent, ou rentrer dans leurs

[ocr errors]

* Ibid.

X.

Visites pas

torales.

» biens, ou obtenir des bienfaits du roi; que les >> revenus de son évêché, ne le mettant point en » état de subvenir à tant de nécessités, il avoit >> cru pouvoir profiter de la ressource que lui met» toient en main des bénéfices, dont il consacroit » les revenus à l'usage le plus utile à l'Eglise, et à » l'œuvre de charité la plus pressante. »

[ocr errors]

Bossuet n'avoit assurément pas besoin d'une pareille apologie. Sa conduite publique et privée le justifioit assez aux yeux de toute l'Eglise. Personne n'ignoroit en France, et même dans toute l'Europe, que Germigny étoit un asile toujours ouvert, et presque toujours rempli de ministres, ou de protestans distingués, qui venoient puiser dans les lumières de ce grand homme la solution de leurs doutes, et dans sa générosité les secours que leur situation rendoit indispensables (1).

Bossuet a été peut-être celui de tous les évêques, qui, pendant tout son épiscopat, s'est montré le plus exact à visiter son diocèse, malgré les travaux de tous les genres, et les affaires importantes qui ont rempli sa vie.

Il croyoit ne devoir s'en rapporter qu'à luimême, pour acquérir toutes ces connoissances de détails, dont la variété est soumise à des circonstances locales, souvent même à des cou

(1) Voyez les Pièces justificatives de ce livre (n.o 1 ).

tumes et à des dispositions singulières, qui exigent un emploi sage et mesuré du zèle, de la charité et de l'autorité.

C'est surtout dans les visites pastorales, que se déployent d'une manière plus sensible aux regards, et sous une forme plus touchante la dignité et la charité du ministère épiscopal. Les honneurs, dont la piété ou la coutume se sont plu à environner les évêques dans ces occasions solennelles, les montrent aux yeux de la multitude sous un point de vue plus élevé, et impriment à leur autorité un caractère plus imposant. Lorsqu'on les voit ensuite descendre de leur chaire épiscopale pour entrer dans la cabane du pauvre; offrir ou préparer des secours au malheur et à l'indigence; se conformer à l'exemple de JésusChrist en élevant jusqu'à eux la foible et timide enfance, pour graver dans de jeunes cœurs les premiers élémens de la religion et les premières leçons de la vertu ; lorsqu'à la suite de ces soins religieux et paternels, on les voit exercer un ministère de paix, ramener l'union dans les familles, concilier les différends, calmer les haines, porter un regard attentif dans l'emploi des biens affectés au soulagement de toutes les infirmités humaines, le caractère épiscopal prend alors je ne sais quoi de touchant, d'auguste et de sacré, qui révèle sa

« PreviousContinue »