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les esprits s'aigrissoient dans ces espèces de luttes publiques; elles finirent par devenir tumultueuses, et il fallut changer de plan. On substitua à ces conférences publiques des entretiens particuliers, où l'on appeloit successivement chaque famille. Bossuet se réserva l'instruction des familles de la ville et des lieux voisins. « Ce qui réussit » mieux, dit l'abbé Ledieu, et n'a pas eu néan>> moins un effet fort considérable. »>

La Ferté-sous - Jouarre étoit après la ville de Meaux le lieu le plus considérable du diocèse, et celui où l'on comptoit le plus de protestans. Bossuet chargea trois ecclésiastiques d'y faire une mission qui dura tout l'avent. Il s'y rendit souvent lui-même pour exciter le zèle des missionnaires par sa présence et ses avis. Un ecclésiastique surnuméraire étoit uniquement destiné à l'instruction des nouveaux convertis, et à perpétuer le bien que les missionnaires avoient commencé. Il établit des institutions semblables dans les endroits principaux de son diocèse. Le prêtre qu'il y plaçoit, n'étoit chargé que d'instruire et de diriger ces néophytes, dont la foi étoit encore si chancelante et si incertaine, mais qui promettoient au moins une nouvelle génération, dont la foi seroit moins équivoque et plus éclairée. Bossuet eut soin en même-temps de pourvoir de

maîtres et de maîtresses d'école toutes les paroisses qui en manquoient.

A la tête de tous ces établissemens particuliers, il plaça comme directeur général le sieur Chabert, ecclésiastique dont le zèle et les talens étoient éprouvés depuis quatorze ans, et avoient obtenu la confiance générale. Il le chargea d'entretenir des rapports suivis avec tous les nouveaux catholiques, de régler tout ce qui concernoit leurs mariages, et de les exhorter à remplir leurs devoirs de religion.

Il eut recours pour toutes ces institutions à la libéralité du roi, qui avoit annoncé sa disposition à concourir au succès de ce grand ouvrage. On peut se faire une idée de ce genre de secours par un mémoire que Bossuet présenta lui-même.

Il se bornoit à demander, 1.o un honoraire pour quatre prêtres employés spécialement à l'instruction des nouveaux convertis, et il fixoit cet honoraire pour chacun d'eux à quatre cents livres ; 2.o un traitement pour trois maîtres et deux maîtresses d'école pour quelques paroisses qu'il indiquoit ; 3.0 deux places aux nouvelles catholiques pour deux demoiselles qui se trouvoient sans père, sans mère et sans bien. Enfin, il supplioit le roi de convertir en une pension annuelle la gratification de quatre cents livres qu'il avoit

la

la bonté d'accorder à l'ecclésiastique chargé de surveiller tous ces établissemens.

Tels étoient les foibles moyens que Bossuet jugoient suffisans pour opérer de grandes choses. Les gouvernemens n'ont pas toujours paru assez convaincus de tout ce qu'ils pouvoient faire de bon et d'utile avec le seul secours des instrumens de la religion. Le nécessaire suffit à des hommes supérieurs aux besoins du luxe et de la mollesse. Ceux qui n'ont en vue que Dieu et la religion, n'ont pas même besoin de la gloire humaine. Mais les gouvernemens ont besoin de leur assurer pour leur propre intérêt cette espèce de considération publique, sans laquelle leur ministère perd une partie de son influence sur l'opinion des peuples. Les établissemens durables, les monumens immortels sont toujours ceux qui reposent sur la religion. Le christianisme s'est établi sans le secours des hommes, et malgré la résistance des hommes, et Bossuet disoit souvent avec un sentiment profond d'admiration *: « Il semble que » les apôtres et leurs premiers disciples aient tra- l'abbé Fleu» vaillé sous terre, pour établir tant d'Eglises en » si peu de temps, sans que l'on sache comment. »

Lorsque Bossuet jugea que les nouveaux convertis étoient assez disposés, par tant de conférences et d'instructions, à entendre la voix de leur BOSSUET. Tome 11.

19

*Notes ma

nuscrites de

ry.

XVII. Lettre pastorale de

Bossuet sur la

évêque, il leur adressa une lettre pastorale en date du 24 mars 1686.

L'objet de cette lettre étoit de les préparer à recevoir la communion pascale avec tous les communion sentimens de foi et de piété que l'Eglise depascale. mande pour cet auguste mystère. Mais Bossuet ne se dissimuloit pas qu'on ne devoit pas attendre de ces néophytes, à peine initiés à une doctrine qu'on leur avoit représentée sous les couleurs les plus odieuses, ces dispositions plus ou moins par'faites que l'on exige de ceux que leur éducation, leur profession, et l'expérience des maximes et des règles de l'Eglise ont dû pénétrer de bonne heure de la grandeur et de la dignité d'un tel

* Ibid.

sacrement.

*

Aussi Bossuet leur dit : « Nous ne vous de» mandons pas des perfections extraordinaires ; » pourvu qu'on apporte à l'Eucharistie une ferme >> foi, une conscience innocente et une sainte fer»yeur, nous supporterons les restes de l'infir» mité..... » Et il rappelle l'invitation que le roi Ezechias avoit adressée aux tribus, même schismatiques, de venir célébrer la pâque dans le temple de Jérusalem.

Sans entrer dans aucune discussion sur les questions difficiles et obscures, que les premiers réformateurs avoient agitées, Bossuet profite de

cette occasion pour les désabuser des imputations ridicules, dont leurs ministres les avoient sans cesse entretenus sur les prétendues idolâtries de l'Eglise romaine. Il ne s'attache même qu'à celles qui étoient de nature par leur effet sensible et extérieur à laisser plus d'impression dans leur esprit.

Il leur parle d'abord de l'un des principaux caractères de la véritable Eglise, de la succession qui fait remonter les évêques légitimes jusqu'aux apôtres. «<* Vous n'avez pu vous empêcher, dit » Bossuet, de reconnoître que j'étois à la place » de ceux qui ont planté l'évangile dans ces con»trées. Je ne vous ai point annoncé d'autre doc» trine que celle que j'ai reçue de mes saints pré>> décesseurs; comme chacun d'eux a suivi ceux qui les ont devancés, j'ai fait de même..... Dans >> cette succession, on n'a jamais entendu un dou»ble langage. Les évêques séparés de notre unité >> ont manifestement renoncé à la doctrine de ceux

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qui les avoient consacrés. Il n'en est pas ainsi » parmi nous; toujours unis à la chaire de saint » PIERRE, où dès l'origine du christianisme on a >> reconnu la tige de l'unité ecclésiastique, nous » n'avons jamais condamné nos prédécesseurs, » et nous laissons la foi des Eglises telle que nous

* Ibid.

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