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*Lettre de Bossuet à

Bossuet s'adresse enfin au cœur même de la jeune abbesse; il lui rappelle les maximes et l'autorité de la respectable institutrice, à qui elle devoit les premiers exemples de piété et les premières leçons de vertu, qu'elle avoit reçus dans les tendres années de son enfance;

* Sans vous parler ici de ce qui se passe dans M.me de Sou- » le monastère de mon diocèse, je pourrois albise, abbesse » léguer ceux de la métropole, comme les célè25 avril 1694. » bres monastères de Montmartre, de Chelles,

de Jouarre.

» du Val-de-Grâce, et en particulier le saint

» monastère de Cherche-Midi, où vous avez été » si bien élevée. Une illustre tante, qui en a été » encore plus le modèle par ses vertus, que l'ins>>titutrice par ses sages constitutions, a fait une >> loi expresse pour cette forme de réception. >>

Il chercha surtout à la prémunir contre ces consultations plus ou moins spécieuses, qu'il est si facile et si commun de surprendre à la complaisance, ou d'obtenir de la mauvaise foi pour rendre problématiques les questions les plus claires et les moins litigieuses.

Et reprenant tout à coup le langage et l'autorité d'un pontife qui sait de qui il tient la hauteur et la plénitude de son ministère, Bossuet adresse ces dernières paroles à la jeune abbesse :

« Je ne me presse pas, comme vous voyez;

» j'attends avec patience un paisible consente» ment; et j'aime mieux, s'il se peut, que vous » preniez de vous-même une bonne résolution, » que d'user de l'autorité que le Saint-Esprit » m'a donnée. Si vous n'écoutez que Dieu seul » et votre conscience, vous m'écouterez. Ne » croyez pas vous abaisser, en vous humiliant » devant celui qui vous tient lieu de JÉSUS-CHRist. »Ne croyez pas vous élever en lui résistant; » car tout cela est du monde, et de l'esprit de » grandeur auquel vous avez renoncé, et dont il » ne faut point garder le moindre reste. Ne croyez » pas que l'obéissance ne soit qu'en paroles, » comme si la reconnoissance de la supériorité » ecclésiastique ne consistoit qu'en complimens. » Il en faut venir aux effets, quand on veut être » vraiment religieuse et vraiment humble. »

Bossuet joignit à cette lettre un billet trèscourt, par lequel il supplioit très-instamment l'abbesse de Jouarre « de lire sa lettre à part, » elle seule, sous les yeux de Dieu seul ». Il eut le bonheur de trouver un cœur docile à ses touchantes exhortations. La jeune abbesse voulut même donner un témoignage éclatant de la sincérité de sa soumission, en n'admettant au noviciat que sous la nouvelle forme prescrite par Bossuet, deux de ses proches parentes, mesde

XXIII.

Genre de vie de Bos

intérieur.

moiselles de Rohan-Soubise, et de Rohan-Gué

méné.

Tels étoient dans ce siècle les noms illustres qui brilloient à la tête des armées, décoroient la Cour de Louis XIV, et ornoient les humbles annales de nos cloîtres. Tel étoit ce siècle, où toutes les grandeurs de la terre sembloient emprunter un nouvel éclat des sacrifices et des humiliations inspirés par la religion.

En considérant l'application de Bossuet au suet dans son gouvernement de son diocèse, l'assiduité avec laquelle il remplissoit tous ses devoirs d'évêque, l'exactitude qu'il apportoit dans tous ces détails d'administration journalière, dont les hommes de génie n'ont pas plus le droit de s'affranchir que les hommes ordinaires, on ne sait comment il a lui rester encore assez de temps et de liberté, pour composer tant d'ouvrages que nous avons de lui.

*

Eloge de

Bossuet, par

Rue.

pu

«< * Mais un homme accoutumé à ne perdre le Père de la » aucun moment, a du temps pour tous ses de» voirs ; un homme, dont tous les plaisirs et le » sommeil même est une étude, a des années plus étendues, une plus longue vie, que le commun » des vivans. Une mémoire fidèle à qui rien

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n'échappe de ce qu'elle a appris, un esprit pé

» nétrant pour qui les obscurités deviennent des

» sources de lumières, un cœur spacieux qui em>> brasse dans ses affections tout ce qui s'offre à son » zèle et à sa charité, trouve pour tant de soins >> divers des facilités inconnues aux petites ames. >>

Tant de travaux de tous les genres qui avoient déjà rempli la vie de Bossuet, ne suffisoient pas à l'ardeur de son génie: dans son amour immense pour la religion, il embrassoit toutes les sciences, toutes les connoissances qu'elle avoit pour objet. A l'âge de plus de soixante ans, il voulut apprendre l'hébreu ; et l'abbé de Choisy, après avoir dit de saint Jérôme qu'il apprit la langue hé

>>

*

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braïque avec beaucoup de peine, parce qu'il

* Histoire

de l'Eglise,

par l'abbé de

>> s'y étoit pris un peu tard », ajoute: « la même Choisy, tome >>> chose est arrivée de nos jours à M. Bossuet, évê- 111, pag.918.

» que de Meaux, qui à l'âge de soixante ans, » consommé dans toutes les sciences divines et » humaines, commença à apprendre l'hébreu, » et s'exerça avec constance à des prononciations » rudes et à des aspirations fort difficiles, pour » se rendre plus utile à l'Eglise, en lisant les » fondemens de notre foi dans la langue ori»ginale. »

Malgré tant de génie et d'ardeur, il eût été Constitution physiphysiquement impossible que Bossuet eût pu que de Bossuffire à tant de travaux, si la nature ne s'étoit suet. plue à le favoriser de tous ses dons. Elle avoit uni

Sa sobriété.

en lui la figure la plus noble et la plus imposante à une excellente constitution. Il jouit constamment toute sa vie de la meilleure santé. Ce

ne fut que l'année qui précéda sa mort, que se déclara la cruelle maladie qui le condamna à de si longues et de si cruelles souffrances; jusqu'à cette époque, aucune maladie grave n'avoit altéré son tempérament. Il eut seulement quelques accès de fièvres pendant les années 1677, 1678 et 1679; il s'en délivra par l'usage du quinquina, qu'un médecin anglais venoit récemment d'introduire en France. L'heureuse expérience qu'il en fit, lui inspira une grande confiance en ce remède. Il lui attribuoit même un renouvellement de forces, qui le décida à en faire usage, toutes les fois qu'il éprouvoit la plus légère indisposition.

et

Il étoit naturellement sobre dans ses repas, peu recherché sur la variété des mets que l'on servoit à sa table. Il eut en 1699 un érésipelle, qui l'obligea pour la première fois de sa vie à faire gras pendant le carême. Mais les remèdes et le régime qu'on lui prescrivit pendant quelques mois, firent entièrement disparoître cette âcreté du sang; et dès le mois de septembre suivant, il fut libre de reprendre son genre de vie accou

tumé.

De

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