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DE BOSSUET.

LIVRE SIXIÈME.

De l'Assemblée de 1682.

L'ÉDUCATION de M. le Dauphin étoit finie; Bossuet avoit été nommé premier aumônier de madame la Dauphine dès le 9 mars 1680. Les fonctions de cette place le fixoient à la Cour, et il attendoit paisiblement ce que la providence ordonneroit du reste de sa vie. Tout ce qu'il avoit déjà fait pour la religion et pour l'Eglise auroit suffi à la gloire de tout autre que Bossuet (1). Mais la gloire et les vains applaudissemens des hommes n'étoient rien pour celui qui ne voyoit que Dieu et la religion.

Il ne vaquoit aucun siége important dans le clergé de France, que la voix publique ne s'em

(1) On a vu comment Bossuet avoit su remplir ce court intervalle de repos et d'inaction dans sa vie publique. Ce fut alors qu'on vit paroître son chef-d'œuvre, son Discours sur l'Histoire universelle, qui fut imprimé au commencement de 1681.

I.

Bossuet est proposé pour différens sié

ges.

Ledieu.

pressât de l'y appeler. L'abbé Ledieu nous ap* Mts. de prend * que les églises de Lyon, de Sens et de Beauvais, qui perdirent leurs premiers pasteurs (1) dans l'intervalle de 1679 à 1681, exprimèrent le vœu aussi honorable pour elles-mêmes que pour Bossuet, de voir le choix du roi se fixer sur celui qu'il avoit jugé digne d'élever son fils.

* Ibid.

M. Félix Vialar, évêque de Châlons-sur-Marne, prélat qui jouissoit d'une grande considération dans son diocèse et dans l'Eglise de France, étoit lié d'amitié avec Bossuet; accablé sous le poids des années, des infirmités et des travaux qui avoient rempli sa longue carrière, il voulut honorer sa mémoire en le désignant pour son sucet il s'en ouvrit à Bossuet.

cesseur,

*

M. de Ligni, évêque de Meaux, qui l'avoit souvent entendu prêcher dans différentes églises de son diocèse, professoit également pour lui une singulière estime. Il étoit malade et languissant depuis deux ans. Il offrit sa démission au roi, et se permit de proposer Bossuet pour occuper sa place. C'est à ce siége que la providence le destinoit. Mais il entroit dans les vues et dans les principes de Louis XIV de ne l'y appeler qu'après la mort de M. de Ligni.

(1) Par la mort de MM. de Villeroy, de Montpezat et Choart de Buzenval.

P. 442.

Amelot de la Houssaye avance dans ses Mémoires historiques * « que Bossuet, évêque de Con- *Tome 1., » dom et précepteur de M. le Dauphin, demanda » l'évéché de Beauvais, et que le roi le lui re» fusa sous le prétexte honnête que sa présence » étoit nécessaire auprès de MoNSEIGNEUR ; mais >> au vrai, parce qu'il ne vouloit pas donner une » pairie à un homme d'une naissance bourgeoise ».

»

Amelot n'appuye cette prétendue anecdote d'aucun témoignage ni d'aucun garant; et ceux qui l'ont rapportée après lui (1), n'ont pas eu d'autre autorité que la sienne.

On peut d'abord assurer avec confiance que Bossuet ne demanda pas l'évêché de Beauvais : rien n'eût été plus contraire à ses principes. Indépendamment d'une considération aussi décisive, cette demande auroit blessé toutes les convenances. L'évêché de Beauvais vaqua par la mort de M. Choart de Buzenval le 21 juillet 1679; et Bossuet exerçoit encore ses fonctions de précepteur auprès de M. le Dauphin.

Il est possible, qu'en prévoyant le terme peu éloigné, où alloit finir l'éducation du jeune prince, le public ait désigné Bossuet pour l'évêché de Beauvais, comme on l'appeloit à tous les siéges importans qui venoient alors à vaquer; et lors(1) Voyez l'Eloge de Bossuet, par d'Alembert.

qu'on vit qu'il n'y avoit pas été nommé, on put imaginer le prétendu motif qu'allègue Amelot de la Houssaye. Mais on doit dire en même temps que les expressions dont il se sert, manquent de convenance et de justesse. Bossuet, comme on l'a déjà remarqué, appartenoit à une famille honorable par les places qu'elle occupoit depuis assez long-temps dans la première cour de magistrature de sa province. D'ailleurs on étoit alors accoutumé à voir les évêchés-pairies occupés par des ecclésiastiques plus recommandables par leur mérite, que distingués par leur naissance. Le prélat même dont la mort venoit de faire vaquer l'évêché de Beauvais, en offroit lui-même un témoignage bien récent.

Le cardinal de Richelieu, qui avoit trouvé l'Eglise de France dans l'état le plus déplorable après cinquante ans de guerres civiles et religieuses, s'étoit fait un principe de ne chercher dans les sujets qu'il vouloit appeler au gouvernement des diocèses, que la science et le mérite; et l'on peut dire que c'est à lui que cette église si célèbre a été redevable de la restauration de sa discipline au milieu des ruines et des ravages dont un demi-siècle de désolation avoit couvert la France.

C'est à cette époque que l'Eglise gallicane of

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