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III.

Il est dé

1682.

» aussitôt que j'aurai reçu réponse de Rome,
>> je disposerai mes affaires au départ ».
Mais les circonstances ne permirent pas

à Bosputé à l'as- suet de suivre son dessein. La célèbre assemblée semblée de de 1682 (1) alloit s'ouvrir; et comme il falloit, pour ainsi dire, que tous les pas de Bossuet dans sa glorieuse carrière fussent marqués par des exceptions honorables, l'assemblée métropolitaine de Paris le nomma député à l'assemblée générale du clergé, quoiqu'il n'eût point encore reçu ses bulles de l'évêché de Meaux (2); et il fut immé

(1) Cette assemblée commença dès le mois de novembre 1681; mais comme les quatre fameux articles ne furent proclamés qu'au mois de mars 1682, cette assemblée est restée plus connue sous cette dernière date.

(2) Le procès-verbal de l'assemblée métropolitaine de Paris est du 30 septembre 1681, et Bossuet y est simplement désigné comme nommé évêque de Meaux. Il ne reçut ses bulles qu'à la fin du mois d'octobre suivant. Le pape Innocent XI, qui étoit rempli d'estime pour Bossuet, et qui lui en avoit déjà donné des témoignages authentiques au sujet du livre de l'Exposition et de sa Lettre sur l'éducation de M. le Dauphin, lui accorda de luimême la remise de la moitié de la taxe des bulles. Bossuet se hâta de lui en témoigner sa reconnoissance par une lettre dont nous avons la minute originale de la main de Bossuet. Il y exprime dans les termes les plus énergiques son profond respect pour le saint Siége:

« Beatissime pater, en iterùm ad me pulverem et cinerem ab » altá Petri sede paterna vox omni reverentiá gratique animi » significatione prosequenda.... In partem ergò vocandus sollici

diatement désigné pour faire le sermon d'ouverture de cette assemblée.

Bossuet se hâta d'instruire l'abbé de Rancé de l'obstacle imprévu que cette succession rapide d'événemens apportoit à ses projets. « Je crains » bien, lui écrivoit-il, d'être privé pour cette an» née de la consolation que j'espérois. L'assem» blée du clergé va se tenir, et non-seulement on » veut que j'en sois, mais encore que je fasse le » sermon d'ouverture. Il ne me reste qu'un peu » d'espérance : je pourrai peut-être échapper » douze ou quinze jours, si ce sermon se remet, » comme on dit, au mois de novembre. Quoi qu'il >> en soit, si je ne puis aller prier avec vous, » priez du moins pour moi. L'affaire est impor» tante et digne de vos soins.... » Ici Bossuet exprime avec sincérité ses craintes et ses espérances

» tudinis, plenitudinem potestatis omni obsequio venerabor, et » romanæ matris afflixus uberibus, lac certè hauriam parvulis » propinandum. Parisüs, 1. novembris 1681.

» Très-saint Père, une voix paternelle sortie du siége si élevé » de Pierre, digne de tout mon respect et de toute ma recon» noissance, se fait encore entendre à moi, qui ne suis que cen>> dre et poussière.... Appelé à entrer en partage de votre sainte » sollicitude, je révérerai très-profondément la plénitude de » puissance que Dieu vous a confiée, et attaché aux mamelles » de l'Eglise romaine, notre mère, j'y sucerai le lait que je >> dois distribuer aux petits.... >>

IV.

Tableau

cane.

« Vous savez, dit-il à l'abbé de Rancé, ce que » c'est que les assemblées, et quel esprit y domine » ordinairement. Je vois certaines dispositions qui » me font un peu espérer de celle-ci, mais je n'ose » me fier à mes espérances, et en vérité elles ne » sont pas sans beaucoup de crainte. Je prie Dieu. » que je puisse trouver le temps de vous aller » voir; j'en aurois une joie inexprimable.

<< De Fontainebleau, septembre 1681. »

Mais il est facile de comprendre comment dans une circonstance où le gouvernement et le clergé étoient occupés de la discussion la plus délicate, et de l'affaire la plus importante qui se fussent présentées depuis bien des années, on ne crut pas pouvoir permettre à Bossuet de s'éloigner de Paris, même pour peu de jours.

L'assemblée de 1682 est l'époque la plus méhistoriquede morable de l'histoire de l'Eglise gallicane. C'est I'Eglise galli- celle où elle a jeté son plus grand éclat; les principes qu'elle a consacrés ont mis le sceau à cette longue suite de services que l'Eglise de France a rendus à la France. Il peut sans doute être permis à un évêque de ramener avec complaisance ses regards sur un tableau qui rappelle des titres honorables pour le corps dont il est membre (1).

(1) Nous ne nous sommes pas dissimulé que ce tableau fidèle

L'Eglise gallicane, plus ancienne que la monarchie française elle-même, avoit adouci les malheurs de l'antique Gaule, dans un temps où abandonnée à la plus déplorable anarchie, devenue le théâtre des combats que se livroient les compétiteurs à l'empire, exposée aux ravages de vingt nations barbares sorties des forêts de la Germanie, ne pouvant plus être ni protégée ni défendue par les empereurs de Constantinople, elle n'avoit pas même le choix des dominateurs dont elle devoit subir le joug.

ques

Ce fut dans cette terrible crise que les évêde la Gaule disposèrent leurs concitoyens å se soumettre à l'autorité de Clovis et de sa famille.

Ils prirent assez d'ascendant sur l'esprit de ce chef de guerriers, pour en obtenir des conditions plus supportables qu'on ne devoit peut-être en attendre.

La conversion de Clovis ét des plus illustres compagnons de sa victoire fut un nouveau bienfait du clergé pour les Gaulois devenus Français.

des services de l'Eglise gallicane suspendoit peut-être trop longtemps la suite du récit historique de la vie de Bossuet. C'est ce qui nous avoit d'abord déterminés à le placer parmi les Pièces justificatives.

Elle donna aux évêques le droit et le pouvoir de faire entendre les premiers accens de la voix de la religion à des barbares qui ne connoissoient pas même encore celle de la nature et de l'humanité.

Mais que de soins, de zèle et de patience ne leur fallut-il pas, pour établir un commencement d'ordre au milieu du plus épouvantable désordre. Les conquérans n'apportoient avec eux que des lois atroces, le mépris des arts, la haine de toute police, et l'habitude de ne prendre que le glaive pour juge de leurs prétentions et de leurs caprices.

De pareils dominateurs n'étoient pas même en état de comprendre et de goûter les simples maximes de la morale chrétienne, et les sentimens de cette charité fraternelle que JÉSUS-CHRIST étoit venu inspirer aux hommes; pour empêcher ces sauvages armés de se livrer à tous les emportemens de leur nature féroce, et de verser à chaque instant des flots de sang, il falloit les faire trembler eux-mêmes au récit des vengeances du ciel contre les hommes injustes et sanguinaires.

Lorsque dans des siècles plus éclairés on a reproché à ces rois de n'être que superstitieux, on a oublié que loin de pouvoir être de véritables chrétiens,

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