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les perfecutions, & au grand faint Antoine. Et pour remonter plus haut, ajoutoit-il, & juf- AN. 1341. ques au premier exemple; c'eft cette lumiere que les apôtres virent fur le Thabor à la Transfiguration; & dont ils ne purent foûtenir l'éclat. Si donc étant encore des hommes imparfaits, ils ne laifferent pas de voir cette lumiere divine & incréée,faut-il s'étonner que les faints éclairez d'en haut la voient encore à present?

A ces mots Barlaam s'écria: Quelle abfurdi- p. 333. té ! La lumiere du Thabor incréée. Elle eft

donc Dieu, felon vous: car rien n'est incréé,

fi ce n'eft Dieu. Si donc cette lumiere n'eft ni 1,Jo.Jo, 1. une creature ni l'effence de Dieu, car perfonne 12. n'a jamais vu Dieu, que refte-t'il, finon d'adorer deux dieux, l'un créateur de tout, & invifible, l'autre visible selon vous, c'est-à-dire cette lumiere incréée ? Pour moi je ne fouffrirai jamais que l'on nomme incréé rien qui foit diftingué de l'effence de Dieu.

Enfuite Barlaam passa à C. P. & mit entre les mains du patriarche Jean d'Apri, ce qu'il avoit écrit contre les moines. Quietiftes; & le pria d'affembler un concile, prétendant les y convaincre d'erreurs contre la foi. Le patriarche manda les moines qui étoient à Theffalonique; & l'empereur revenant de la guerre arriva en même temps à C. P. Il voulut d'abord impofer filence aux deux partis, & les reconcilier; mais n'y pouvant réüffir, il permit de tenir le concile. On le tint à fainte Sophie le onzième de Juin 1341. & l'empereur Andronic y préfida avec le patriarche Jean, les évêques, les fenateurs & plufieurs perfonnes conftituées en digni-. té. On fit parler Barlaam le premier comme étant l'accufateur, & on ne traita que deux articles: celui de la lumiere du Thabor, & celui de la priere. Ce fut fur ces deux articles que

Barlaam fut condamné ; de quoi n'étant pas AN. 1341. content, il fe retira & retourna en Italie. X. L'empereur qui étoit déja malade, fit un efMort d'An- fort pour affifter à ce concile, & y harangua dronic.Jean Paleologue avec tant de vehemence, que fon mal en étant empereur. augmenté, il mourut quatre jours après, fçavoir le vendredi quinziéme de Juin 6849. felon les Grecs, 1341. felon nous: il étoit âgé de quarante-cinq ans, & en avoit regné douze, & telle fut la fin d'Andronic Paleologue le jeuN. Greg. ne. Il laiffa deux fils, Jean âgé de neuf ans, lib.x11. c.2. Michel de quatre, fous la conduite de l'imperaNiceph. trice leur mere.

lib. XII. c.

2. n. 5.

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&

Alors le patriarche Jean d'Apri prétendit à la conduite des affaires en vertu d'un écrit de la

Cantac, lib. main de l'empereur Andronic, par lequel allant autrefois à la guerre, il l'avoit chargé avec les évêques qui étoient auprès de lui, de prendre foin de l'imperatrice fa" femme & de fes enfans. Car il eft jufte & neceffaire, difoit ce patriar che, que l'églife foit unie à l'empire comme l'ame au corps.

| Nic. c. 3.

5.4.

Mais le grand domeftique Jean Cantacuzene foûtenoit que la tutele des jeunes princes, & la regence de l'empire lui appartenoit. Tout le monde fçait, difoit-il, la part que le défunt empereur me donnoit au gouvernement des affaires, & l'entiere confiance qu'il avoit en moi : juíqu'à me donner les ornemens imperiaux, & me faire regner avec lui, fi j'euffe voulu l'accepter. L'imperatrice Anne eft témoin qu'il m'a recommandé plufieurs fois de prendre après fa mort le foin des affaires de fa famille & de l'empire. Quant à l'écrit que le patriarche rapporte à prefent,c'étoit une précaution prife pour un temps, afin qu'il reftât quelqu'un à C. P. avec autorité, pendant que j'étois à la guerre avec l'empereur. Nonobftant cette remontrance, le patriarche T'emporta

T'emporta pour lors; & i demeura auprès de l'imperatrice, afin de l'aider de fes confeils. Can- AN. 1341. tacuzene toutefois ne fe defifta pas de fa pretention, il eut un parti puiflant; & le voyant pouffé, il fe crut obligé pour fa sûreté, de prendre les ornemens imperiaux; comme il fit le jour de faint Demetrius vingt-fixiéme d'Octobre, quatre mois après la mort de l'empereur. Mais c. 12 il ne prétendoit être que le collegue & le protec- Cantac, lib. teur du jeune empereur Jean.

111. 6. 27.

1. 4.

Le patriarche l'ayant appris, s'emporta contre Cantacuzene, disant hautement que cette action découvroit l'intention qu'il cachoit de- Nic. c. 12. puis long-temps d'ufurper l'empire: & pour autorifer fa qualité de tuteur du jeune prince, le patriarche réfolut de le couronner. Ce qu'il fit c. 13. avec tant de précipitation, qu'il n'attendit pas même un jour de fête, suivant la coûtume,mais il le couronna le dix-neuvième jour de Novembre de la même année 1341.

Cant.111..

36.

XI.

Erreurs

Rain. 1341.

Vading.

Leon roi d'Armenie fatigué par les incurfions des infideles fes voifins qui ravageoient continuellement fon roïaume, envoya deux amballa des Atmedeurs au pape Benoît,dont le premier étoit Daniel niens. frere Mineur, vicaire de fon ordre en Armenie, n. 45. & natif du païs. Ils demandoient du fecours, & le pape leur répondit: Nous avons appris avec eod. n. s. douleur que dans la grande & la petite Armenie plufieurs tiennent &enfeignent des erreurs contre la foi; & fi ce rapport étoit veritable, nous ne pourrions honnêtement fecourir les Armeniens. Pour nous en éclaircir & fatisfaire au devoir de notre confcience, nous avons fait faire une enquête juridique, où plufieurs témoins ont été oüis, & on nous a reprefenté les livres dont fe fervent communément les Armeniens; & ces erreurs ont été prouvées manifeftement. C'est ce que porte la lettre du pape au roi leon, & il Tome XX.

B

7.45.47.

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y joignit un memoire des erreurs en question. AN. 1341. Le pape écrivit aufli au catholique ou patriarche des Armeniens une lettre femblable, où il ajoûte: Nous vous prions d'assembler un concile où vous faffiez condamner ces erreurs, & ordonner que la pureté de la foi foit enseignée chez vous telle que l'enseigne l'église Romaine.Et pour déraciner entierement ces erreurs, on croit qu'il feroit très-utile d'ordonner dans votre concileque vos prélats & votre clergé euffent les livres des decrets, des décretales & des canons que fuit l'églife Romaine, afin que vous fuffiez mieux inftruits de fa foi & de fes obfervances. On voit ici bien clairement combien on eftimoit alors le decret de Gratien & les décretales. La lettre continuë: Nous fommes perfuadez que fi ces erreurs étoient diffipées, les ennemis de la foi ne prévaudroient point contre vous. Enfin il nous paroîtroit expedient que par déliberation du concile on nous envoïât des hommes fçavans & zelez, avec lefquels nous puffions conferer fur ces matieres: & fi nous le jugions à propos, nous vous en envoïerions auffi de notre côté. Les deux lettres au roi & au catholique font du même jour premier d'Août 1341.

Rain. n. 8.

Le memoire contenant les erreurs des Arme

niens porte en fubftance: Notre faint pere le pape Benoît XII. & long-temps auparavant Jean XX. ayant appris qu'en Armenie on enfeignoit diverfes erreurs contre la foi a fait venir en fa prefence plufieurs Armeniens & quelques Latins qui avoient été dans le païs ; & leur a fait prêter ferment de dire verité aux uns par lui-même, aux autres par le cardinal Bernard de faint Cyriaque. On a interrogé par interprete ceux qui ne fçavoient que l'Armenien: on a representé au pape quelques livres Armeniens dont ils fe fervent communément, & on les a foigneufement exa

minez, & de cette enquête redigée par un notaire apoftolique, il réfulte que Armeniens croient AN. 1341. & enfeignent les propofitions fuivantes. Le memoire contient cent dix-fept articles, dont voici ceux qui me paroiffent les plus importans.

Les Armeniens fuivent l'herefie d'Eutychès, 3. 4. 20. & difent que dans l'incarnation la nature humai- 21. 25. 28, ne a été changée en la divinité; mais Dieu, se

lon qu'il le vouloit, paroiffoit avoir un corps humain, quoiqu'il n'en eût point. Ils admet 4. 29. tent toutes les conféquences de cette doctrine, qu'il n'y a qu'une nature en J. C. & que c'est la nature divine qui eft morte. Ils rejettent le concile de Calcedoine comme ayant corrompu la foi des premiers fiecles; & par conféquent ils hono- 34. 35. 36. rent comme un faint Diofcore qui y fut condamné, & condamnent le pape faint Leon, l'églife Romaine & l'églife Grecque : difant que la vraie 38. 59. églife n'eft que chez eux, & que la rémiffion des pechez ne s'obtient que dans leur églife. C'est pourquoi ils rebaptifent ceux qui viennent à eux des autres communions.

Ils pervertiffent l'adminiftration des facremens. Quoique la plupart baptifent dans l'eau; quelques-uns, bien qu'en petit nombre, baptifent avec du vin ou du lait, & ils ne croient pas qu'un enfant foit bien baptifé, s'il n'a reçu en même temps l'onction du faint chrême, & l'euchariftie. Ce reproche femble fondé fur l'ignorance des Latins, qui ne fçavoient pas alors que pendant plufieurs fiecles on donnoit tout de fuite même aux enfans les trois facremens de baptême, de confirmation, & d'eucharifte; & c'eft peutêtre pourquoi ils difent encore que les Armeniens ne donnent point la confirmation. Car en a. 63. general nos fcolaftiques ne connoiffant ni l'antiquité, ni les traditions des autres églifes, ne raifonnoient fur les facremens que fuivant l'ufage

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