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L 2965

FEB 1 9 1931

JURISPRUDENCE GÉNÉRALE.

RÉPERTOIRE

MÉTHODIQUE ET ALPHABÉTIQUE

DE LÉGISLATION, DE DOCTRINE

ET DE JURISPRUDENCE.

COMPÉTENCE CIVILE DES TRIBUNAUX D'ARRONDISSEMENT ET DES COURS D'APPEL.-1. On désigne sous ce mot la mesure d'attribution dévolue aux tribunaux qui jugent en matière civile. Les juridictions, nous l'avons déjà dit (vo Compét., no 26), se divisent en deux catégories : les juridictions ordinaires, établies pour connaître généralement, en premier ressort, ou en appel, des procès de toute nature; les juridictions spéciales, instituées pour connaître seulement d'un certain genre d'affaires.

Nous allons nous occuper d'abord de la compétence des justices ordinaires en matière civile, c'est-à-dire des tribunaux d'arrondissement et des cours d'appel. Ce sera l'objet du présent traité. L'article suivant sera consacré à la compétence des tribunaux de paix, qui constituent une juridiction spéciale. Quant à la compétence des arbitres, nous n'avons point à nous en occuper ici, non plus que de celle de la cour de cassation; il en a été parlé dans le plus grand détail aux mots Arbitrage et Cassation.

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Compétence en matière d'actions personnelles, réelles et mixtes. Compétence en matière de succession, de société et de faillite.

§ 3. Compétence en matière de garantie, d'élection de domicile, de payement de frais, de reddition de compte. 34.-Compétence en matière d'exécution de jugements et actes, d'offres réelles et de cession de biens.

§ 5.- Compétence en matière de contestations entre étrangers, et entre Français et étrangers.

§ 6. Compétence en matière d'opposition à un mariage, de désaveu, de responsabilité du conservateur des hypothèques, etc. ART. 4.-De la prorogation de la juridiction des tribunaux civils. Demandes reconventionnelles, en compensation, en garantie; demandes incidentes et connexes.

ART. 5.-Compétence relative des diverses chambres des tribunaux d'arrondissement, et compétence particulière du président. CHAP. 2.-COMPÉTENCE DES COURS D'APPEL.

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deux les degrés de juridiction qui, auparavant, étaient ordinalrement au nombre de cinq, et qui quelquefois dépassaient ce nombre. Elle se borna à établir des juges de paix dans chaque | canton, un tribunal civil dans chaque district, des tribunaux de commerce dans les districts pù ils seraient jugés nécessaires, et enfin un tribunal de cassation destiné à assurer l'application uniforme des lois dans toute la France..

3. Aux tribunaux de district, la constitution de l'an 3 substitua un tribunal unique par chaque département, attendu la suppression des districts sous le rapport administratif. Mais cet état de chose fut changé par la constitution de l'an 8 et-par la loi du 27 vent. de la même année. Les départements ayant été divisés en arrondissements de sous-préfecture, ce changement entraina la substitution des tribunaux d'arrondissement, tels qu'ils existent aujourd'hui, aux tribunaux de département institués par la constitution de l'an 3.

4. D'après la loi du 24 août 1790, les tribunaux de district (aujourd'hui d'arrondissement), appelés aussi tribunaux de première instance, parce qu'ils jugent ordinairement en premier ressort, étaient autorisés à connaître, sans appel, des affaires personnelles et mobilières jusqu'à la valeur de 1,000 livres de principal, et des affaires réelles dont l'objet principal était de 50 livres ou au-dessous de revenu, déterminé soit en rente, soit par prix de bail. Quant aux affaires civiles dont l'objet excédait 1,000 liv., ou dont la valeur n'était pas déterminée, les tribunaux n'en connaissaient qu'à la charge de l'appel. Ces dispositions ont été suivies jusqu'à la publication de la loi du 11 avril 1838, qui les a modifiées, comme on le verra tout à l'heure.

Il est à remarquer que l'appel, sous la loi de 1790, était porté, non devant des tribunaux supérieurs, que l'on s'abstint de créer dans la crainte qu'ils ne tendissent à usurper la puissance des anciens parlements, mais devant un des sept tribunaux de district les plus voisins. Ce système ne se maintint pas longtemps. Il fut renversé par la loi précitée du 27 vent. an 8, qui institua des corps de magistrature supérieure, chargés de statuer sur les appels dirigés contre les jugements des tribunaux civils d'arron dissement et des tribunaux de commerce.

5. Suivant une opinion que nous croyons devoir adopter, bien qu'elle soit aujourd'hui vivement contestée, la plénitude de la juridiction civile appartient aux tribunaux de première instance et aux cours d'appel. Ils sont, suivant les expressions de Loiseau (des Offices, liv. 1, ch. 6, no 48), les juges ordinaires des lieux et du territoire, ayant justice régulièrement et universellement sur les personnes et les choses qui sont en icelui. En un mot, ils connaissent naturellement de toutes les matières, sous la seule exception de celles qui sont attribuées expressement à d'autres juridictions (Domat, part. 2, liv. 2, tit. 1, sect. 2)- Les autres tribunaux, auxquels les besoins de la civilisation ont donné nais

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sance, soit qu'on les ait institués pour juger certains genres de procès, soit qu'on ait lin.ité leur competence à des objets d'une somme determinée, n'offrent que des juridictions extraordinaires, dont les attributions exceptionnelles sont dérivées de la juridiction ordinaire. C'est assez dire qu'à cette dernière classe appartiennent les tribunaux administratifs, les tribunaux de commerce et surtout les justices de paix, qui sont à la fois bornés à un genre particulier de causes, et quelquefois, dans ce genre de causes, à une somme fixée. L'art. 4 de la loi du 24 août 1790 manifestait clairement l'intention du législateur à cet égard. « Les juges de district, disait-il, connaîtront en première instance de toutes les affaires personnelles, réelles et mixtes, en toutes matières, excepté seulement celles qui ont été déclarées ci-dessus être de la compétence des juges de paix, les affaires de commerce et le contentieux de la police municipale. » Toutefois, nous le répétons, cette doctrine est fortement attaquée par plusieurs auteurs contemporains; nous essayerons de la justilier ci-après, art. 3, n° 215.

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6. Les règles relatives à la compétence des tribunaux civils dérivent de la nature même des choses. Aussi ne diffèrent-eiles pas beaucoup aujourd'hui de ce qu'elles étaient autrefois. En droit romain, le défendeur à une action personnelle devait être assigné devant le juge de son domicile; il pouvait l'être aussi, dų moins en général, devant le juge dans le ressort duquel l'obligation était née, ou dans le ressort duquel le contrat avait été passé (L. 2. § 4, et 19, § 1, D., De judiciis). Quant, aux actions

réelles, elles devaient être soumises au juge de la situation de l'objet litigieux (L. 3, C. Ubi in rem actio exerceri debeat); mais elles pouvaient l'être aussi, suivant quelques autours, au jugedu domicile du défendeur, au choix du demandeur (Vinnius, sur le § 1, Inst. De actionibus).

7. Dans notre ancien droif, l'ordonnance de 1667 n'avait pas tracé de règles de competeûce. Voici, d'après Rodier, celles qui, dans le silence de la roi, étaient généralement admises : « Toute action personnelle doit être intentée devant le juge du domicile du défendenr, selon celle maxime: Actor sequitur forum rei. Toute action purement réelle doit être intentée devant le jage dans la juridiction duquel les biens qu'on demande sont situes. Ify a encore des actions mixtes, c'est-à-dire qui tiennent du personnel et du réel; et comme la personne est plus noble que la chose, elle décide de la compétence, c'est-à-dire qu'on doit intenter cette action devant le juge du domicile du défendeur: l'action en partage d'une succession ou d'un fonds commun est une action mixte.-Si, en action personnelle, j'ai deux parties à assigner, comme, par exemple, deux cohéritiers qui seront domiciliés en deux differentes juridictions ressortissant à un même sénéchal, je dois les assigner devant le sénéchal comme juge commun; et, par la même raison, s'ils sont domiciliés en deux sénéchaussées différentes, je dois impétrer des lettres pour les assigner au parlement où les deux sénéchaux ressortissent; et si les deux sénéchaux ressortissent en différents parlements, il faut se pourvoir au conseil en règlement de juges, suivant l'ordonnance de 1737 » (Rodier, sur l'art. 1, tit. 6, de l'ord.).

ou verte; En matière de faillite, devant le juge du domicile | du failli; En matière de garantie, devant le juge où la cemande originaire sera pendante; - Enfin, en cas d'élection de domicile, pour l'exécution d'un acte, devant le tribunal du domicile élu, ou devant le tribunal du domicile réel du défendeur, conformément à l'art. 111 du c. civ. »

8. Il y avait exception à ces règles pour les cas très-nombreux où l'une des parties jouissait du privilége de committimus, c'està-dire du privilége de faire juger ses causes devant un tribunal ou une cour déterminés.— Aujourd'hui les priviléges de committimus n'existent plus; et les anciennes règles de compétence ont été simplifiées et complétées de la manière suivante par l'art. 59 c. pr. :— « En matière personnelle, le défendeur sera assigné devant le tribunal de son domicile; s'il n'a pas de domicile, devant le tribunal de sa résidence; - S'il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l'un d'eux, au choix du demandeur; - En matière réelle, devant le tribunal de la situation de l'objet litigieux; - En matière mixte, devant le juge de la situation ou devant le juge du domicile du défendeur; - En matière de société, tant qu'elle existe, devant le juge du lieu où elle est établie; - En matière de succession 1° sur les demandes entre héritiers, jusqu'au partage inclusivement; 2° sur les demandes qui seraient intentées par des créanciers du défunt, avant le partage; 3° sur les demandes relatives à l'exécution des dispositions à cause de mort, jusqu'au jugement définitif, devant le tribunal du lieu où la succession est

9. Depuis la loi de 1790 qui avait fixé à 1,000 liv. la valeur des contestations dont les tribunaux d'arrondissement sont juges souverains, la valeur du numéraire a subi une dépréciation considérable. Cette circonstance a suggéré l'idée d'élever le taux de leur compétence en dernier ressort. C'est ce qu'a fait la loi du 11 avril 1838, dont l'art. 1 est ainsi conçu : « Les tribunaux civils de première instance connaîtront, en dernier ressort, des actions personnelles et mobilières, jusqu'à la valeur de 1,500 fr. de principal, et des actions immobilières jusqu'à 60 fr. de revenų, déterminé, soit en rentes, soit par prix de bail. - Ces actions seront instruites et jugées comme matières sommaires. » - L'art. 2 de la même loi ajoute : « Lorsqu'une demande reconventionnelle ou en compensation aura été formée dans les limites de la compétence des tribunaux civils de première instance, en dernier ressort, il sera statué sur le tout sans qu'il y ait lieu à appel. Si l'une des demandes s'élève au-dessus des limites ci-dessus indiquées, le tribunal ne prononcera, sur toutes les demandes, qu'en premier ressort. — Néanmoins il sera statué en dernier ressort sur les demandes en dommages-intérêts, lorsqu'elles seront fondées exclusivement sur la demande principale elle-même. » Il nous a paru utile de rappeler ces dispositions pour compléter le tableau de la compétence des tribunaux d'arrondissement; mais nous ne nous proposons point de faire ici un examen détaillé des derniers textes que nous venons de citer. Cet examen sera dans cet ouvrage l'objet d'un travail spécial, le traité des Degrés de juridiction, auquel nous renvoyons le lecteur.

10. Les contestations que soulèvent les questions de compétence sont fréquentes et souvent épineuses. Ne serait-il pas pos sible d'en diminuer le nombre ou d'en atténuer les difficultés? L'affirmative nous paraît hors de doute. En matière administrative, il est facile au législateur, aujourd'hui surtout que la jurisprudence a aplani la voie où il doit s'engager, de suppléer enfin à l'insuffisance évidente des textes qui ont si vaguement tracé la ligue séparative des pouvoirs administratif et judiciaire, et qul ont réglé d'une manière non moins défectueuse les attributions respectives des diverses juridictions administratives. Il est également facile, grâce encore au secours qu'offre la jurisprudence, de faire cesser à l'avenir, en matière commerciale, une foule de contestations sur la compétence en donnant des actes de commerce une définition légale, ou du moins une nomenclature plus complète que celle que présente la rédaction actuelle des art. 632 et 633 c. com. Bien plus, nous inclinons à croire, quoique cette idée puisse sembler téméraire, qu'il y aurait utilité, non-seulement pour éviter des procès de compétence d'où dérivent laut de lenteurs et de frais, mais en général pour la bonne administration de la justice, à diminuer le nombre des juridictions actuellement établies. Peut-être serait il à la fois possible et avantageux d'attribuer la connaissance des affaires commerciales et administratives qui réclament aujourd'hui des juridictions spéciales, aux tribunaux d'arrondissement, ou même de constituer un tribunal unique dans chaque département. Ces tribunaux seraient divisés en plusieurs chambres, dont l'une serait chargée des affaires administratives, l'autre des affaires civiles (à l'exception de celles dévolues en dernier ressort aux juges de paix), la troisième des affaires commerciales, la dernière des matières correctionnelles, et à chacune desquelles les contestations de sa compétence seraient renvoyées par une décision préalable et sans appel, espèce de distribution de cause, prise en commun par leurs présidents respectifs. Peut-être ne serait-il pas aussi impossible qu'on pourrait le penser au premier abord, de concilier l'organisation d'un pareil tribunal avec le principe essentiel à maintenir de la division des pouvoirs.-Dans ce système, en effet, la même chambre pourrait, comme aujourd'hui, connaître de plusieurs sortes d'affaires, et il ne serait pas impossible d'y admettre des juges choisis parmi les commerçants et les administrateurs.-Fans ce système encore on réserverait aux préfets le droit d'élever des conflits

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dans les cas assez rares où l'intérêt sérieux de l'État, encore plus que la nature des contestations, lui paraîtrait réclamer l'intervention d'une juridiction particulière et unique qui serait instituée pour le jugement des conflits administratifs. Mais, à supposer que ce principe mit absolument obstacle à cé que les tribunaux administratifs fussent ainsi réunis aux tribunaux civils, ne serait-il pas du moins possible d'opérer cette réunion entre ceux-ci et les tribunaux consulaires; de ne former des uns et des autres qu'un seul corps de magistrature, divisé en plusieurs sections chargées chacune de l'appréciation d'un certain genre d'affaires; d'attribuer aux présidents de ces diverses sections ou chambres le soin de faire entre elles la distribution des causes, suivant leur nature, et d'interdire aux plaideurs toute réclamation contre cette distribution, afin de couper court à beaucoup de difficultés de compétence qui ne servent qu'à compliquer les procès, à en augmenter les frais, à en retarder le jugeinent, et à favoriser par là l'esprit de chicane au détriment du bon droit? Au reste, nous nous bornons à indiquer ici sommairement une opinion à laquelle il serait aisé de donner des développements. On reviendra peut-être sur ces idees, vo Organisation judiciaire.

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11. Ces tribunaux connaissent, comme juges de second degré, 1o de l'appel des sentences des juges de paix, quand elles ne sont pas rendues en dernier ressort; 2° de l'appel dirigé contre les sentences arbitrales rendues sur des matières qui eussent été, soit en premier, soit en dernier ressort, de la compétence du juge de paix. Ils connaissent, comme juges du premier degré, de toutes les contestations qui ne rentrent point dans le domaine des juridictions administratives, et qui n'ont point été formellement attribuées aux juges de paix, aux tribunaux de commerce ou aux prud'hommes. Leur compétence embrasse même les affaires commerciales, lorsqu'il n'existe pas de tribural de commerce dans le ressort (c. com. 640). - Elle embrasse les contestations dévolues par leur nature à des juridictions exceptionnelles, mais qui sont connexes à des affaires ressortissant à la juridiction ordinaire (Req., 29 juin 1820, aff. Fourvigne, V. Compét. des juges de paix), ou que les parties sont convenues de déférer à cette juridiction (Req., 20 avril 1825, V. Arbitr., n° 112); Les demandes en règlement de juges, lorsqu'un même différend est porté devant deux ou plusieurs juges de paix du ressort (c. pr. 363);— Les actions civiles relatives à la perception des contributions indirectes, quelle qu'en soit la valeur (L. 11 sept. 1790, tit. 4, art. 2); - Les difficultés d'exécution de leurs jugements et de ceux rendus, soit par des arbitres, des juges de paix et des tribunaux de commerce, soit par des tribunaux criminels, en ce qui concerne les con(1) Espèce : (Boissy-d'Anglas C. d'Anglas.) Le comte Boissyd'Auglas est propriétaire d'un marais appelé la Souteyrane, et le baron Boissy-d'Anglas, son frere, possède un autre marais voisin appelé l'Hyvernon. Ces immeubles étaient grevés de droits d'usage et de pacage au profit des habitants des communes de Cayla et d'Aimargues. Mais, en 1826, la première de ces communes, dùment autorisée, vendit ses droits aux propriétaires, et l'autre fut actionnée en cantonnement, lequel fut ordonné.

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En oct. 1833, avant que le cantonnement fût définitivement arrêté, un procès-verbal constata un fait de dépaissance dans les deux marais de la part de Gibelin fils. Les frères Boissy-d'Anglas assignèrent, chacun par exploit séparé, Gibelin fils, et son père, comme civilement responsable, devant le juge de paix de Vauvert, pour les faire condamner, envers chacun d'eux, en 100 fr. de dommages-intérêts.

La cause du comte Boissy-d'Anglas fut appelée la première; Paulin d'Anglas déclara etre propriétaire du troupeau à l'occasion duquel le procès-verbal avait été dressé, et demanda à intervenir dans la cause; il soutint, au fond, qu'il avait le droit d'envoyer ses troupeaux sur les marais de la Souteyrane et de l'Hyvernon, en qualité d'habitant de la commune d'Aimargues, usagère. Le 15 nov. 1833, le juge de paix reçut l'intervention, et ordonna que Paulin d'Anglas ferait statuer, avant le 10 décembre suivant, sur le point de savoir si, en qualite d'habitant de la commune d'Aimargues, il avait bien le droit qu'il invoquait. - Les choses se passèrent de la même manière relativement à la demande du baron Boissy-d'Anglas. - Paulin d'Anglas n'ayant pas fait statuer sur son droit de dépaissance, dans le délai fixé, le juge de paix le condanna solidairement avec le père et fils, à 100 fr. de donimages-intérêts envers le comte Boissy-d'Anglas, par jugement du 13 déc. 1833.

damnations civiles (Carré, t. 2, p. 457); Et les actions civiles en réparation du préjudice résultant de crimes ou délits, lorsqu'elles sont formées séparément de l'action criminelle.-V. no 17. En cas de doute sur le point de savoir si une contestation rentre dans les attributions de la justice ordinaire ou d'une juridiction spéciale, c'est en faveur de celle-là que le doute doit être résolu.

Quelque simples que soient ces règles, leur application devient souvent difficile. Aussi s'élève-t-il de fréquents conflits d'attributions entre la compétence civile et les compétences en contact avec elle, sur leurs limites respectives. Nous renvoyons ces difficultés aux sections particulières qui traitent des autres compétences. En décrire exactement la sphère, c'est faire la part des tribunaux civils; tout ce qui n'a pas été transmis à d'autres juridictions leur appartient.

12. Les tribunaux d'arrondissement siégent, comme on vieat de le voir, tantôt comme juges d'appel, tantôt comme tribunaux de premier degré. Il importe de ne pas confondre les attributions qui leur appartiennent en l'une et en l'autre qualité; car, lorsqu'ils prononcent comme juges d'appel, ils n'ont de competence, relativement à la cause qui leur est soumise, que celle du tribunal dont ils ont à apprecier la décision. Ainsi ils ne peuvent, sur l'appel d'une sentence du juge de paix, statuer que sur les demandes et les défenses pour lesquelles ce juge était compétent. Ce principe a été nettement consacré par un arrêt de la cour suprême, dans l'espèce suivante : Une personne, assignée devant le juge de paix en dommages-intérêts pour exercice illicite d'un droit d'usage, soutient qu'elle est fondée en titre, comme habitant de telle commune, à exercer cette servitude. Le juge de paix ordonne que, dans un délai déterminé, elle fera reconnaître par jugement le droit dont il s'agit. Plus tard, et faute par elle d'avoir satisfait à cette prescription dans le délai voulu, le juge la condamne aux dommages-intérêts réclamés. Sur l'appel, le tribunal civil infirme cette condamnation, sur le motif que, sans examiner si l'appelant avait, comme habitant de la commune usagère, le droit de servitude dénié, il est constant, du moins, qu'il a ce droit, en vertu d'un titre particulier dont il a excipé pour la première fois en appel. - Cette décision a été justement annulée par la cour de cassation, attendu que le tribunal dont elle émanait, en se déclarant compétent pour apprecier les titres des parties, et prononcer sur le fond de leurs droits, quoique le juge de paix fùt sans pouvoir pour se livrer à une pareille appréciation, avait méconnu les règles de sa compétence, et confondu celle qui lui appartenait comme tribunal d'appel, avec celle qui lui appartiendrait comme tribunal de première instance; et que, d'ailleurs, en prononçant sur le fond du droit réclamé par l'appelant, il avait statué en dernier ressort sur une matière excedant sa compétence, et privé les parties d'un degré de juridiction (Cass., 11 avril 1837; ch. réun., cass., 26 déc. 1843) (1). 13. Il est sans difficulté qu'un tribunal de première instance Paulin d'Anglas et Gibelin interjetèrent appel. Paulin d'Anglas reproduisit les conclusions qu'il avait prises devant le juge de paix. De leur côté, les sieurs Boissy d'Anglas, sans dénier a Paulin d'Anglas le droit de la dépaissance qu'il invoquait, demandérent à prouver que le troupeau dont il s'agissait au procès appartenait au moment du délit a Gibelin père. Cette preuve fut ordonnée par un jugement interlocutoire du 26 déc. 1834, ainsi conçu : - « Attendu que Paulin d'Anglas soutient qu'il est propriétaire du troupeau, comme fermier d'un domaine dans le terrain d'Aymargues et habitant cette commune; qu'il est reconnu qu'en cette qualité son troupeau aurait été introduit avec droit sur la propriété de MM. d'Anglas; Mais attendu que ceux-ci soutenant que le trou peau n'appartient point à Paulin d'Anglas, et qu'il appartient au contrair à Gibelin pere, cité devant le juge de paix, et qu'ils offrent de le prouver, il y a lieu, avant de statuer, d'admettre les parties à la preuve des faits respectivement allégués; - Avant de statuer définitivement sur l'appel, tous droits moyens et exceptions réservés, admet MM. Boissy-d'Anglas à prouver par témoins que Gibelin père est le propriétaire du troupeau, etc... L'enquête constata que le troupeau appartenait à Paulin d'Anglas. Le débat s'engagea au fond, et l'exception de propriété du droit de dépaissance invoqué par Paulin d'Anglas, et que celui-ci appuyait, en outre, d'une transaction passée entre ses auteurs et les communes d'Aymargues et de Cayla, fut accueillie par jugement du 23 janv. 1835, ainsi conçu : « Attendu que, par la transaction du 14 janv. 1669, passée devant MM. Lautin et Augier, notaires au Cayla, entre Louis de Baschy et les communes d'Aimargues et du Cayla, il fut convenu que M. Louis de Baschy et ses représentants et fermiers auraient le droit de faire pacager leurs troupeaux, depuis le 1er septembre jusqu'au dernier jour de février

ne saurait se constituer juge d'appel d'une sentence qui ne lui a point été déférée. Par exemple, un tribunal saisi d'une contesta

de chaque année;... - Attendu que, sans examiner en l'état si, comme habitant d'Aimargues, Paulin d'Anglas avait ou non le droit de faire paître son troupeau dans le terrain dont il s'agit, il est constant qu'il était autorisé à jouir de ce droit de pacage, comme fermier de M. de Turenne, successeur de Louis de Baschy, avec qui fut passée la transaction précitée; -Qu'il importe peu que la commune du Cayla ait renoncé, en faveur de M. Boissy-d'Anglas, au droit que l'adjudication ci-dessus rappelée lui avait réservé, puisque cette renonciation n'est pas opposable à Paulin d'Anglas, comme fermier de M. de Turenne qui a un titre particulier dans ladite transaction, indépendamment du droit commun des habitants du Cayla; Attendu qu'il a été vainement prétendu que le troupeau gardé par Gibelin fils n'appartient pas à Paulin d'Anglas; que le contraire résulte de l'enquête à laquelle il a été procédé; qu'il suffirait, d'ailleurs, que le troupeau fùût attaché à la propriété dont il est fermier, pour qu'on ne pût pas l'empêcher de jouir du droit de pacage contesté; Attendu que si le juge de paix de Vauvert, ainsi qu'il l'avait reconnu, était incompétent pour apprécier les titres dont excipe Paulin d'Anglas, et si, faute par ce dernier d'avoir fait reconnaitre son droit devant les tribunaux compétents, dans le délai qu'il lui avait accordé, il avait dû, comme il le fit, ne pas se livrer à l'examen de ces titres, et n'examiner que la possession de Boissy-d'Anglas, néanmoins le tribunal, compétent pour examiner ces titres et reconnaître les droits du sieur d'Anglas, peut, en retenant la cause, statuer sur ce droit... Par ces motifs, déboute Boissy-d'Anglas, etc. »

Pourvo: pour violation du décret du 1er mai 1790, des art. 9 et 12, tit. 3, et de l'art. 4, tit. 4, de la loi du 24 août 1790; et fausse application de l'art. 473 c. pr., en ce que le tribunal de Nîmes, en statuant sur les jugements rendus par le juge de paix de Vauvert, a prononcé sur une question de servitude qui sortait de la compétence du premier juge. On a dit pour le demandeur: Il est de principe que les appels se jugent dans l'état où la cause s'est présentée en première instance (Carré, Tr. des lois de l'organ. judic., vol. 4, quest. n° 285). Or le tribunal de Nîmes a confondu les attributions qui lui sont conférées, comme juge d'appel, avec celles qui lui appartiennent comme juge de première instance; oubliant qu'il siégeait comme juge d'appel, il a statué en qualité de juge de première instance; il a statué sur une question de servitude qui n'était nullement de la compétence du juge de paix; bien plus, il a statué sur cette question en dernier ressort, quoiqu'elle fût susceptible d'appel, ce qui dépouillait le demandeur d'un degré de juridiction. — Vainement on opposerait que le tribunal de Nîmes pouvait statuer comme il l'a fait, à raison de ce que la question de servitude lui a été proposée comme exception, s'il est de principe que les juridictions ordinaires peuvent connaître de toutes les exceptions qu'on oppose devant eux, à moins que le jugement n'en soit expressement attribué à d'autres juges; il est de principe aussi que la juridiction extraordinaire ne doit connaître que des matières qui lui sont dévolues par la loi (Henrion de Pansey, de l'Autorité judic., chap. 17 et 18; Carré, Lois de l'organ. judic., vol. 4, no 322), c'est-à-dire qu'elle ne peut pas connaître des exceptions, des incidents, et qu'elle ne pourrait juger sur une action principale. Arrêt.

LA COUR; Vu les art. 9 et 12, tit. 3, et l'art. 4, tit. 4, de la loi du 24 août 1790; Attendu que les demandes formées par le comte et le baron Boissy-d'Anglas devant le juge de paix du canton de Vauvert avaient pour objet la condamnation de 100 fr., à titre de dommages-intérêts pour la dépaissance exercée sur les marais dont ils étaient propriétaires; que ce juge était incompétent pour connaitre du fond du droit prétendu par Paulin et pour apprécier les titres des parties; que cette incompétence a été reconnue par le jugement du 15 nov. 1833, qui a ordonné que Paulin ferait statuer par les juges compétents sur le droit qu'il réclamait, avant le 10 décembre suivant;

Attendu que la compétence du juge de paix déterminait celle du tribunal de Nimes, saisi des appels interjetés par Gibelin et Paulin; que ce tribunal, statuant comme juge d'appel, ne pouvait prononcer que sur les demandes et défenses pour lesquelles ce juge était competent;

Attendu qu'en décidant qu'il était compétent pour apprécier les titres des parties et prononcer sur le fond de leurs droits, quoique le juge de paix fût incompétent pour se livrer à une pareille appréciation, le tribunal de Nimes a méconnu les règles de sa compétence, et a confondu celle qui lui appartenait comme tribunal d'appel avec celle qui lui appartiendrait comme juge de première instance; que la première est réglée par l'art. 12, tit. 3, de la loi du 24 août 1790, et la seconde par l'art. 4, tit. 4, de la même loi; Attendu qu'en prononçant sur le fond du droit réclamé par Paulin, le jugement dénoncé a statué en dernier ressort sur une matière qui excédait sa compétence, et a privé les parties d'un degré de juridiction; Du 11 avril 1837.-C. C., ch. civ.-MM. Dunoyer, f. f. de pr.-Tripier, rap. -Tarbé, av. gén., c. conf.-Galisset, av.

· Casse.

La cause ayant été renvoyée devant le tribunal de Montpellier, les sieurs Boissy-d'Anglas ont décliné la compétence de ce tribunal, comme ils avaient décliné celle du tribunal de Nimes, pour connaître de l'exception préjudicielle de propriété soulevée par Paulin d'Anglas; et, dans tous les cas, ils ont de nouveau offert de prouver que le véritable propriétaire du troupeau était Gibelin père,

tion née sur l'opposition à une contrainte décernée par la régk de l'enregistrement, pour le payement d'une amende prononcée Un jugement du 31 déc. 1838 a rejeté ce déclinatoire : : - « Attendu que lors du jugement du tribunal de Nîmes, du 26 déc. 1834, il fut reconnu par MM. Boissy-d'Anglas que l'appelant aurait introduit à bon droit, sur le terrain dont s'agit, un troupeau dont il aurait été propriétaire ; que l'on se borna à soutenir que Paulin d'Anglas n'était pas propriétaire du troupeau trouvé en dépaissance; que le droit se trouve ainsi établi;—Attendu que les sieurs Boissy d'Anglas soutinrent que le troupeau était la propriété de Gibelin père, et demandaient à en faire la preuve qui fut autorisée par le tribunal; Attendu qu'en prononçant la cassation du jugement définitif, la cour suprême n'a annulé que ce seul jugement, n'a remis les parties qu'au même état où elles étaient avant qu'il n'eût été rendu, par où le jugement du 26 déc. 1834 a été maintenu et subsiste encore avec tous ses effets; qu'il n'y a pas lieu d'accueillir les exceptions proposées aujourd'hui par les sieurs Boissy d'Anglas, et qu'il y a lieu seulement de les admettre à la preuve ordonnée par le jugement de 1834. »

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Pourvoi des sieurs Boissy-d'Anglas fondé de nouveau sur la violation des art. 9 et 12, tit. 3 de la loi des 16-24 août 1790, de l'art. 451 c. pr., et fausse application des art. 1351 et 1358 c. civ., en ce que le tribunal civil de Montpellier, saisi par voie d'appel d'une sentence de juge de paix, était incompétent, aussi bien que ce juge de paix, pour connaitro de la question préjudicielle de propriété du droit de dépaissance soulevée par Paulin d'Anglas, même alors que le tribunal, sans se livrer à une appréciation de titres, comme l'avait fait le tribunal de Nîmes, se bornaità rechercher la solution de cette question, dans le seul point de savoir si le troupeau en dépaissance appartenait à Paulin d'Anglas ou à Gibelin.L'admission de cette preuve, disait-on, tendait toujours à résoudre une véritable question de propriété. Or une telle question sortait des limites de la compétence du juge de paix, et, par suite, de celle du tribunal saisi de l'appel de la sentence de ce juge. Vainement le jugement attaqué semble-t-il avoir cherché a convertir la difficulté du procès en une difficulté de fait, sous prétexte que lors du jugement interlocutoire de déc. 1834 les sieurs Boissy-d'Anglas auraient considéré la propriété du droit de dépaissance comme établie en faveur de Paulin d'Anglas, s'il prouvait sa qualité de propriétaire du troupeau. Cet interlocutoire ne liait pas le jugo relativement à la décision du fond du procès, et d'ailleurs, tous les droits, moyens et exceptions des parties y avaient été réservés.-Arrêt.

LA COUR; Vu les art. 9 et 12, tit. 3, et l'art. 4, tit. 4, de la loi du 16 août 1790, laquelle régissait la cause ;-Attendu, en droit, qu'aux termes des articles précités de ladite loi; les juges de paix ne pouvaient connaître des causes personnelles et mobilières, sans appel, que jusqu'à la valeur de 50 liv. et jusqu'à la valeur de 100 liv. à charge d'appel; que, par conséquent, ils sont incompétents pour prononcer sur des questions relatives à des droits immobiliers; qu'il suit de là que, lorsque des questions de cette nature se présentent devant eux, à titre d'exception, contre une action dont ils sont compétemment saisis, ils doivent surseoir au jugement du procès et renvoyer la partie qui oppose cette exception préjudicielle à se pourvoir, dans un délai déterminé, devant la juridiction compétente, pour prononcer sur cette exception ; —Attendu que les tribunaux civils investis par l'art. 4, tit. 4, de ladite loi des 16 et 24 août 1790, du droit de prononcer en dernier ressort sur les appels interjetés des jugements rendus par les juges de paix, n'ont point, comme juges d'appel, une compétence plus étendue que celle des juges de paix, dont les jugements leur sont déférés ;

Altendu, en fait, que les actions intentées par le comte et par le baron Boissy-d'Anglas devant le juge de paix du canton de Vauvert, avaient pour objet la condamnation à 100 fr. de dommages-intérêts, à raison de faits de dépaissance constatés par procès-verbal du garde champêtre, exercés, savoir le 8 oct. 1833, sur le marais d'Hyveron, appartenant au comte Boissy-d'Anglas, et le 28 du même mois, sur le marais de la Souteyranne, appartenant au baron Boissy-d'Anglas; Attendu que les faits de dépaissance dont il s'agit étaient imputés à Gibelin fils, comme ayant été trouvé faisant paître son troupeau sur les marais ci-dessus désignés, et à Gibelin père, comme propriétaire du troupeau et civilement responsable du domniage; - Attendu que Paulin d'Anglas est intervenu dans l'instance, en se prétendant propriétaire du troupeau trouvé en dépaissance, et a excipé du droit qu'il prétendait avoir d'user de cette dépaissance en qualité d'habitant de la commune d'Aymargues, avec laquelle il n'y avait pas encore eu de cantonnement de réglé ; qu'il a conclu, en conséquence, au renvoi devant les juges compétents, pour êtro par eux statué sur cette question préjudicielle; - Attendu que le juge de paix était, en effet, incompétent pour connaître du fond du droit prétendu par Paulin d'Anglas; que cette compétence a été déclarée par jugement dudit juge de paix du 15 nov. 1833, lequel a ordonné que ladit Paulin serait tenu de former son action, avant le 10 déc. 1833, devant les juges compétents, sur le droit par lui réclamé, faute de quoi il serait statué sur la demande en dommages-intérêts;

Attendu que l'exception proposée constituait une exception tirée da droit de propriété qui se confondait avec celle proposée devant le juge de paix du canton de Vauvert qui s'était déclaré incompétent pour en counaitre; que le tribunal de Nimes, appelé à statuer sur l'appel interjeté par

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