Page images
PDF
EPUB

blafon des armoiries pleines & des armoiries brisées : les armoiries pleines font le partage du feul aîné d'une maifon noble, & tous les autres les doivent différencier en quelque chofe pour marquer qu'ils ne font que puînés & cadets.

D. Pourquoi cela?

R. Pour obferver dans les grandes maifons l'ordre des fubftitutions & des degrès directs ou collateraux, afin que l'ordre de ces fubftitutions ne puiffe être troublé.

D. Comment fe pratiquent ces différences ?

R. De plufieurs manières : 1. en ajoûtant quelques piéces aux armoiries qui ne les altèrent point, comme un lambel, une étoile, un annelet, une bordure, une bande, un bâton une cottice, &c.

D. Donnez-m'en des exemples?

R. Très-volontiers: Nous avons en France Monfeigneur le Dauphin qui, pour fe diftinguer du Roi, écartèle les armoiries de France des armoiries de Dauphiné.

Monfeigneur le Duc de Bourgogne écartèle de Bourgogne ancien. Monseigneur le Duc d'Anjou

K

d'une bordure de gueules. Monfeigneur le Duc de Berry, d'une bordure engrêlée.

Monfeigneur le Duc d'Orleans d'un lambel d'argent.

Monfeigneur le Prince, d'un bâton alezé de gueules entre les trois fleurs de lys.

Monfeigneur le Prince de Conti ajoûtoit pour fubrifure une bordure de gueules,

Quelques puînés brisent en écartelant des armoiries de leurs mères.

D'autres en changeant les émaux ou couleurs de quelques piéces du blafon, D'autres en retranchant quelques piéces.

Enfin tout ce qui met quelque différençe aux armes pleines eft censé brifure. Il y en a quelques-uns qui altèrent les piéces principales, comme dans la maifon de Loras en Dauphiné dont les armoiries font de gueules à la fasce lozangée d'or & d'azur.

Une branche au lieu d'une fafce porte une bande lozangée & une autre écartélé de toutes les deux.

D. Vous avez dit, ce me femble, que Monfeigneur le Dauphin & Monfeigneur le Duc de Bourgogne brifent les armoiries de France.

R. Il eft vrai; & j'ai autrefois fait imprimer une lettre ou differtation en forme de lettre fur ce fujet, que je veux vous répéter pour votre instruction,

MONSI

ONSIEUR,

Puifque vous defirez de fçavoir quel eft mon fentiment touchant la manière dont Monfeigneur le Duc de Bourgogne doit porter fes armoiries, je vous répondrai felon les maximes & les loix de la science héraldique, qu'il les doit porter écartelées de France & de Bourgogne : & voici les raifons fur lefquelles j'appuie mon sentiment.

La première eft qu'il y a une grande différence entre les armoiries des Etats & celles des Maifons: les armoiries des Etats ne conviennent uniquement qu'à celui qui eft chef & fouverain de l'Etat, de quelque manière qu'il le foit, ou par élection, ou par droit de fucceffion ou par conquête.

Ainfi le feul Empereur porte les armoiries de l'Empire ce que fes enfans ne peuvent faire, parce qu'ils ne font pas Empereurs: ils peuvent porter les armoiries d'Autriche, de Hafpourg, de Stirie, de Carinthie & des

autres pays héréditaires qui font cenfés bien affectés à leur maison: mais l'aigle à deux têtes ne convient qu'au feul Empereur. Le Roi des Romains, quoiqu'héritier préfomptif de l'Empire, auquel il doit fuccéder, la porte d'une feule tête.

A l'égard de celles de France, le Roi feul les peut porter pleines, comme feul Souverain : & cela eft fi conftant qu'avant S. Louis, qui fixa les fleurs de lys pour tous les Princes du fang royal ayec différentes brifures, tous les Princes du fang de France ne portoient auparavant que les armoiries de leurs apanages: Robert de France, fils du Roi le Gros, porta les armoiries de Dreux avec le titre de Comte;& Pierre de France,fon frère, les armoiries & le titre de Courtenai.

Les anciens Ducs de Bourgogne, quoique defcendus d'un Roi de France, n'en prirent jamais les armoiries.

Olivier de la Marche, qui fut au fervice des derniers, & qui a écrit leur hiftoire, dit en l'introduction de cette histoire, parlant des armoiries de Philippe le Hardi, fils du Roi Jean: (Si prit le Duc Philippe le Hardi les armes de Bourgogne, qui font de fix piéces d'or & d'azur,en bandes bordées de gueules,

& les écartela de France en chef, femé de fleurs de lys: car j'ai fçu par Messire Jean de S. Remi, Chevalier, du temps qu'il fut Roi d'armes de la toifon d'or, & l'un des renommés en l'office d'armes de fon tems, que tous les fils de France doivent porter femé de fleurs de lys, & n'appartient à nul d'apporter les trois fleurs de lys feulement, finon à celui qui eft Roi de France ou l'héritier apparent portant des lambeaux.)

Voilà la décision du cas propofé, puifque l'héritier apparent doit porter les lambeaux, comme les portent l'Infant aîné d'Espagne, l'Infant de Portugal, & le Prince de Piémont, fils aïné de la Royale Maison de Savoye.

On a quitté en France les lambeaux pour les enfans aînés, parce que l'écartelure des armoiries de Dauphiné a fait une différence notable, felon Jean de S. Remi, qui dit parlant des lambeaux: » Si la différence n'eft fi grande en << l'écu qu'elle foit à tous manifefte & « connoiffable. »

,

Avant la donation du Dauphiné,Jean de France, fils de Philippe de Valois portoit le titre de Duc de Normandie & écarteloit de Normandie, comme on voit encore à Chartres fur des ornemens d'Eglife. K iij

« PreviousContinue »