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La première discussion ouverte sur ces propositions révéla qu'aucune d'elle ne répondait pleinement aux vœux de la Commission. Celle-ci manifesta alors la volonté d'établir elle-même un texte complet qui serait, en son nom, proposé à la Chambre. Mais, dans une matière aussi délicate, où tant de questions graves et complexes se posaient, il était indispensable qu'un plan de discussion clair et méthodique, fût arrêté d'abord, selon lequel la Commission pourrait discuter et faire connaître ses vues sur chacune des difficultés essentielles du problème à résoudre.

Le rapporteur provisoire proposa aux délibérations de ses collègues le plan suivant qui fut adopté à l'unanimité :

1° Le projet devra-t-il se borner à établir un régime de séparation des Eglises et de l'Etat à l'exclusion de toute disposition concernant les congrégations?

2o Le projet s'inspirera-t-il exclusivement du droit commun ou bien édictera-t-il, au moins à titre transitoire, des mesures de précaution dans l'intérêt, à la fois de l'Etat et de l'Eglise ?

3o Les associations constituées en vertu de la loi de 1901 pour assurer l'exercice des différents cultes auront-elles la faculté:

a) De se fédérer entre elles régionalement et nationalement?

b) De recevoir des dons de l'Etat, des départements et des communes?

4° A quel régime seront soumis les édifices publics affectés au culte ?

5o Le projet abrogera-t-il toutes les législations antérieures par une seule disposition générale ou

devra-t-il, par des articles spéciaux et précis, régler chaque point particulier ?

Après avoir discuté longuement et minutieusement sur chacune des questions posées, la Commission se détermina dans le sens de l'affirmative sur la première. Le projet à rédiger ne devait contenir aucune disposition relative aux congrégations.

Sur la deuxième, il fut décidé à l'unanimité que le régime de séparation devrait être établi selon « la liberté la plus large dans le droit commun ; qu'il convenait de s'en écarter que le moins possible et seulement dans l'intérêt de l'ordre public ».

Sur la troisième, la Commission conclut au droit pour les associations cultuelles de s'organiser en fédérations régionales et nationales. Elle se prononça contre toute subvention de l'Etat au profit des cultes, mais elle ne put formuler une opinion sur le droit à accorder ou à refuser aux départements et aux communes de subventionner les églises. Treize de ses membres avaient voté pour l'affirmative et treize

contre.

Il fut également impossible à la Commission d'émettre un avis formel sur les deux dernières questions posées.

Elle décida alors de s'en remettre à son rapporteur provisoire du soin de rédiger, en tenant compte des indications recueillies au cours des dernières discussions, un avant-projet complet qui servirait de base aux délibérations ultérieures.

Ainsi fut-il fait. Et cet avant-projet, après des débats nombreux et approfondis au cours desquels plusieurs dispositions furent amendés sur les propositions de membres tant de la majorité que de la minorité, fut finalement adopté en première lecture par la Commission. En voici le texte :

Premier texte de la Commission

TITRE I

Principes.

ARTICLE PREMIER

La République assure la liberté de conscience.

Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions ci-après, dans l'intérêt de l'ordre public.

ART. 2.

La République ne protège, ne salarie, ni ne subventionne, directement ou indirectement, sous quelque forme et pour quelque raison que ce soit, aucun culte.

Elle ne reconnaît aucun ministre du culte.

Elle ne fournit, à titre gratuit, aucun local pour l'exercice d'un culte ou le logement de ses ministres.

TITRE II

Abrogation des lois et décrets sur les cultes. Dénonciation du Concordat. Liquidation.

ART. 3.

A dater de la promulgation de la présente loi, la loi du 18 germinal an X est abrogée; la Convention passée à Paris, le 26 messidor an IX, entre le Gouvernement français et le Pape Pie VII est dénoncée.

Sont également abrogés : le décret-loi du 26 mars 1852 et les arrêtés du 10 septembre 1852 et du 20 mai 1853; la loi du 1er août 1879, les décrets des 12-14 mars 1880, 12-14 avril 1880 et 25-29 mars 1882; les décrets du 17 mars 1808 relatifs à l'exécution du règlement du 10 décembre 1806; la loi du 8 février 1831 et l'ordonnance du 24 mai 1844.

ART. 4.

L'ambassade auprès du Vatican et la direction des Cultes sont supprimées.

ART. 5.

A partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la pré

sente loi seront et demeureront supprimés toutes dépenses publiques pour l'exercice ou l'entretien d'un culte; tous traitements, indemnités, subventions ou allocations accordés aux ministres des cultes, sur les fonds de l'Etat, des départements ou des com

munes.

ART. 5 bis.

Les sommes rendues disponibles par la suppression du budget des cultes seront employées à la détaxe de la contribution foncière des propriétés non bâties, à la culture desquelles participent effectivement les propriétaires eux-mêmes.

Seront appelées à bénéficier de la remise les cotes uniques ou totalisées qui ne sont pas supérieures à 40 francs, à la condition que la part revenant à l'Etat sur la contribution personnelle mobilière, à laquelle sont assujettis les contribuables dans leurs diverses résidences, ne dépasse pas 25 francs.

ART. 6.

A partir de la même date, cessera de plein droit l'usage gratuit des édifices religieux cathédrales, églises paroissiales, temples, synagogues, etc., ainsi que des bâtiments des séminaires et des locaux d'habitation : archevêchés, évêchés, presbytères, mis à la disposition des ministres des cultes par l'Etat, les départements ou les communes.

ART. 7.

Les biens mobiliers et immobiliers appartenant aux menses épiscopales ou curiales, aux fabriques, consistoires ou conseils presbytéraux et autres établissements publics des différents cultes seront, dans un délai de six mois, à partir de la promulgation de la présente loi, répartis par les établissements précités, existant à cette date, entre les associations formées pour l'exercice et l'entretien du culte dans les diverses circonscriptions religieuses. Cette répartition ne donnera lieu à la perception d'aucun droit au profit du Trésor.

Les biens immobiliers qui proviennent de dotations de l'Etat feront retour à l'Etat.

ART. 7 bis.

Les biens appartenant aux fabriques, consistoires ou conseils presbytéraux, qui ont été spécialement affectées par l'auteur d'une libéralité à une œuvre de bienfaisance seront, dans le délai de six mois, attribués par les établissements précités, soit aux bureaux de bienfaisance, soit aux hospices, soit à tous autres établissements de bienfaisance publics ou reconnus d'utilité publique.

Le choix de l'établissement bénéficiaire de la dévolution devra être ratifié par le Conseil d'Etat, s'il est conforme à la volonté du donateur ou du testateur. Cette attribution ne donnera lieu à aucun droit au profit du Trésor.

ART. 8.

Aux ministres des cultes, actuellement en exercice, archevêques, évêques, curés, vicaires, desservants, aumôniers, pasteurs, rabbins, présidents de consistoires, inspecteurs ecclésiastiques, suffragants et vicaires des églises réformées et de la Confession d'Augsbourg; directeurs et professeurs de séminaires, doyens et professeurs des Facultés de théologie, etc., qui auront au moins quarante-cinq ans d'âge et vingt ans de fonctions rémunérées par l'Etat, les départements ou les communes, il sera alloué une pension viagère. Réserve est faite des droits acquis en matière de pension par application de la législation antérieure.

ART. 9.

Cette pension, basée sur le traitement et proportionnelle au nombre des années de fonctions rétribuées par l'Etat, les départements et les communes, ne pourra être supérieure à 1.200 francs.

Elle ne pourra, en aucun cas, dépasser le montant du traitement actuel de l'ayant droit, ni se cumuler avec toute autre pension ou tout autre traitement à lui alloué à un titre quelconque par l'Etat, les départements ou les communes.

ART. 10.

Le payement des pensions ecclésiastiques aura lieu par trimestre. La jouissance courra au profit du pensionnaire du premier jour de l'exercice qui suivra la promulgation de la présente loi. Les arrérages des pensions inscrites se prescrivent par trois ans. La condamnation à une peine afflictive et infamante entraîne de plein droit la privation de la pension. Les pensions et leurs arrérages sont incessibles et insaisissables, si ce n'est jusqu'à concurrence d'un cinquième pour dettes envers le Trésor public et d'un tiers pour les causes exprimées aux articles 203, 205 et 214 du Code civil.

TITRE III

Propriété et location des édifices du culte

ART. 11

Les édifices antérieurs au Concordat qui ont été affectés à l'exercice des cultes ou au logement de leurs ministres, cathédra

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