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force et impressions ci-dessus déclarées, que ce n'était point leur intention de juger les procès conformément au Concordat, mais de garder, observer comme auparavant les saints décrets de la pragmatique sanction, dont le procureur du roi aurait appelé, tant pour et au nom de la Cour, que de tous les sujets du royaume; la Cour adhérant à ce premier appel et y persistant, appelle de nouveau au pape mieux informé, au premier concile général et à celui et à ceux auxquels il appartiendra. »

Si le Concordat, contre lequel le pouvoir laïque et national protesta dans les termes que nous venons d'indiquer, favorisa l'existence d'un épiscopat de courtisans, il y eut cependant dans le clergé français une majorité d'évêques et de prélats attachés aux libertés gallicanes, qui unirent leur protestation à celle de l'Université et du Parlement. Il suffit de lire les Mémoires du Clergé pour en être convaincu. On y voit que « l'Eglise de France n'a jamais approuvé le Concordat de 1516, et ne le reconnaît pas comme règle de discipline ».

Mais un nouveau fait va contribuer à atténuer, pour un temps assez long, les protestations du clergé gallican. Les abus de la Cour de Rome, les vices et les dépravations du clergé de la Renaissance italienne, la domination envahissante de la papauté avaient permis aux tendances des chrétiens évangéliques de se traduire dans une doctrine nouvelle, qui va avoir ses savants, ses héros et ses martyrs. Le protestantisme profite du besoin général qu'on avait au XIVe siècle d'une vie religieuse plus réelle et plus profonde que celle du catholicisme romain, immobilisée dans le dogme et dans la pratique minutieuse de cérémonies dont le sens échappait à la plupart de ceux qui s'y soumettaient par contrainte. La religion avait été transformée par les papes en un simple moyen de

gouvernement; Luther affranchit la conscience. En vingt années, la moitié de la chrétienté rompt avec le chef et les dogmes du catholicisme.

Il y eut un protestantisme français. Il naquit parmi les humanistes, impressionnés par la lecture de l'Evangile, retrouvé parmi les textes de l'antiquité grecque et latine. « Ils étaient habitués à un culte qui attribuait une importance capitale aux observances, aux rites, aux pratiques, qui réclamait leurs dévotions pour la vierge, les saints et les saintes; ils lisent le texte même du Nouveau Testament et tout disparaît: il ne reste que Jésus-Christ: lui, toujours lui! »

Le clergé gallican se sentit anéanti par le développement de l'idée évangélique et le résultat fut qu'il resserra ses liens avec Rome. On le verra bientôt lorsqu'il s'agira de « recevoir » en France les décrets du concile de Trente.

Ce concile avait été réuni, sur l'initiative de la papauté, pour tenter de rétablir l'unité brisée de l'Eglise catholique (1545-1563). On s'attacha, d'une part, à maintenir la pureté du dogme, et, d'autre part, à rétablir la discipline au sein du clergé et à en réformer les mœurs. Pour donner aux décrets de ce concile une force incontestée,on décida que les décrets concernant le dogme exigeraient la foi et que seraient déclarés hérétiques ceux qui se refuseraient à y souscrire. Outre ces graves décisions, le concile avait également décidé que le jugement des évêques serait réservé au pape, que les juridictions ecclésiastiques conserveraient la faculté de prononcer des peines temporelles amende ou emprisonnement et que leurs privilèges seraient maintenus aux ordres religieux.

La réception » du Concile des Trente en France. occasionna de multiples péripéties. On examina la question en conseil du roi. Les décrets furent vivement critiqués par le chancelier de l'Hopital qui les

accusait de « trahir les libertés de l'Eglise gallicane ». Catherine de Médicis, alors régente, qui voulait ménager les Huguenots, promit « de faire exécuter le Concile en particulier, sans le publier en général ». Cette réponse politique marque le début des guerres de religion.

Elles avaient eu déjà leurs prodromes tragiques. A Paris, les premiers bûchers furent montés de 1525 à 1528, bien avant, par conséquent, le Concile des Trente. François Ier, qui venait d'unir son action à celle de la papauté, était hésitant. Le 24 juin 1539, on publie l'édit général contre les luthériens. Etienne Dolet, condamné comme athée à l'occasion d'un dialogue de Platon, monte au bûcher le 3 avril 1546; la chambre ardente, instituée sous Henri II pour expédier les procès d'hérésie, émet quatre cent trente-neuf sentences, dont soixante condamnations capitales. Et les édits se succèdent. « Le chef-d'œuvre classique, le monument de cette législation est l'édit de Châteaubriant (27 juin 1551), véritable code de la persécution. Tout est réglé dans ces quarante-six articles avec une précision juridique, depuis la surveillance minutieuse de l'imprimerie jusqu'à la dénonciation de ceux qui lisent la Bible. Interdiction de tout emploi public, même d'une place de régent, à quiconque ne produirait pas un certificat de bon catholique; ordre aux procureurs généraux de se livrer à une enquête sur les magistrats et officiers de justice de tout rang, pour sévir contre ceux qui seraient suspects de négligence dans la punition des luthériens; défense aux simples particuliers, que la pitié pourrait égarer, d'adresser aucune supplique ou demande de grâce en faveur d'un hérétique; interdiction, sous les peines les plus graves, de favoriser l'émigration à Genève; « et, pour ce que plusieurs sans aucun savoir, en prenant leurs repas ou bien en allant par les champs, parlent, devisent et

disputent des choses concernant la foy et les cérémonies de l'Eglise et font des questions curieuses et sans fruit; défense à toutes personnes non lettrées, de quelque estat qu'ils soient, de ne faire plus d'ores en avant telles propositions, questions et disputes; commandement très exprès à tous d'aller assidûment à la messe avec due révérence et démonstration ». Enfin, comme sanction, outre les pénalités habituelles, une disposition nouvelle le dénonciateur recevra le tiers des biens confisqués au dénoncé » (1). Il y a plus: un autre édit, celui de Compiègne (1557), unifie la peine ce sera la mort.

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En 1555, l'Eglise réformée de Paris s'était fondée. En mai 1558 elle réunit 5.000 à 6.000 personnes au Pré-aux-Clercs et, dans cette assemblée, on distingua deux neveux du connétable de Montmorency, d'Andelot et l'amiral de Coligny. En 1559, eut lieu le synode des Eglises réformées de France.

Parallèlement à ce mouvement ascendant de l'idée protestante, se produit, au sein du Parlement, un mouvement d'idées qu'il est nécessaire de signaler, car il révèle une nouvelle conception du droit et il prépare les vues juridiques, d'après lesquelles nous envisageons aujourd'hui le problème des rapports de l'Eglise et de l'Etat, du spirituel et du temporel. Le Tiers apparaît, avec ses formes de pensées, ses notions juridiques, sa conception particulière de la vie. C'est Pierre Séguier et de Harlay, à la Chambre de la Tournelle, se refusant à prononcer la peine de mort pour choses de religion. Audacieuse prétention! C'est Anne du Bourg, qui en une séance solennelle des Chambres réunies le roi est présent revendique la liberté de la pensée « Ce n'est pas chose de petite importance de condamner ceux qui, au milieu des flammes,

(1) L'Histoire générale de Lavisse et Rambaud.

invoquent le nom de Jésus-Christ! » Anne du Bourg est envoyé au bûcher.

Après la mort de Henri II, une trève se produit. Les Etats généraux sont convoqués, le Tiers formule ses prétentions : les causes de la détresse publique sont les richesses et le luxe du clergé. Les nobles et les communs sont d'accord pour émettre l'avis que l'on rembourse les dettes publiques, en vendant les biens d'église estimés à 120 millions de livres. Le connétable et le duc de Guise demandent à l'Eglise 15 millions de livres. Elle offre 9 millions 1/2, qui seront payés en six ans et elle remboursera les dettes de l'Hôtel de Ville de Paris. En général, le tiers est favorable aux protestants. Entre les extrêmes, se place le parti des Politiques, qui prépare notre droit moderne. A une époque où catholiques et protestants, d'accord en cela avec l'opinion publique, jugeaient impossible l'existence simultanée dans un pays de deux religions, dès 1504, les Politiques émirent cette idée que le rôle de l'Etat était de garder la neutralité, d'accorder aux deux cultes l'existence légale, et de faire respecter les droits de chacun. Suprême ironie à l'instant où l'on assiste aux massacres de la SaintBarthélemy que célèbre le pape par des actions de grâce, où le dominicain Jacques Clément poignarde le roi Henri III, coupable de faiblesse à l'égard des hérétiques, où Henri IV doit abjurer afin de régner

Le premier acte politique de Henri IV fut de se rêconcilier avec le Saint-Siège, en promettant de « faire observer les décrets du concile de Trente, excepté aux choses qui ne se pourront exécuter sans troubler la tranquillité ». Le deuxième acte fut l'édit de Nantes (13 avril 1598).

Cet édit célèbre, après avoir constaté que le culte catholique était rétabli là où il avait été supprimé et après avoir reconnu au clergé la totalité de ses biens

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