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Quelle ne fut pas la douleur de Calvin en apprenant la triste nouvelle de la chute d'un homme sur lequel il avait fondé tant d'espérances! Il laissa s'épancher son cœur dans une lettre où la sévérité n'est tempérée que par le respect : « Je sçay bien quant à l'acte que vous avez faict que les excuses que vous amenez ont couleur pour amoindrir la faulte en partie. Mais quand vous aurez tout bien considéré de plus près, le tout ne vous peult guère alléger devant Dieu. Car vous sçavez combien de pauvres âmes débiles ont esté troublées d'un tel scandale et combien de gens pourront prendre pied à vostre exemple. Et quand ce mal ne seroit pas d'avoir ruiné ce que vous aviez édiffié, ce n'est pas une offense petite ni légère d'avoir préféré les hommes à Dieu, et pour gratiffier une créature mortelle avoir oublié Celuy qui nous a formés, qui nous maintient, qui nous a rachetés par la mort de son Fils unique, et lequel nous a faits participants de son royaume. Bref, Dieu a esté fraudé en ce que vous avez par trop déféré aux hommes, soit de faveur, soit de crainte ou de révérence. Mais le principal cst que les ennemis de vérité ont eu de quoy faire leurs triomphes, non-seulement d'avoir esbranlé vostre foy, mais d'avoir faict approuver leurs abominations... Ce a doncques esté une chute bien mauvaise, de laquelle il vous doibt souvenir en amertume de cuœur. Je pense bien que cecy vous sera rude de prime face, mais je diray avec Sainct-Paul, que je ne me repentiroy pas de vous avoir contristé, moiennant que ce soit pour vostre salut. Mesmes si vous désirez estre espargné de Dieu, il vous est bon et utile de n'estre point espargné de ceulx auxquels il a remis la charge de vous tirer à repentance (1). »

Macard n'épargna pas non plus les censures à d'Andelot rentrant à Paris, avec une secrète honte et un intime regret, gages d'un prochain relèvement. Il lui transmit la lettre de Calvin, avec des exhortations propres à le faire rentrer en lui

(1) A monsieur d'Andelot (juillet 1558). Lettres françaises, t. II, p. 220, 222. II faut lire en entier cette lettre, chef-d'œuvre d'austère franchise et de chrétienne charité.

même et qui ne furent point stériles. Dans un entretien particulier, qui eut le cardinal de Châtillon pour témoin, il ne craignit pas de mettre le doigt sur la plaie, pareil au médecin qui ne blesse que pour guérir: « D'Andelot met encore en avant de vaines raisons pour excuser son apostasie devant les hommes; mais sa conscience l'accuse devant Dieu (1). Sans la crainte de la mort et l'attrait des honneurs qui le retiennent captif, il n'aurait point pactisé avec les superstitions. Je ne manquerai pas de le revoir dès que j'en aurai le loisir... Je ne vous promets rien des autres prisonniers, si ce n'est que nous travaillons à les soutenir, afin qu'ils ne succombent point, car les rigueurs d'une longue captivité sont faites pour ébranler ceux qui ne sont pas suffisamment affermis en Dieu. » Noble apostolat poursuivi près des échafauds et ne puisant de séductions que dans la vérité ! Il ne s'exerça pas en vain auprès de d'Andelot, âme trop belle pour être ravie à la cause de la Réforme qui ne devait, en ce siècle de foi, manquer ni de héros ni de martyrs! (Suite.) JULES BONNET.

(1) « Scilicet vanas excudit defensiones quibus simulationem suam tueatur apud homines. Interea conscientia ipsum convictum tenet coram Deo. » Rachamus Ĉalvino, 26 julii 1558.

DOCUMENTS INÉDITS ET ORIGINAUX

PROCÈS-VERBAUX

DE LA PROPAGATION DE LA FOY DE MONTPELLIER

(1679)

Le manuscrit dont nous allons résumer l'ensemble sous des chapitres distincts se trouve aux Archives du département de l'Hérault (fonds de l'Évêché). C'est un gros cahier, petit in-folio, papier trèsfort et en fil, comme on le faisait alors.

Sur la couverture en carton assez épais, recouverte de parchemin on lit : « Procès-verbaux des Registres de la propagation de la foy. Janvier 1679. »

La première partie du registre comprend environ 150 pages d'une écriture très-nette, qui annonce la main d'un écrivain formé pour des transcriptions de ce genre. Nous avons cru reconnaître la même écriture dans plusieurs copies des procès-verbaux des états de Languedoc, et comme le greffier des états était membre de la propagation, il ne serait pas étonnant qu'il se fût chargé de la rédaction du registre, en employant la main d'un de ses copistes.

Nous disons la main d'un de ses copistes en effet, à l'inspection du manuscrit il est aisé de voir qu'une seule main a tracé ces pages. A la séance du 3 septembre 1681, la dernière transcrite, on lit: « M. Girard a porté le registre des délibérations et de tout ce qui s'est fait dans les assemblées depuis son établissement jusqu'à présent qui a été mis au net; il a été délibéré d'expédier mandement de 20 francs pour les peines et vacations de celui qui l'a copié. »

La société était très-parcimonieuse; elle économisait sans doute ses finances dans l'intérêt des nouveaux convertis; l'écrivain qui a rempli ces nombreuses pages a dû employer plus d'un long mois en y travaillant dix heures par jour; car le soin, la netteté, la correction avec lesquels les délibérations ont été reproduites, exigeaient une

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grande application et une certaine lenteur, dans la transcription; en donnant 20 francs au copiste la rémunération ne représente pas plus de 120 francs de notre monnaie actuelle. Rien n'indique qu'il y ait eu suspension dans les réunions : la rédaction seule fait défaut après le 3 septembre 1681.

Peut-être, après l'édit de révocation, la société tint-elle ses séances moins régulièrement. Il ne fallait plus, en effet, s'occuper secrètement des relaps, des assemblées des protestants: le pouvoir civil poursuivait directement.

Quoi qu'il en soit, l'histoire trouvera dans ces pages des renseignements précieux qui serviront à éclairer des points encore douteux. Le registre commence par une requete présentée à Mgr l'Évêque de Montpellier pour l'établissement de la congrégation de la foy.

On y lit : « Les suppliants désireroient, Monseigneur, qu'il vous plût ériger en cette ville une congrégation sous le titre de l'exaltation de la Sainte-Croix, pour la propagation de la foy, ad instar de semblables congrégations établies depuis quelques années dans les villes de Paris, Grenoble et autres.

> Les suppliants se proposent d'être trente-trois confrères « à l'honneur de pareil nombre d'années que Jésus-Christ Notre Seigneur a conversé sur la terre pour y répandre la lumière de la foy. »

Le but de l'établissement est de, « en s'assemblant de quinze en quinze jours et plus souvent si besoin est, traiter des moyens de rammener les desvoyez au sein de l'Église, instruire et assister les nouveaux convertis. De Moulceau, Girard Boudon, de Ratte, de Lavergne, David, Planque, Joubert, Desandrieux, prêtre, Vignes (Signés). »

Le 10 janvier 1679, Charles de Pradel, évêque de Montpellier, permet qu'on commence d'agir en attendant le décret qui confirmera l'établissement de la propagation, etc.

Cette ordonnance est du 3 juin 1679. « Inclinant de tout notre cœur aux prières des suppliants que nous regardons comme un secours que Dieu nous envoie pour nous aider à conduire heureusement dans le bercail de Jésus-Christ toutes ces brebis égarées.

» Nous avons érigé et établi, érigeons et établissons ladite Congrégation de la foy sous notre autorité et le titre de l'exaltation de la Sainte-Croix..., les confrères tiendront leurs assemblées dans notre palais épiscopal.—PAR MET, BÉRos, secrétaire. »

STATUTS ET RÈGLEMENTS DE LA CONGRÉGATION DE L'EXALTATION DE LA SAINTECROIX, ÉTABLIE A MONTPELLIER AU MOY DE JANVIER 1679.

Il y a onze articles.

A l'article 2 on lit : « Cette Congrégation n'aura point d'autre supérieur que le seigneur évêque de cette ville, ou, en son absence, son vicaire général. Il y aura quatre officiers. Le premier, sera le directeur qui sera toujours ecclésiastique; le second, l'administrateur temporel qui sera toujours laïque; le troisième, le secrétaire qui pourra être indifféremment ecclésiastique ou laïque; le quatrième, le trésorier qui sera toujours laïque. »

Le clergé évite avec soin de paraître s'attacher aux intérêts temporels; pourtant tout se fera par son inspiration.

Quant à l'étiquette, on remarque une égalité que l'on n'observait pas dans les tenues des états. « Les places seront toutes communes ; il n'y aura d'autre primauté que celle des officiers, les autres les prenant indifféremment suivant qu'ils se trouveront. »

A l'article 3, on trouve : « La congrégation aura une maison pour y recevoir ceux qui seront nécessiteux, arrivés de nouveau en cette ville ou contraints à s'y retirer à cause de la foy catholique.

» Les filles et les femmes seront dirigées et conduites en une maison séparée, par quelque dame de piété, laquelle pourvoira à leur entretien et instruction. Les nouveaux convertis et les nouvelles converties ne pourront être que trois mois dans l'une et l'autre desdites maisons, à moins que pour des raisons très-considérables il n'y ait lieu à prolongation.

» Il ne sera souffert dans la maison aucun paresseux et oisif, les jeunes garçons apprendront un métier ou serviront en quelque honnête condition. Si quelqu'un était reconnu avoir une aptitude particulière aux lettres, la compagnie lui pourvoira des secours pour le faire étudier. »

Nous n'entrons point dans les détails qui regardent les finances, qui règlent les rôles du secrétaire et du trésorier.

<< Tous les ans, à la Notre-Dame de Sept., il y aura élection générale. » Art. 10. Chacun des associés sera obligé de faire une communion chaque mois pour la conversion des âmes.

>> Art. 11. L'on entretiendra, selon les occurrences, correspondance avec les autres Congrégations établies pour la propagation de la foy dans

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