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suivre les inspirations du maître d'école qui luy aprenoit à lire et l'avoit engagé d'aller à l'Eglise, qu'au surplus il croit que la Religion Protestante qu'il professe aujourd'huy est bonne, qu'il ne sçait si elle est meilleure que la Catholique, et laisse à Dieu le soin d'en décider. Interrogé s'il reçoit quelques instructions sur sa Religion de quelques gens qui disent avoir un caractère à cet effet.

A répondu qu'en effet il y a dans la Religion Protestante des ministres qui prennent ce soin.

Interrogé s'il n'en connoit point quelques-uns.

A répondu avoir ouï dire qu'il y en a plusieurs, mais qu'il ne connoît que le nommé Pélissier qui l'a marié depuis peu avec la nommée Anne Gautier, de la même paroisse de Mainxe.

Interrogé comment estoit fait ledit Pelissier, quelle pouvoit être sa figure, son âge, ses vêtemens, d'où il venoit, en quel endroit il fit ce mariage, de quelle manière il le fit et où il a pu se retirer depuis.

A respondu que c'est un homme de la taille d'environ cinq pieds de haut, d'assez bonne mine, ayant le visage plein, de couleur brune, ayant le nez long, la bouche de grandeur médiocre, les lèvres fraîches et vermeilles, pourtant perruque à bource, et à face qui étoit poudrée, et dont il n'a pas connu la couleur des cheveux, paraissant assez bien pris dans sa taille et de l'âge d'environ quarante-cinq ou cinquante ans, qu'il étoit vêtu d'un habit noir, qu'il ne sçait d'où il venoit, que l'endroit où le dit ministre le maria est situé près du village de la Nérolle, paroisse de Segonzac, dans un bois taillis, au lieu appelé la Fosse, de L'Aubreau, que c'étoit la nuit du neuf au dix ou du dix au onze de septembre dernier, environ minuit, qu'il y avait dans le même lieu et à la susdite heure plusieurs autres Protestans assemblés, que lui répondant conjointement avec la dite Anne Gauthier qui y étoit avec luy dans le dessein de se marier ensemble, et voyant que le dit Pelissier faisoit d'autres mariages, s'approchèrent de luy et le requirent de les marier, aussy qu'ils luy présentèrent d'abord un anneau d'argent orné d'une pierre bleue, que ledit Pelissier commença par le prendre, demanda ensuite à luy répondant s'il acceptait la dite Anne Gauthier pour femme, et à la dite Anne Gauthier si elle acceptoit le dit répondant pour époux. Après quoy l'un et l'autre ayant répondu que oui, ledit Pelissier prononça ces paroles en français : « Je vous marie au nom du Père, du Fils et du

Saint-Esprit. » Ensuite donna l'anneau à luy répondant qui le mit au doigt annulaire de la main droite de la dite Gauthier.

Le dit Pelissier leur fit ensuite à tous les deux une exhortation sur le mariage et termina la cérémonie par une prière qu'il fit à genoux d'une voix assez intelligible, mais dont le répondant ne se rappelle ny le sens ny les termes, mais à laquelle la dite Anne Gauthier et luy ne laissèrent pas de s'unir, s'estant agenouillés aussy; cela fait, la dite Anne Gauthier et luy se retirèrent chez le dit répondant au village de chez Juilliers où ils couchèrent ensemble; qu'au surplus, aussitôt après que le répondant fut marié et avant de se retirer, il demanda au dit Pelissier de luy délivrer un certificat de son mariage ce qu'il fit sur le champ, l'ayant écrit sur une petite table qui étoit apportée et sur du papier marqué dans la forme détaillée au papier qu'il a entre les mains et qu'il offre de représenter.

Sommé de nous faire la représentation du dit papier et certificat de mariage, le répondant a dit estre prest, et nous l'a sur le champ mis entre mains.

Interrogé s'il n'a point connoissance que le dit Pelissier fut prestre ou muni de quelque autre caractère.

A respondu ne l'avoir pas ouy dire et ne le point savoir.

Interrogé quels furent les autres particuliers qui se maríèrent aussi dans la même assemblée.

A respondu que le nommé Pissot, du village du Four la Chaud, y fut marié avec la nommée Mocquet, du village de la Chaize, tous deux de la paroisse de Mainxe, qu'il y eut encore un autre particulier de la paroisse de Segonzac dont le nom luy est inconnu, ainsy que celuy de sa prétendue femme.

Interrogé s'il ne se passa pas autre chose à ladite assemblée, si on ne fit pas quelque prière, quelques baptêmes, combien elle dura, s'il n'a pas reconnu quelques uns de ceux qui y assistoient.

A répondu que s'étant rendu à ladite assemblée vers la fin, il ignore ce qui pouvoit s'estre passé auparavant ne sçachant point combien elle dura, n'ayant reconnu que le nommé Pissot, dont il vient d'estre parlé, la plupart estant couverts de capes et manteaux.

Interrogé si lors de la cérémonie, dont il vient d'estre parlé, Pélissier n'avoit pas près de luy quelque assistant et comment il estoit placé.

A répondu n'avoir vu aucun assistant auprès dudit Pélissier et

s'est aperçu seulement que celui-ci étoit assis sur une chaise placée sur une petite table d'où il avoit inspection sur tous ceux qui y étoient rangés autour de luy, de laquelle chaise il descendit pour écrire sur la même table le certificat de mariage dont a été parlé.

Interrogé s'il ne connoît point d'autres ministres de la même Religion Protestante, par exemple les nommés Pradon, Besset, Mounier (1) et Duplessis, s'il ne sçait point où ils se tiennent, s'il s'est tenu d'autres assemblées avant ou depuis celle dont il s'agit, s'il n'y a point assisté.

A répondu ne point connoître d'autres ministres mais avoir ouï dire seulement qu'il y en a, sans sçavoir où ils se tiennent, ignore ́s'il s'est tenu d'autres assemblées et n'a jamais assisté à d'autres, si ce n'est à une qui se tint il y a quatre à cinq ans au lieu appelé le Bois de Chez Voix en la paroisse de Saint Preüil, et pour raison de quoi il fut accusé dans le même temps et conjointement avec deux de ses freres d'avoir invité des particuliers d'y porter leurs enfants pour les faire baptiser, et fut ensuite emprisonné à La Rochelle avec ses frères où il resta quelque temps.

Interrogé s'il croit bon le mariage qu'il a ainsy contracté avec ladite Gauthier et s'ils ont toujours habité ensemble depuis.

A répondu qu'il le croit bon et que dans cette idée il a effectivement toujours habité avec ladite Gauthier (2) depuis ce temps là et la tient pour sa femme légitime. Ce fait, avons fait lecture; sommé de signer, a déclaré être prêt et avons paraphé ledit certificat de mariage et avons signé avec ledit Michelet et Ambroise Robin notre greffier.

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(1) Pierre Gamain dit Lebrun ou Moinier, de la Barre de Sepvret, proposant en 1742, envoyé à Lausanne en 1747, fut secondé en 1750 par Michel Viala dit Germain.

(2) Complétant l'interrogatoire de son mari, Anne Gautier déclare qu'« il y a eu un contrat reçeu par le sr Biteaudeau, juge de St Mesme et notaire royal, en présence de quelques uns des parents des deux costez, il y a eu aussy des bans publiés dans la mesme assemblée, où elle a été mariée et un instant avant la bénédiction... Son mari et elle n'ont donné aucun argent au ministre en aucun temps. >>

MÉLANGES

NOTE SUR LA FAMILLE DE GUY DE BRAY ET SUR LES POURSUITES EXERCÉES CONTRE LES MEMBRES DE CETTE FAMILle (1).

Jehan de Bray ou du Bray, teinturier, demeurant à Mons dans le quartier du Béguinage, épousa une femme dont le nom est resté, croyons-nous, inconnu, mais qui se fit remarquer par sa ferveur religieuse. Elle fut, avec sa fille, ci-après nommée, l'une des premières adeptes de son fils Guy.

De ce mariage naquirent plusieurs enfants : cinq d'entre eux nous sont connus par des documents irréfragables.

1° Une fille, dont nous ignorons le prénom, et qui se maria à Daniel de La Deuze, marchand drapier, demeurant à valenciennes, en la rue Cambrésienne, à l'enseigne du Soleil d'or.

La Deuze se fit remarquer en 1566-67 par son adhésion chaleureuse aux nouvelles doctrines. Il assista aux grands prêches, dont nous avons retracé le tableau et prit part à la rébellion Valenciennoise. Aussi, après la prise de la ville, fut-il condamné à mort et décapité sur le grand marché, le 17 janvier 1569 (2).

Quant à sa veuve, nous ne savons ce qu'il advint d'elle. Elle ne fut l'objet d'aucune poursuite à Valenciennes, d'où elle émigra probablement.

2o Jehan, l'aîné des fils, teinturier à Mons, aux infortunes de qui ce récit est presque exclusivement consacré. Il était né en ou vers 1514, et avait par conséquent neuf ans environ de plus que Guy, né vers 1523. Il était, disent les documents, « de haute stature et de poil noir ».

(1) D'après des papiers inédits des Archives générales du royaume à Bruxelles : Papiers d'État, registre intitulé Conseil des troubles, informations et justifications de Hainaut.

(2) Voici sa «< calenge (motifs d'accusation) d'après le chroniqueur Jean Doudelet: « Pour avoir faict la cène calviniste, et pour avoir soustent souventes fois en son logis Ghuy de Bray, jadis ministre, son beau-frère, et y avoir faict des assemblées plusieurs fois; item avoir esté rebelle à Sa Majesté. » Il fut enterré dans le cimetière de Notre-Dame-de-la-Cauchie (Chaussée), à Valenciennes.

3o Christophe ou Christoffel, primitivement voirier (peintre sur verre), comme son frère Guy, né et demeurant à Mons, et qui paraît avoir acquis postérieurement une certaine notoriété comme théologien et prédicant. Il quitta de bonne heure sa ville natale pour se réfugier à Anvers.

4o Jhéromme, teinturier à Mons en la rue du Haultbois, et enfin 5o le célèbre Guy.

Avant d'arriver à Jehan (le fils) nous dirons quelques mots de Christophe et de Jérôme, et citerons les documents qui établissent leur existence et leur identité.

$1

CHRISTOPHE DE BRAY.

Ce frère de Guy, domicilié à Mons jusqu'à l'année 1558, puis à · Anvers de 1558 à 1567, nous apparaît, comme on le verra par les documents qui suivent, sous deux aspects:

D'abord, c'est un infatigable colporteur de livres prohibés. Il va les acheter à Paris et à Lyon. Dans cette dernière ville, il a fait ses achats chez Antoine Vincent, libraire. De retour dans les Pays-Bas, il fait relier ces livres à Anvers par Pierre Semal ou Small; puis les vend ou les distribue dans ladite ville.

En second lieu, on peut voir en lui l'un de ces artisans qui, à force de persévérance et de travail, finirent par acquérir un certain renom comme théologiens, et par se faire accepter comme ministres avant la venue des du Jon, des Hermann Modet, des Taffin, etc.

Dès les années 1551 à 1553, il est suspect aux inquisiteurs montois. Plusieurs fois appelé devant eux, il est condamné à des réparations honorables. En 1558, les poursuites redoublent et prennent un caractère particulier de gravité. Son arrestation et son emprisonnement sont décrétés. Il s'enfuit alors à Anvers. Ses effets les plus précieux, enfermés dans deux tonneaux, sont saisis chez son frère Jehan, et cette saisie est la cause d'un procès de complicité intenté contre ce dernier. Tous ces faits sont consignés dans une lettre écrite au duc d'Albe par les gens du conseil du roi à Mons (conseil provincial de Hainaut), à la date du 13 juin 1569 (Papiers du Conseil des troubles, VI, p. 87-88, archives générales du royaume de Belgique). Chronologiquement, cette pièce devrait occuper le quatrième

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