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tains ports, afin de les rendre plus seurs et plus commodes. Il calcule ce que coûte le bois et la construction d'un vaisseau, de même que l'entretien.

Enfin, il examine tout ce qui a quelque rapport avec le commerce, les compagnies qu'il serait nécessaire d'établir, les moyens dont il faut se servir pour avoir des fonds, les priviléges qu'il est nécessaire de leur donner, et les profits que ces diverses compagnies pro

cureront.

Ensuite il démontre que l'intérêt et la gloire de la France demandent qu'on y rétablisse la marine et qu'on la mette sur un pied respectable. Il soutient qu'il est très-difficile de la conserver et entretenir sur ce haut pied, si le commerce n'est pas considérablement augmenté. Une puissante marine, dit-il, protégera le commerce et contribuera à sa prospérité, et un commerce étendu et florissant fournira pour entretenir ces forces navales sur le pied respectable où il est à désirer qu'elles soient. L'auteur entre sur tous ces divers articles dans le plus menu détail. Le moyen pour parvenir à un but si désirable est l'objet du 3me article.

Le second tend à prouver que rien n'est plus important que la culture des terres, qui est la source de l'abondance. La main des diligents fait les riches, dit le plus sage des rois. Dans un État il n'y a jamais trop de laboureurs et de cultivateurs. Un auteur a dit fort judicieusement qu'il est plus important pour le bien de l'État d'avoir des gens qui savent en mettre les terres en valeur qu'en étendre les limites, M. l'abbé Dugnet (1) soutient avec raison que le souverain ne peut être trop attentif que ses sujets s'appliquent avec soin à l'agriculture, comme faisant la véritable richesse du royaume.

De là l'auteur conclut que les sujets qui s'appliquent à cultiver la terre sont des sujets précieux à l'État, qu'on doit en augmenter le nombre et les protéger.

Dans le troisième article, il indique les moyens qu'il y a à prendre pour remplir l'objet des deux premiers.

Il prouve que c'est la bonté du gouvernement qui procure l'abondance et la prospérité de l'État, que la modération et la clémence sont les vertus qui doivent présider dans toutes les délibérations du prince. Il étaye cette proposition par de bonnes raisons et par des exemples.

(1) Auteur d'un livre intitulé: Traité de l'institution d'un prince.

Ensuite, il soutient que ce qui constitue la puissance intrinsèque d'un État est le nombre de ses habitants, leur industrie et leur richesse.

De là il tire la conséquence que les sujets qui s'appliquent le plus à la culture des terres et au commerce sont les sujets les plus utiles à l'État.

Il soutient que, proportion gardée, les sujets religionnaires contribuent plus que les sujets catholiques romains à rendre l'État florissant, attendu qu'ils se donnent tous au commerce, à la culture des terres, ou aux armes, au lieu qu'une grande partie des sujets catholiques romains se jettent dans l'Église, y étant attirés par les biens immenses qu'elle possède, où ils remplissent des emplois qui requièrent que l'on soit aprouvé par son curé, emplois nécessaires, mais infiniment moins que la culture des terres et le commerce.

Il prouve que la religion réformée est plus avantageuse aux monarchies que la religion catholique romaine, et cela par deux raisons démonstratives: la première en ce que la religion réformée ne relève de personne et ne reconnaît d'autre puissance sur la terre à laquelle on doit obéir que celle de leur monarque. Elle est soumise sans restriction au gouvernement;

Au lieu que la catholique romaine établit un État spirituel toutpuissant, fécond en moyens pour éviter d'obéir, et ayant des ressources infinies pour que les ministres de la religion prennent un ascendant absolu sur l'esprit du peuple et lui persuader que le gouvernement temporel doit être dépendant du spirituel, de manière que les ecclésiastiques de cette religion sont plus maîtres du peuple que le souverain qui les gouverne; l'auteur en rapporte des exemples frappants.

La seconde raison est que la religion réformée est plus propre à la propagation de l'espèce que ne l'est la religion catholique. romaine, Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à faire attention que chez les catholiques romains une famille composée de trois enfants, pour le moins un prend le parti de l'Église. Voilà par conséquent un tiers de la nation qui ne peut point servir à la propagation. Au lieu que tous les religionnaires peuvent légitimement y travailler. L'auteur prouve ce qu'il avance par des exemples qui mettent cette vérité dans tout son jour.

De tout cela il tire cette conséquence que la bonne politique veut

qu'on protégé et qu'on favorise les sujets religionnaires et qu'on en augmente le nombre.

Il soutient qu'il est de l'intérêt du roy et de l'avantage de son royaume de revendiquer ses sujets qui sont sortis de son royaume pour éviter la persécution, et que leur rentrée remplira parfaitement les indications qu'il a données dans le premier et le deuxième article de son ouvrage, que par là le commerce augmentera considérablement et que les terres en seront mieux cultivées.

Que pour rappeler ces sujets il n'y a qu'à donner à certaines villes maritimes du royaume le libre exercice de la religion réformée et à la province du Languedoc; que Sa Majesté peut le faire sans le moindre inconvénient. Ce seul trait de plume, dit-il, donnera plus de richesse à l'État, plus de sujets et plus de solide grandeur, que ne le feraient le gain de cinq ou six batailles.

Il n'y a point de réfugiés dans ce pays-ci qui ne soupire après l'avantage de rentrer dans sa patrie, quoi qu'on soit ici protégé par Sa Majesté et par les lois, et qu'on y reçoive mille marques de bonté. Il y a pourtant une certaine rudesse dans les naturels du pays qu'on peut regarder comme un vice du terroir, qui fait qu'on a peine à s'y faire et qu'on souhaite ardemment d'aller respirer l'air natal.

Les Français réfugiés en Angleterre, en Hollande, en Suisse et à Genève, ne soupirent pas avec moins d'ardeur après la douce satisfaction de pouvoir rentrer en France.

L'auteur soutient qu'il n'y a aucun inconvénient à donner cette liberté à la province du Languedoc, que le clergé ne peut point s'en plaindre; on ne porte par là aucune atteinte à leurs priviléges ni aucun trouble dans la possession de leurs biens; les terres de cette belle province en seront mieux cultivées, et par conséquent la dime en augmentera; ce qui rendra l'église de cette province plus riche.

De quel cotté qu'on envisage la chose, dit-il, on trouve que Sa Majesté en accordant cette liberté ferait un acte juste et de la plus profonde sagesse. Il avance que Louis le Bien-Aimé est le seul potentat en Europe qui soit dans cette heureuse position de pouvoir sans peine, sans danger, sans dépense, sans inconvénients, augmenter le nombre de ses fidèles sujets et la richesse de son royaume.

Il fait plus il examine tous les cas possibles où une pareille liberté accordée peut produire quelque inconvénient, et il démontre

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que celle qu'il propose ne peut dans aucune supposition qu'estre très-avantageuse au bien de l'État.

Il finit en disant qu'à mesure que les réfugiés rentreront on les enregistrera, de même que dans le lieu où ils fixeront leur demeure; qu'on les capitera d'une manière proportionnée à leur faculté et leur industrie, et que cette taxe sera distincte et séparée de celle que payent les habitants du pays; il prouve que cette capitulation ira à une somme très-considérable.

Voilà, Monsieur, l'idée que je puis vous donner sur l'ouvrage; creusez-la, approfondissez-la, et vous serez forcé de convenir que le moien indiqué pour augmenter le nombre des sujets et la richesse de l'État est aussi simple qu'aisé.

La Providence, qui préside sur tous les événements, réserve celui-ci pour relever la gloire du brillant reigne de Louis le Bien-Aimé : Dieu veuille lui inspirer ce dessein!

J'ai l'honneur d'être

(Sans signature)

(Papiers Rabaut, Correspondance, année 1752.)

MÉLANGES

I

NOTE SUR LA FAMILLE DE GUY DE BRAY ET SUR LES POURSUITES

EXERCÉES CONTRE LES MEMBRES DE CETTE FAMILLE (1).

Jehan Desmarez. - Du Bray lui a dit que, s'il le voulait croire, il serait plus riche, « sans avoir mémoire par quel moyen, sinon qu'il (du Bray) luy disoit qu'il (Desmarez) ne seroit sy grant yvrongne. » De plus, le prisonnier a ajouté que, si le témoin voulait le fréquenter, il apprendrait des choses qu'il ne savait pas.

Desmarez raconte ensuite l'altercation de Jehan du Bray avec les deux dominicains à l'auberge du Vert Lyon (à Mons). Nous reviendrons tout à l'heure sur ce point.

Roland Brouchin. Il ne sait rien par lui-même; seulement au moment où, le jeudi précédent, il faisoit, par ordre de la cour, une perquisition à Masnuy chez de Bray, il s'est entretenu avec Phélippot,

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qui lui a rapporté divers propos de l'inculpé. (Voir ci-après la déposition de Phelippot.)

Quant à la vie de Jehan, « il n'en sçauroit respondre. »

Frémine Fauveau (domestique de l'inculpé). Son maître restait quelquefois pendant quinze jours entiers à Masnuy, sans aller à la messe. La déposante lui a demandé pourquoi il ne fréquentait pas l'église, à quoi il a répondu : « Que les églises de Mons luy estoyent bonnes assez. » Elle ne l'a jamais vu lire.

Laurent le Cuvelier (domestique de l'inculpé). Il n'a jamais vu son maître aller à l'église, mais jamais celui-ci ne lui a dit de suivre son exemple. Il a couché plusieurs fois à Masnuy dans la chambre de Jehan et ne l'a jamais vu « à son coucher faire quelque pryère à Dieu et à ses saincts, comme chascun chrestien faict ordinairement, ayant bien oy plusieurs fois qu'il disoit son Benedicite en franchois et des grâces n'en disoit aucunes. » Il a vu plusieurs fois son maître lire en un grand livre qu'il avait dans sa chambre.

« Et plus avant ne sçaroit respondre de sa vie, fors que aucuns du village l'appeloient allesfois hughenois ou luther, à raison qu'il ne alloit à la messe. »

Philippe Lhoste, dit Phélippot. — « Comme ils estoient en devises ensemble, sur les bruyères, des abbayes, ce tesmoing oy que ledict du Bray dist que ci-devant s'estoient gens que l'on avoit mis à l'abbaye comme gens trouvez ès bois comme sauvaiges, disant que depuis d'une croche de bois, l'on en avoit faict une d'or (1) et que le temps viendroit que le pot de pierre romperoit le pot de fer; que lors icelluy de Bray parla quelque peu de sainct Mathieu. A sa fantaisie, luy (au témoin) sembloit qu'il volloit tourner lesdits propolz sur l'escripture, disant (de Bray) qu'il avoit ung petit livre à sa maison qui disoit merveille, etc. >>

Cependant le témoin ajoute qu'il a vu plusieurs fois Jehan en l'église de Masnuy.

Marlin Rolland.

Jamais il n'a entendu Jehan parler « de l'église ». Le bruit courait à Masnuy « qu'il estoit luther », et cependant ce témoin l'avait vu en l'église dudit village, au moins quatre ou cinq fois pendant les deux dernières années.

(4) D'après Brouchin, 'de Bray aurait dit « que les abbés portoient présentement des croches d'or, et que l'on verroit le temps qu'ils en porteroient de bois. »

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