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tenter cet accord entre les théologiens qui, du costé des ubiquitaires, n'aportent que préjugés, orgueil, ignorance et animosité. Mais j'estime que si on commençoit par les princes et magistrats, comme les courages sont moins aigris et passionnés entre les conseillers d'estat qu'entre les théologiens qui enveniment bien souvent la plaie par leurs escrits contentieux, aussy auroit-on plus de subject de s'en promettre quelque bon succès. De mon costé, je ne me lasseray jamais de tenter et de procurer tout ce que je jugeray pouvoir servir à maintenir et affermir l'assemblage des corps de Christ et la communion des saincts, et à démolir la sinagogue de l'antechrist, vous priant de vouloir faire asseuré estat de mon affection très-sincère, et du tout dédié tant au bien de l'Église en général qu'à vostre patrie en particulier, dont je rendray telles preuves, et à messieurs vos magistrats, et à ceux de vostre compagnie et académie, que nul ne le pourra révocquer en doute, ne souhaitant rien tant que de rencontrer des occasions propres pour tesmoigner l'obligation que j'ay à vostre patrie de la grande bienveillance qu'elle m'a fait paroistre. Sur ceste véritable protestation, je prieray Dieu,

Messieurs, vous multiplier de plus en plus ses sainctes grâces et bénédictions, et vous conserver longuement pour travailler fidèlement, comme vous faites, à son œuvre. De Sedan, ce troisième juillet 1604.

Vostre entièrement plus affectionné à vous faire service,

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HENRY DE LA TOUR

DUC DE BOUILLON.

(Original, signature autographe. Arch. de Zurich, gest. vi, 166, fo. 703.)

EXTRAITS D'UNE CORRESPONDANCE POLITIQUE

ENVOYÉE DE PARIS, PENDANT LES ANNÉES 1682-1685

A CHRISTOPHI GUNTZER, SYNDIC ROYAL ET DIRECTEUR DE LA CHANCELLERIE,

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A STRASBOURG (1).

Paris, 12 juin 1683.... Ceux de la religion font de fortes instances au parlement de Tholose pour faire exécuter l'arrest de bannissement rendu contre la demoiselle Paulet, afin d'avoir la liberté,

(1) Voir la première partie, p. 21.

en payant l'amende dont l'argent est consigné, mais il n'y a rien à espérer sans un ordre du Roy. L'on a escrit de la part de Sa Majesté au père de cette demoiselle de se rendre à Tolose pour l'exhorter autant qu'il pourra, à changer de religion, en luy remonstrant que si elle ne le fait, elle finira ses jours dans une prison perpétuelle.

L'évesque de Montauban poursuit tousjours au même parlement l'affaire contre les ministres prisonniers dans la Conciergerie du Palais et la démolition du temple; mais comme ceux de la Religion sont fort persuadez que l'Evêque obtiendra tout ce qu'il demande contre eux, ils esloignent le jugement autant qu'ils peuvent, ce qui pourtant ne peut pas estre différé longtemps.

Le chapitre de Nostre-Dame de Rouen, en mémoire de leur archevesque Saint-Romain, pour avoir délivré la ville d'un dragon horrible et monstrueux, a accoustumé chaque jour de l'Ascension de lever la fierte, c'est-à-dire la châsse ou le coffret où sont les ossements de ce saint et la faire porter en procession par un criminel qu'ils font sortir de prison et déclarer absous, si le parlement trouve que le crime est fiertable, comme ils disent. A la dernière feste de l'Ascension, un criminel nouveau converti fut receu à lever la fierte et le parlement, suivant la coustume, s'estant assemblé pour examiner le cas, Monsieur de Colville, conseiller de la R. P. R., opinant dans son rang, dit que ne trouvant pas le fait dont il s'agissait dans aucun des cas exceptez, il estoit de l'avis des préopinants, mais que pour les autres raisons, que le sujet estoit digne de privilége, parce qu'il avoit changé de religion, il n'y pouvoit pas souscrire; que ceux de la religion qu'il professoit regarderoient son changement comme le fait d'un homme qui songe plutost à sauver son corps que son âme. Ce discours a esté cause que le Parlement a interdit ce conseiller pour trois mois...

Paris, 28 juillet 1683.... On envoie des dragons dans les Sévennes pour chastier quelques gens de la Religion qui ont esté assez hardis de s'assembler sur les ruines d'un Temple qu'on a rasé à Saint-Hipolite et contraint le ministre de prescher...

Paris, 31 juillet 1683.... A Saint-Hipolite, à six lieues de Montpellier, où le Temple a esté démoli, ceux de la Religion se sont assemblez sans armes ni bastons et ont contraint les pasteurs à prescher sur les ruines du Temple. Dans les Sévennes et le Vivarets on a fait

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la même chose et ils sont résolus de continuer les exercices dans les lieux interdits. Ceux de Montpellier vouloient faire la mesme chose, mais ils ont esté retenus par quelqu'un qui a du crédit parmy eux. L'intendant de Languedoc en a donné avis au Roy, et on assure que les ordres sont donnez pour y faire marcher les dragons...

Paris, 1er septembre 1683.... L'on a arresté à Lyon deux mulets chargés de 3000 louis d'or, cachés dans des ballots de laine, que ceux de la religion de ce quartier là envoyoient à leurs frères des Sévennes qui font encore les meschans, et l'on dit que les six régimens destinés pour le Dauphiné iront en ce pays-là. L'on recherche avec grand soin les charitables qui avoient envoyé cet argent....

P. S. L'argent que les mulets ont porté de Lion n'est pas une chose nouvelle. Cela se fait tous les ans par les marchands qui vont à la foire de Beaucaire pour y achepter des marchandises, et n'est pas pour les religionnaires.

Paris, 4 septembre 1683.... Les protestans des Sévennes ont écrit à M. de Ruvigny qu'ils ne pouvoient se résoudre à cesser leurs exercices, et que quoy qu'il arrive ils sont résolus de s'assembler pour prier Dieu. Ils le supplient de représenter leurs raisons au Roy, comme ils les ont expliquées par leur requette, laquelle, à ce qu'on a dit, a esté imprimée en Hollande, où elle se trouve sans peine et fort bien faitte...

Paris, 25 septembre 1683... Les huguenots des Sévennes sont devenus sages par l'exemple de leurs voisins; ils se sont remis dans leur devoir et ont obtenu pardon...

Paris, 6 octobre 1683. On dit que le Sr Rut a esté un peu trop viste en Languedoc et que s'il eust creu Mr l'Intendant, que les huguenots eussent accepté l'amnistie. Il y a eu quelque chocq où environ une centaine en a esté tué et douze de pendus...

Paris, 16 octobre 1683. Les mouvemens de ceux de la Religion aux Sévennes sont apaisés; ces pauvres gens ont accepté l'amnistie. Il en coustera pourtant la vie à un ministre séditieux et peutêtre encore il y aura quelques temples razés. On parle aussy de quelque argent et il y aura des trouppes en quartier dans les boutières...

Paris, 23 octobre 1683. L'on envoye dans les Sévennes et dans les quartiers, là où il y a beaucoup de Huguenots, un célèbre missionnaire qui est docteur de Sorboune et qui se nomme Mr.....,

fils d'un conseiller de la Cour; on en espère de grands fruits et beaucoup de conversions...

Paris, 30 octobre 1683.

On a pendu au Languedoc un dra

gon et un autre homme pour viol qu'ils avoient fait après que l'on eust mis en déroute ceux de la Religion.....

Paris, 26 novembre 1683.... On mande de Languedoc que les gens de la Religion, de Vivarets et des Sévennes y sont ruinés par les logements des dragons qui en ont réduit grand nombre au désespoir. On marque que trois ou quatre mille ont abjuré leur religion. pour se tirer de l'oppression. On a retiré les dragons de Nismes; on a voulu espargner cette ville à cause du commerce...

Paris, 27 novembre 1683. ... L'on a envoyé une amnistie en Languedoc et en Dauphiné pour tous ceux de la Religion qui ont eu part aux derniers mouvemens, le Roy ne voulant plus que l'on parle de tout ce qui s'est passé, pourveu qu'ils se contiennent dans leur devoir. On accuse Mr de Saint-Rut d'avoir esté trop précipité...

Paris, 3 décembre 1683. .. On fait désarmer en Provence et Languedoc tous les catholiques aussi bien que ceux de la Religion, sans distinction.

Paris, 2 febvrier 1684.

Le Parlement de Guienne a envoyé un commissaire à Xaintonge pour informer des contraventions faites par ceux de la Religion aux dernières déclarations du Roy pour ce qui les regarde. On dit que sans l'Intendant de Guienne, ils voulaient s'assembler dans les lieux que l'on a depuis peu destruits. Par arrest du Conseil donné contre les sécrétaires du Roy qui sont de la Religion, le seul Fromont en est excepté, à cause des grands services qu'il rend journellement à Sa Majesté.

Paris, 5 febvrier 1684.

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Le comte de Roussy, fils du comte de Roye, s'est fait catholique. Un ministre près d'Orléans a fait un presche fort séditieux dont ceux

mesme de la Religion ont été fort

scandalisez. On informe contre ce ministre...

Paris, 9 febvrier 1684.

Ça esté dans l'église de la paroisse

de Versailles que le comte de Roussy a fait son adjuration.......

Paris, 12 febvrier 1684.

Le ministre de Chastillon-sur

Loing a esté condamné par arrest du parlement à faire amende honorable et au ban perpétuel, pour avoir dit dans ses presches plusieurs choses fort séditieuses contre le respect qu'il doit. Il y a eu des voix à la mort.

1

Une femme relaps a été condamnée par arrest au bannissement, mais comme elle demande à se faire catholique, on espère que le roy luy donnera sa grâce...

Paris, 19 juillet 1684.... En vertu d'un arrest du conseil, le présidial de Nismes a jugé en dernier ressort, le 3 de ce mois, le procès que l'on faisait aux ministres des Sévennes; neuf qui estoient présents ont été bannis, et trois absens à estre rompus et pendus, et sept ou huit temples abbattus...

Paris, 2 aoust 1684. — ... L'on doit oster du régiment des gardes tous les estrangers et ceux de la Religion...

L'on poursuit les quatre de la Rochelle, accusez d'avoir reçu un relaps, mais comme la chose n'est pas bien vérifiée, ils croyent être renvoyés absous et que le temple de la ville ne sera point rasé...

Paris, 19 aoust 1684. . On mande de Thoulouze que M. ď’Aguesseau a suspendu pour un temps les jugements contre ceux de la Religion pour aller visiter au port de Cette le canal Royal...

Paris, 9 septembre, 1684.... On veriffia jeudy au parlement trois déclarations du Roy, la première pour la réunion des deux Châtelets, la seconde qui concerne ceux de la Religion; outre les articles dont on a déjà parlé, il y en a un qui deffend qu'on les prenne pour arbitres-experts, prudhommes, n'y qu'ils puissent estre nommez d'office pour quelque raison que ce puisse estre.

Paris, 14 octobre 1684. L'on envoie beaucoup de trouppes en Provence, mais on croit que c'est pour le Vivarets et les Cevennes. Le duc de Mazarin est en Bretagne, à la teste de douze jésuites missionnaires qu'il mesne de paroisses en paroisses, à ses despens... Paris, 18 novembre 1684. - ... Madame de Reffuge a suivi le bon exemple que lui a donné son mary, elle s'est fait catholique...

Paris, 2 décembre 1684... M. de Marillac, intendant à Rouen, ayant fait venir les ministres de cette ville, leur déclara que l'intention du roy estoit que les pauvres et les malades de la Religion fussent également reçeus et traitez dans les hopitaux comme les autres, et qu'il vouloit aussy que les fondations qui avoient esté faites et les meubles fussent transportés dans ce lieu-là, et qu'ils n'eussent point d'hopitaux en leur particulier, qu'ils eussent présentement à lui représenter toutes les fondations et les registres, sur quoy ils luy représentèrent que ce qui faisoit subsister ces lieux de charité, c'estoit les aumosnes qu'on faisoit volontairement. Il y avoit icy dans le fau

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