Page images
PDF
EPUB

tous ces corps portaient la cocarde blanche.

Le 12 juillet 1789, lorsqu'on apprit à Paris la disgråce des ministres populaires, et les projets formés par le gouvernement contre l'Assemblée nationale, les patriotes, réunis dans le jardin du Palais-Royal, y cueillirent des feuilles d'arbres, qu'ils attachèrent comme des cocardes à leurs chapeaux. Mais bientôt ils se souvinrent que le vert était la couleur adoptée pour la livrée du membre le plus impopulaire de la famille royale, le comte d'Artois, et ils renoncèrent à porter ce signe de ralliement. Mais, le lendemain, un arrêté du comité de la Commune prescrivit aux citoyens armés les couleurs de la ville de Paris, rouge et bleu. Après la prise de la Bastille, on y joignit le blanc, en signe d'union, et le 17 du même mois, ces trois couleurs réunies furent adoptées par Louis XVI, qui en décora lui-même son chapeau devant le peuple assemblé sur la place de Grève. Dès lors la cocarde tricolore remplaça partout la cocarde blanche, et les trois couleurs devinrent les couleurs nationales. Ce sont les seules qui aient jamais mérité ce nom. Cependant, on n'orna d'abord les drapeaux et les étendards que de cravates tricolores; et ce fut seulement en 1792 que le fond de ces enseignes reproduisit les mêmes nuances.

L'ancienne livrée des Bourbons remplaça, en 1814, les trois couleurs ; mais ces couleurs, devenues depuis 1789 l'emblème de la liberté, furent rendues à la France par la révolution de 1830. (Voyez CORNETTE, ÉTENDARD, PAVILLON.)

COULEVRINE ou COULEUVRIne, nom que l'on donna aux premieres armes à feu qui furent coulées en bronze, et d'une seule pièce, et que ces armes durent sans doute à la couleur du métal et à leur forme allongée, qui leur donnait quelque ressemblance avec la couleuvre. Les premières coulevrines, dites coulevrines à main étaient montées sur un fût en bois; un seul homme pouvait aisément les porter et les tirer en épaulant. Elles se char

geaient avec des balles en plomb, que l'on introduisait de force avec une baguette en fer. Les coulevrines à main se multiplièrent avec une grande rapidité. En effet, pour la légèreté et pour la justesse du tir, elles étaient supérieures à toutes les armes connues jusque-là. Aussi voit-on dans Juvénal des Ursins, qu'en 1411, l'armée du duc de Bourgogne, en Flandre, avait quatre mille armes à feu, tant canons que coulevrines. Les coulevrines à main furent abandonnées dès qu'on parvint à fabriquer des armes portatives à canon en fer, forgé d'une seule pièce. Mais précédemment, on avait fondu des coulevrines en bronze sur de plus grandes dimensions, afin de leur faire produire un plus grand effet; le recul ne permettant plus alors de les tirer en les appuyant à l'épaule, on y ajouta un crochet ou une simple saillie de métal qui servait à les arrêter à un obstacle fixe. Ces nouvelles armes prirent le nom de coulevrines à crochet.

On ne s'en tint pas là; et, en aug. mentant les proportions des coulevrines à crochet, on arriva à produire des bouches à feu qui faisaient l'office de nos canons modernes. Cette troisième espèce de coulevrine continua à être en usage longtemps après que les deux premières furent tombées en désuétude. Aussi ce mot, dans les anciens historiens, designe-t-il le plus souvent des pièces d'artillerie, dont nos canons actuels ne sont qu'une mo. dification et un perfectionnement. Trompés par l'idée qu'on augmentait la puissance des armes à feu en proportion de la longueur de leur tube, les anciens artilleurs fondirent des pièces qui n'avaient pas moins de 30 pieds. Au siége de Toulon, en 1793, figura encore la fameuse coulevrine de Marseille, qui lançait des boulets de 80. Cette pièce ne produisit pas les résultats qu'on en avait attendus. En effet, on avait reconnu, dans le courant du dix-septième siècle, qu'il est pour les dimensions des pièces d'artillerie une limite qu'il est non-seulement inutile mais désavantageux de

dépasser. Aussi, dès 1732, la plupart des grandes coulevrines avaient-elles été refondues en France et chez les autres puissances de l'Europe.

COULOMMIERS, Columbaria, petite ville de la Brie champenoise, aujourd'hui chef-lieu de sous-préfecture du département de Seine-et-Marne, doit, dit-on, son origine à une église dédiée à saint Denis. Les comtes de Champagne, qui en étaient seigneurs, y possédaient un manoir où ils résidaient assez fréquemment.

Thibaut VI vendit à ses bourgeois, en 1321, une charte de commune. Distraite du comté de Champagne en 1404, cette ville passa alors sous la domination du roi de Navarre, et eut beaucoup à souffrir des guerres des Anglais et des troubles de la ligue. Les ligueurs la prirent et la brûlèrent, en 1593. On y voit encore les ruines d'un château bati en 1630 par Catherine de Gonzague, et abattu en 1736 par le duc de Chevreuse. Cette ville possède aujourd'hui un tribunal de première instance, et l'on y compte 3335 hab. C'est la patrie du bibliographe Barbier et du général Beaurepaire.

COUPERIN (famille des). Cette famille, qui pendant deux siècles a fourni à la France une longue suite de grands musiciens, est originaire de Chaume en Brie. M. Fétis lui a consacré dans son Dictionnaire des musiciens un long article, dont nous extrayons en partie ce que l'on va lire.

Louis COUPERIN naquit en 1630, fut organiste de Saint-Gervais et de la chapelle du roi. Louis XIII avait créé pour lui dans sa musique la place de dessus de viole. Il a laissé en manuscrit trois suites de morceaux de clavecin. Il mourut en 1665.

François COUPERIN, sieur de Crouilly, frère du précédent, naquit en 1631. Il fut organiste de Saint-Gervais, de 1679 à 1698, et mourut en 1701. Il a publié des pièces d'orgue consistantes en deux messes, etc. Son style est pur; il traite bien le plain-chant.

Louise COUPERIN, sa fille, naquit en 1674 et mourut en 1728. Elle jouait parfaitement du clavecin, chantait

bien, et fit partie pendant trente ans de la musique du roi.

Nicolas COUPERIN, frère de la précédente, naquit en 1680 et mourut en 1748. Il fut attaché au comte de Toulouse comme musicien de sa chambre, et fut longtemps organiste de SaintGervais.

Charles COUPERIN, troisième frère de Louise et de François, naquit en 1632, succéda à Louis dans la place de Saint-Gervais, et mourut en 1669. Il avait un talent de premier ordre comme organiste.

François COUPERIN, surnommé le Grand, fils du précédent, naquit à Paris en 1668, devint en 1696 organiste de Saint-Gervais, et passa, avec la même qualité, en 1701, à la chapelle du roi. Il était aussi claveciniste de la chambre du roi. Il est mort en 1733. De tous les organistes français, François Couperin est le plus célèbre. Ses compositions sont remarquables à tous égards. Il a laissé quatre livres de pièces de clavecin, et plusieurs autres

morceaux.

Marguerite-Antoinette COUPERIN, fille du précédent, eut la charge de claveciniste de la chambre du roi, jusqu'alors remplie par des hommes.

mo

Armand-Louis COUPERIN, fils de Nicolas, naquit en 1721, et mourut en 1789. Il fut organiste de Saint-Gervais, du roi, de la Sainte-Chapelle, de Notre-Dame, etc. Il exécutait merveilleusement; ses compositions, tets et morceaux d'église, sonates et trios, sont correctes, bien que froides. Sa femme, fille du célèbre facteur de clavecins Blanchet, était aussi fort habile organiste; elle vivait encore en 1810. Sa fille, Antoinette-Victoire, était également une organiste distinguée, et touchait l'orgue de SaintGervais dès l'âge de seize ans. Son fils, Pierre-Louis, montrait les plus' heureuses dispositions. Il partagea les fonctions de son père; mais la mort, qui le frappa, fort jeune encore, 1789, l'empêcha de devenir un grand organiste.

en

Gervais François COUPERIN, sesecond fils d'Armand-Louis, et dernier

rejeton de cette illustre famille, vivait encore en 1815. Il succéda aux places de son père; mais il ne fut qu'un organiste et un compositeur médiocre.

COUPLET (Cl. A.), né à Paris le 20 avril 1642, se livra de bonne heure à l'études des mathématiques, et devint membre de l'Académie des sciences, peu après la formation de cette célèbre compagnie. Il fut, en 1705, chargé par le chancelier d'Aguesseau de procurer des eaux à la ville de Coulangesla-Vineuse, qui en était entièrement privée (*). Tous les ingénieurs envoyés précédemment dans ce but y avaient renoncé. Couplet, au bout de quatre mois, et avec une dépense de moins de trente mille livres, amena à Coulanges des eaux abondantes. Il obtint des résultats analogues pour les villes d'Auxerre et de Courson. Il mourut en 1722.

COUPLET DES TORTREAUX (P.), fils du précédent, fut reçu en 1696 à l'Académie des sciences, et mourut en 1744. Le recueil de l'Académie contient de lui plusieurs mémoires sur la Poussée des terres contre leurs revétements, sur la Poussée des vents, sur les charriots, les traîneaux et le tirage des chevaux.

COUR (la) ou Balleroy (voyez ce mot), ancienne seigneurie de Normandie, auj. dép. du Calvados, érigée en marquisat en 1705.

COUR. Ce nom, que dans le langage juridique on donne aux tribunaux

d'appel et aux juridictions souveraines, s'emploie aussi, dans une autre acception, pour désigner le lieu où le souverain fait sa résidence; enfin, et c'est le sens que nous donnons dans cet article, au mot cour, il sert encore à exprimer la réunion des ministres, des officiers et des grands personnages qui entourent le prince. Frappés de l'éclat des cours de Constantinople et de Rome où se réunissait tout ce que le monde civilisé contenait alors d'hommes distingués par leurs lumières, par leurs talents,

(*) Trois incendies, arrivés en trente ans, et que l'on n'avait pu éteindre qu'avec du vin, avaient presque entièrement détruit cette ville.

et aussi par leurs richesses et par l'usage qu'ils savaient en faire, les rois barbares, qui les premiers se disputèrent les débris de l'empire, se hâtèrent de créer autour d'eux un état de choses qui devait rehausser aux yeux des peuples le prestige de leur puissance.

Dans l'organisation de leur cour, ils prirent pour modèle la cour des empereurs de Byzance, et leur imitation ne fut pas toujours aussi maladroite qu'on pourrait le croire. La cour des Visigoths à Toulouse, centre de la politique de tout l'Occident, intermédiaire entre la cour impériale et les royaumes germaniques, égalait en politesse, et surpassait peut-être en dignité celle de Constantinople. Voici la description qu'en a donnée un auteur contemporain, Sidoine Apollinaire, qui, exilé de l'Auvergne, était venu solliciter auprès du roi barbare l'autorisation de rentrer dans sa patrie : « J'ai pres« que vu deux fois la lune achever son « cours, et n'ai obtenu qu'une au«dience le maître de ces lieux trouve « peu de loisirs pour moi; car l'uni<< vers entier demande aussi réponse et a l'attend avec soumission. Ici, nous voyons le Saxon aux yeux bleus, intrépide sur les flots, mal à l'aise sur « la terre. Ici, le vieux Sicambre, tondu après sa défaite, laisse croître « de nouveau ses cheveux. Ici, se pro« mène l'Érule aux joues verdâtres, « presque de la teinte de l'Océan, dont << il habite les derniers golfes. Ici, le « Burgonde, haut de sept pieds, flé« chit le genou et implore la paix. Ici, l'Ostrogoth réclame le patronage qui fait sa force, et à l'aide du« quel il fait trembler les Huns, hum« ble d'un côté, fier de l'autre. Ici, toi« même, ô Romain, tu viens prier « pour ta vie; et quand le Nord me<< nace de quelques troubles, tu solli<< cites le bras d'Eurik contre les hor« des de la Scythie; tu demandes à la « puissante Garonne de protéger le « Tibre affaibli. »

«

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Certes, il y a loin de cette cour dont l'éclat frappait d'admiration les consulaires romains eux-mêmes, à ces vastes fermes situées sur la lisière des forêts, dans lesquelles les rois méro

vingiens se livraient avec leurs leudes à ces festins traditionnels parmi la race teutonique, où des sangliers et des daims entiers étaient servis tout embrochés, et où des tonneaux défoncés occupaient les quatre coins de la salle (*). C'est que les Francs n'étaient que des guerriers, dont toute l'ambition consistait à jouir à la manière de leurs aïeux des fruits de la conquête. Ils n'avaient eu avec l'empire que de lointaines relations, et n'avaient trouvé à renverser, à leur arrivée dans les Gaules, que les derniers débris de ce vaste corps, dont les Visigoths avaient encore pu admirer la savante organisation. Ils finirent cependant par comprendre les avantages de la civilisation, et Charlemagne, devenu maître de la plupart des provinces qui avaient composé l'empire d'Occident, adopta, en l'accommodant autant que possible aux mœurs nouvelles des peuples qui lui étaient soumis, le systeme d'administration qu'avaient suivi les empereurs. Mais il ne borna pas là ses emprunts; il voulut, sur son trône, être environné de la pompe qui accompagnait les princes dont il se disait le successeur. Il adopta les titres et le cérémonial en usage dans le palais des empereurs de Constantinople. « Une foule de petits rois ornaient sa cour et l'aidaient à donner cette représentation de l'empire. Le jeune Egberd, roi de Sussex, Eardulf, roi de Northumberland, venaient s'initier à la politesse des Francs. Tous deux furent rétablis dans leurs États par Charlemagne. Lope, duc des Basques, était aussi élevé à sa cour. Les rois chrétiens et les émirs d'Espagne le suivaient jusque dans les forêts de la Bavière, implorant ses secours contre le calife de Cordoue. Alphonse, roi de Galice, lui offrait de riches tapisseries qu'il avait prises au pillage de Lisbonne. Les Édrissites de Fez lui envoyèrent aussi une ambassade. Mais aucune ne fut aussi éclatante que celle d'Aroun-al-Raschid, calife de Bagdad, qui crut devoir entretenir quelques re(*) Voyez BRAINE, t. III, p. 317, et les Récits merovingiens, par M. Aug. Thierry, t. I, p. 315 et suiv.

lations avec l'ennemi de son ennemi, le calife schismatique d'Espagne. Il fit, dit-on, offrir à Charlemagne, entre autres choses, les clefs du saint sépulcre, présent fort honorable dont certes le roi des Francs ne pouvait abuser. Une horloge sonnante, un singe, un éléphant, durent causer un grand étonnement aux hommes de l'Ouest.

« C'est dans son palais d'Aix qu'il fallait voir Charlemagne. Ce restaurateur de l'empire d'Occident avait dépouillé Ravenne de ses marbres les plus précieux pour orner sa Rome barbare. Actif dans son repos même, il y étudiait sous Pierre de Pise, sous le Saxon Alcuin, la grammaire, la rhétorique, l'astronomie; il apprenait à écrire, chose fort rare alors. Il se piquait de bien chanter au lutrin et remarquait impitoyablement les clercs qui s'acquittaient mal de cet office (*). »

Mais cette cour, où l'on cultivait du moins encore les lettres et les arts, ne survécut guère au fondateur de l'empire. Ses successeurs n'avaient ni assez de loisirs pour imiter ses goûts littéraires, ni assez de revenus pour entretenir des courtisans.

Le système féodal, en disséminant pour ainsi dire le pouvoir, donna ensuite naissance à autant de réunions de courtisans, qu'il créa de souverainetés indépendantes. Mais aucune de ces réunions, pas même celle qui s'était formée autour de la royauté, n'était assez considérable pour mériter le nom de cour. Cependant, quand la hiérarchie féodale fut définitivement constituée, quand les rois eurent conquis le pouvoir de faire respecter leur suprématie, ils sentirent la nécessité de la faire constater d'une manière éclatante, en réunissant, à certaines époques, les détenteurs des principaux fiefs de la couronne. De là, ces cours plénières, réunions immenses, où le monarque, entouré de toute la noblesse du royaume, déployait un faste extraordinaire.

Après ces fêtes, où les seigneurs rivalisaient de luxe et quelquefois aussi

(*) Michelet, Histoire de France, t. I,

p. 331.

d'extravagances, ils se retiraient tous dans leurs terres, et n'en sortaient ensuite, à moins qu'ils ne fussent obligés de répondre à un nouvel appel du suzerain, que pour vider les querelles particulières qui pouvaient survenir entre eux. Le roi faisait de même, et sa cour redevenait solitaire comme auparavant. Cependant, à mesure que les domaines de la royauté prirent une étendue plus considérable, à mesure qu'elle se trouva plus en état de distribuer des faveurs, les nobles vinrent se grouper autour d'elle. Sous Charles V déjà, la cour était organisée. « Pour maintenir sa court en honneur, dit Christine de Pisan, ce prince avoit avec luy barons de son sang et autres chevaliers duis et apris en toutes honneurs... Ainsi, messire Burel de la Rivière, beau chevalier, et qui certes très - gracieusement, largement et joyeusement savoit accueillir ceux que le roy vouloit festoyer et honorer. »

C'était à l'hôtel de Saint-Pol que ce prince tenait sa cour. Christine nous à laissé, sur sa vie intérieure, de curieux détails :

a L'eure de son decouchier, au matin, estoit comme de six à sept heures. Donnoit audience mesmes aux mendres, de hardiement deviser à luy. Après, lui pigné, vestu et ordonné.... on lui apportoit son bréviaire; environ huit heures du jour, aloit à sa messe; à l'issue de la chapelle, toutes manières de gens povoient bailier leurs requêtes. Après ce, aux jour députez à ce, aloit au conseil, après lequel.... environ dix heures asseoit à table.... à l'exemple de David, instruments bas oyoit volontiers à la fin de ses mangiers.

«Lui levé de table, à la colacion, vers lui povoyent aler toutes manières d'étrangiers. Là luy estoient apportées nouvelles de toutes manières de pays, ou des aventures de ses guerres.... pendant l'espace de deux heures ; après aloit reposer une heure. Après son dormir, estoit un espace avec ses plus privés en esbatement, visitant joyauls et autres richeces. Puis aloit à vespres. Après... entroit, en été, en ses

jardins, ou marchands venoient apporter velours, draps d'or, etc. En hyver s'occupoit souvent à oyr lire de diverses belles ystoires de la sainte Escripture, ou des faits des romans ou moralités de philosophes et d'autres sciences, jusques à heure de soupper, auquel s'asseoit d'assez bonne heure, après lequel une piece s'ebastoit, puis se retrayoit. Pour obvier à vaines et vagues parolles et pensées, avoit (au dîner de la reine) un prud'homme en estant au bout de la table, qui, sans cesser, disoit gestes de mœurs vertueux d'aucuns bons trépassez (*). »

Mais la véritable cour de France, celle qui, plus tard, devint pour toute l'Europe le centre de la politesse et du bon goût, fut fondée par François Ier. Tirés de leurs châteaux par la guerre, retenus près du roi pendant la paix, par des fêtes brillantes et dispendieuses, les seigneurs s'habituèrent à y vivre, loin de leurs vassaux, au milieu desquels ils étaient jadis indépendants, et vinrent, sous les yeux d'un prince magnifique, dissiper leur fortune, et porter sur leur dos, comme dit Brantôme, les moulins et les prés de leurs pères.

Cette création d'une cour eut d'importants résultats; les femmes que le roi y attira en disant qu'une cour sans dames est une année sans printemps, et un printemps sans roses, adoucirent les mœurs et leur donnèrent plus de grâce et plus d'élégance. C'est alors que naquit ce charme de la société française, qu'on appela la galanterie, et dont François I fut le représentant le plus aimable, Louis XIV le plus beau modèle. Mais en perdant de leur rudesse, les mœurs perdirent aussi de leur austérité, et la corruption s'introduisit rapidement dans cette brillante société qui entourait le trône. Il y eut bientôt des favoris de toute espèce, qui exercèrent souvent une funeste influence. « Les charges et les bienfaits, dit Mézeray,

(*) Christine de Pisan, citée par M. Michelet, Histoire de France, t. III.

« PreviousContinue »