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le roi de leur dignité; aussi, fut-on obligé de leur défendre l'exercice de certaines professions, telles que celles de valets d'étuves et de fossoyeurs. Sous Louis XIII, la corporation se composait encore de trente individus, annonçant la vente des vins pendant la matinée, et publiant, comme une circonstance extraordinaire, l'arrivée des vins étrangers. Elle disparut entièrement dans la suite.

A côté des crieurs de vins il existait aussi des crieurs simples (*). Mais leur profession était peu lucrative et ils étaient obligés d'y joindre d'autres métiers; ainsi, une foule d'artisans ou de marchands criaient, dans les rues, les produits de leur industrie. La Taille de Paris sous Philippe le Bel nous offre, entre autres crieurs, un contribuable désigné par cette qualification remarquable, le crieur des aveugles; il était sans doute employé par les frères quêteurs de l'hospice des Quinze-Vingts, fondé par saint Louis, sur un terrain nommé le Champ

Pourri:

A pain crier mètent grant paine
E li avugle à haute alaine:
Du pain à cels de Champ-porri.
Or vous dirai en quele guise

Et en quele manière vont
Cil qui denrée à vendre ont,

Et qui pensent de lor preu (profit) fère,
Que ja ne finiront de braire
Parmi Paris jusqu'à la nuit..
Oiez c'on crie au point du jor:
Seignor! quar! vous allez baingner,
Et estuver sans délaier!

Li baing sont chaut, c'est sans mentir!..
L'autre crie:

Chaus pastez i a, chaus gastiaus!.
Huche et le banc sais bien refère,

Je fais mouet bien que je sais fère.....
J'esclairciroie pos d'estain,

Je relieraie hanaps...

Li autre crie à grant friçon:

Qui a mantel et peliçon

Si le m'aporte à rafaitier (raccommoder)!...
L'autre crie: chaume, i a chaume (paille).
J'ay jone paré pour mettre en lampes (**)....
Quant mort i a, home ne fame,

Crier orrez: proiez pour s'ame (son áme) (*) Voyez Taille de Paris sous Philippe le Bel. (Collection des documents pour l'histoire de France publiés par le ministère de l'instruction publique, page 502.)

(**) Ceci prouve que l'usage du coton n'était pas fort commun au treizième siècle. Ce jonc servait à faire des mèches.

A la sonette par les rues.

Le soir orrez, sans plus atendre, A haute voix sans délaier :

Diex, qui apèle loubloier? (marchand d'oublies).
Et autres choses assez crie
Que raconter ne vous sais mie.
Tant i a de denrées à vendre,
Que se j'avoie grant avoir
Et de chascun voussise avoir
De son métier une denrée

Il auroit moult corte durée; etc. (*). A l'époque de la révolution, les crieurs jurés, dont les statuts avaient été enregistrés au parlement en 1681, n'avaient guère retenu, de leurs anciennes fonctions, que celles de fournir aux obsèques les tentures, manteaux et habits de deuil, comme jadis robes, manteaux et chaperons pour ils devaient «< querir et rapporter les les funérailles. » Dans plusieurs villes, il y avait une pierre de la crie, sur laquelle on faisait les publications ou les enchères. Telle était à Paris la

pierre de marbre qui se trouvait dans la cour du palais. On appelait cri public, la proclamation et le ban faits des villes, surtout ceux par lesquels sur les places ou dans les carrefours on faisait connaître au peuple des ordonnances ou règlements de police. Alors, le crieur était accompagné de trompettes ou de tambours jurés. En matière criminelle, en cas d'absence de l'accusé, l'huissier, accompagné de plusieurs trompettes, donnait une assignation à huitaine par un cri public. Ce mot se prend aussi quelquefois dans le sens de clameur.

CRILLON, Credulio, Crillonium, ancienne seigneurie du comtat Venaissin, auj. du dép. de Vaucluse, érigée en duché en 1725.

CRILLON (famille de.) Louis de Balbe, ou Balbis de Berton de CRILLON, l'un des plus grands capitaines du seizième siècle, naquit à Murs en Provence en 1541. Sa famille était originaire du Piémont, et portait le nom de Balbe. Cadet de la famille, il prit le nom de Crillon, d'une terre que possédait son père, et ce nom, devenu illustre, fut dès lors

(*) Extrait des Crieries de Paris par Guillaume de la Villeneuve (treizième siècle).

porté par les aînés de la maison. Crillon fut recu chevalier de Malte au berceau, et devint, en 1557, aide de camp du duc de Guise, sous les auspices duquel il entra, la même année, dans la carrière qu'il devait illustrer par tant d'actions héroïques. Il contribua puissamment à la reprise de Calais, battit les conjurés d'Amboise, prit Rouen (1562), se battit ensuite à Dreux, à Saint-Denis, à Jarnac, à Moncontour, se trouva aux siéges de Poitiers et de Saint-Jean d'Angely; à toutes ces actions il fut blessé; « il << avoit été couvert, dit Brantôme, << d'une infinité de blessures, sans avoir « pu mourir par elles, les ayant tou<< tes reçues de la belle façon. » Lorsque la paix de Saint-Germain fut si gnée (1570), Crillon alla servir avec don Juan contre les Turcs, et se couvrit de gloire à Lépante. Don Juan le chargea d'aller porter la nouvelle de la victoire au pape Pie V, qui, pour le récompenser de la part glorieuse qu'il avait eue à cette bataille, accorda à sa maison le droit de posséder à Avignon une chapelle, ayant les mêmes priviiéges que celles des papes.

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De retour à Paris, Crillon fut témoin de la Saint Barthélemy, qu'il blåma énergiquement; il se trouva ensuite au siége de la Rochelle où il fut blessé; puis il accompagna le duc d'Anjou en Pologne, mission difficile, car il fallait traverser l'Allemagne alors remplie de huguenots émigrés, et dont Crillon se tira avec bonheur en faisant respecter partout le prince qu'il protégeait. Pendant la ligue, Crillon continua à servir Henri III; il fut blessé à la prise de la Fère (1580), devint ensuite lieutenant - colonel · général de l'infanterie française, charge créée pour lui et abolie après sa mort, et il fut blessé, en 1586, à la prise de la Bréole en Provence. Henri III ne suivit pas ses conseils à la journée des barricades, et se laissa battre. Cependant Crillon le suivit à Blois, où le roi, qui était résolu à se défaire des Guises, lui dit un jour: « Croyez<< vous que le duc de Guise mérite la << mort.- Oui, sire. Eh bien, c'est

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« vous que je choisis pour la lui don« ner. - J'y cours. - Arrêtez; vous << allez vous battre avec lui, ce n'est « pas ce que je veux le titre de chef << de la ligue le rend criminel de lèsemajesté. Eh bien, sire, qu'il soit jugé et exécuté.— Mais, Crillon, sen« tez-vous le risque que je cours? Je << ne puis juridiquement punir mon « ennemi, et c'est un coup non prévu qui doit lui arracher la vie. J'at« tends de vous ce service: l'épée de << connétable en sera la récompense. Crillon refusa de se déshonorer par une infamie, mais il donna sa parole qu'il n'avertirait pas le duc de Guise.

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Il défendit ensuite le pont de Tours contre Mayenne, qui allait surprendre Henri III dans cette ville, et y fut dangereusement blessé. C'est alors que Henri IV, étant allé le visiter, lui dit : « Je n'ai jamais craint que Crillon; » de cette époque date l'amitié qui exista ensuite entre ces deux hommes. Le même prince lui écrivit, après la bataille d'Arques : « Pends-toi, brave « Crillon, nous avons vaincu à Ar<< ques et tu n'y étois pas. Adieu, brave

Crillon, je t'aime à tort et à travers. » Remis de ses blessures, Crillon combattit à Ivry, se trouva au siége de Paris, défendit Quillebeuf contre André de Villars, se trouva au siége de Laon, à la prise d'Amiens, commanda, en 1600, l'armée de Savoie avec Sully, prit l'Ecluse, Chambéry, Montmélian, et reçut de Henri IV le titre de brave des braves. C'est tout ce que le roi lui donna: il fallait qu'il achetât les services de ses ennemis; pour ses amis, il ne lui restait plus que son amitié, et Crillon était homme à s'en contenter. Au retour de la campagne de Savoie, Henri IV le proclama devant la cour le premier capitaine du monde. « Vous en avez menti, sire,

«

D

répliqua Crillon; je ne suis que le « second, vous êtes le premier. » Crillon se retira alors dans ses terres; il avait besoin de repos. Il se livra dans sa retraite aux exercices d'une piété sincère, et ne s'occupa plus que de faire du bien à ceux qui l'entouraient. Cependant, le bouillant courage dont il avait

donné tant de preuves ne l'avait pas abandonné; on rapporte qu'entendant un jour la Passion à Avignon, il se leva, transporté de fureur, au récit des outrages dont le Christ a été l'objet, et s'écria, en brandissant son épée: Où étois-tu, Crillon? Il mourut en 1615.

Louis de Berton de Balbe de Quiers, duc de CRILLON - MAHON, naquit en 1718, et embrassa la carrière des armes. Il assista en 1734, à la bataille de Parme. Il servit ensuite sous les ordres du duc d'Harcourt, en Bavière; s'étant renfermé avec 350 Français dans Landau-sur-Iser, il arrêta, pendant treize heures, les dix mille hommes qui composaient l'avant-garde ennemie. On parlementa ensuite, Crillon, alléguant qu'il avait un ancien nom à soutenir, reçut cette réponse : « Monsieur, nous vous con<< naissons et estimons depuis le com<< mencement de cette campagne :

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et

néanmoins, pends-toi, brave Crilalon, tu seras pris. » Il le fut, en effet, et bientôt échangé. Il contribua, d'une manière particulière, au gain de la bataille de Fontenoy; il se distingua, la même année (1745), au combat de Nesle, et partagea la gloire de cette brillante affaire avec le marquis de Laval. Il fut nommé maréchal de camp après la prise de Namur. Durant la guerre de sept ans, il surprit la ville de Lippstadt, et c'était lui qui commandait à Weissenfels dans l'occasion dont Frédéric a parlé en ces termes : « Je fus arrêté à la tête de « mon armée par la valeur de dix-sept «< compagnies de grenadiers français.>> Il fut blessé à Rosbach, en 1753. On lui dut bientôt après la prise de Gættingue, et il fut nommé lieutenant général. Il forma, vers 1758, le projet d'une descente en Angleterre, et fut chargé du commandement de Boulogne, de l'Artois et de la Picardie; mais les chaloupes canonnières qu'il avait proposées ne furent pas adoptées. Lorsqu'il apprit qu'il allait être remplacé dans son commandement par le prince de Beauvau, il passa au service de l'Espagne, pour laquelle il fit,

en 1782, la conquête de l'île de Minorque. Mais il échoua devant Gibraltar. Il mourut à Madrid en 1796.

François-Félix-Dorothée, duc de CRILLON, frère du précédent, né à Paris en 1748, porta d'abord le titre de comte de Berton. Il était maréchal de camp quand il fut nommé député de la noblesse du Beauvoisis aux états généraux, en 1789. Il embrassa d'abord le parti populaire, et fut un des premiers de son ordre qui passèrent dans la chambre du tiers état; cependant, il resta toujours attaché au principe monarchique, et fut un des foudateurs de la société des Amis de la constitution, qui devint le noyau du club des feuillants, et vota toujours avec ce parti. Nommé lieutenant général en 1792, il servit à l'armée du Nord, sous Luckner; mais il fut ensuite accusé d'entretenir des intelligences avec les émigrés, obtint un congé et passa en Espagne. Il ne porta point les armes contre la France, et put ensuite revenir dans sa patrie, ou il vécut d'abord dans la retraite. Nommé pair de France après la seconde restauration, il resta fidèle à ses premiers principes, et fit constamment partie de l'opposition libérale de cette chambre. Il mourut à Paris, le 27 janvier 1820.

Marie-Gérard - Louis-Félix-Rodri

gue, duc de CRILLON, neveu du précédent, est né à Paris le 13 décembre 1782. Après avoir fait plusieurs campagnes sous le gouvernement impérial, il entra, en 1814, au service de Louis XVIII, et devint colonel du 2o régiment d'infanterie légère. Il fut admis en 1820 à la chambre des pairs comme héritier du titre de son père. Il fit, en 1823, la campagne d'Espagne, où il se distingua aux affaires de Despena-Peros et de la Caroline, et y gagna son grade de maréchal de camp. Son frère, Louis-Marie-Félix-Prosper, comte de CRILLON, né le 31 juillet 1784, a fait les campagnes de 1810 à 1814, a continué ensuite de servir, et est devenu maréchal de camp sous la restauration.

Louis-Alexandre-Nolasque - Félix,

marquis de CRILLON, né à Paris, en 1742, était maréchal de camp lorsqu'il fut nommé député du bailliage de Troyes aux états généraux; il y vota avec le côté gauche, et mourut, au mois de mai 1806, sans postérité.

CRINAS, médecin du premier siècle de l'ère chrétienne, né à Marseille. Cette ville n'offrant pas un assez vaste théâtre à son ambition, il se rendit à Rome, où Thessalus jouissait d'une grande réputation, qu'il s'était acquise par des moyens peu honorables. Crinas, pour la contre-balancer, se servit d'un moyen qui devait produire un grand effet sur le vulgaire. Il appela le ciel à son secours et ne donna ni remèdes ni aliments à ses malades sans avoir consulté les astres. Bientôt il éclipsa tous ses confrères et accumula d'immenses richesses. Pline rapporte qu'il laissa en mourant dix millions de sesterces, c'est-à-dire deux millions de francs, et il avait dépensé une somme à peu près égale pour faire relever les fortifications de sa ville natale.

CRISOPITI, petit peuple que l'on place ordinairement dans le diocèse de Quimper-Corentin, mais qui n'est mentionné comme habitant cette localité que par les auteurs des premiers siècles de l'ère chrétienne.

CRISTALLIERS. On appelait ainsi, au douzième siècle, les ouvriers qui « tra« vailloient de pierres de cristal et de << toutes autres manières de pierres « natureux. » On les nommait aussi pierreux ou perreux. C'étaient les joailliers, les lapidaires de l'époque.

Selon les statuts qui furent donnés en 1260, aux cristalliers, par Étienne Boileau, prévôt de Paris, la profession de ces artisans était libre. Ils ne pouvaient avoir à la fois qu'un apprenti, qui devait s'engager pour dix ans et payer à son maître cent sous en argent, ce qui montre que la profession etait longue et difficile à apprendre. Le contrat qui liait un maître et un apprenti devait être passé en présence des deux prud'hommes, gardes du métier, et les deux contractants devaient chacun une rétribution de cinq sous, au profit de la confrérie des perriers.

La veuve d'un cristallier, qui continuait la profession de son mari, ne pouvait point prendre d'apprentis, parce qu'on ne la supposait pas assez instruite pour former des jeunes gens destinés à la maîtrise.

Le travail de nuit était défendu aux cristalliers, et il leur était interdit de mêler des verres de couleur au cristal et aux pierres fines; mais cette défense ne fut pas toujours respectée, car on trouve fréquemment de ces mélanges dans des bijouteries du moyen âge.

Les infractions aux statuts de la corporation étaient punies d'une amende de dix sous au profit du roi.

CRITIQUE. Nous n'avons pas la prétention de donner, dans cet article, une histoire complète de la critique en France; nous allons seulement jeter un coup d'œil sur les destinées de cet art, depuis son apparition dans notre monde littéraire jusqu'à nos jours, citer quelques noms, et à propos de ces noms, présenter quelques-unes des réflexions qu'ils nous ont suggérées : encore ne s'agira-t-il ici que d'une seule espèce de critique, celle qui apprécie la valeur des ouvrages de l'esprit; celle qui a pour base le sentiment du beau, ou en d'autres termes ce qu'on nomme le goût, et qui, par comparaison avec un ideal plus ou moins pur, prononce des jugements plus ou moins irrévocables. Pour la critique historique nous renvoyons à HISTOIRE, et quant à la critique verbale, c'est à l'article PHILOLOGIE que le lecteur doit recourir s'il est curieux de connaître ce qu'a été en France la science des Estienne et des Casaubon.

La critique littéraire est déjà bien vieille chez nous, plus vieille qu'on ne le dit communément. Voilà tantôt trois siècles qu'un homme essayant, pour ainsi parler, de se substituer au public, se mit à décider des impressions que les autres devaient ressentir à la lecture de tels ou tels ouvrages, et entreprit de montrer à ses contemporains la bonne voie littéraire, ou du moins ce qu'il croyait la bonne voie. Cet homme, c'était Jean Dubellay, l'auteur de La défense et illustration

de la langue française. On sait avec quelle ardeur le seizième siècle s'était mis à étudier les chefs-d'œuvre ressuscités de l'antiquité grecque et romaine; qu'était-ce, au prix de tant de trésors, que les romans de la table ronde, ou même les poésies de Villon et de Marot? Il n'est donc pas étonnant que notre vieille littérature française soit promptement tombée dans le discrédit, et que Dubellay, pour relever, pour illustrer notre langue, pour faire ce que n'avaient pas fait nos aïeux, trop peu soucieux du bien dire, n'ait trouvé, n'ait donné, pour ainsi dire, qu'un précepte unique copier les anciens. Rome et Athènes sont tout pour lui; si l'on transporte corps et biens l'antiquité dans notre patrie, on aura, suivant Dubellay, une parfaite littérature. « Là doncques, François, dit-il dans << son fier et pittoresque langage, mar«< chez courageusement vers ceste su« perbe cité romaine et des serves dé« pouilles d'elles (comme avez fait plus << d'une fois), ornez vos temples et vos « autels.... Donnez en ceste Grèce « menteresse et y semez encore un « coup la nation des Gallo-Grecs. Pil<«<lez-moi sans conscience les sacrés a trésors de ce temple delphique, << ainsi que vous avez fait autrefois, et « ne craignez plus ce muet Apollon, « ses faux oracles, ni ses flèches rebouchées, etc. »

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Mais le livre de Dubellay n'était point une œuvre isolée ; il était comme le manifeste de l'école à laquelle Ronsard devait plus tard attacher son nom. Ce livre eut une influence immense, et l'on peut dire que les principes qui y sont développés régentèrent toute la deuxième moitié du seizième siècle. Il fallut cinquante années d'essais pour s'apercevoir de l'absurdité d'une méthode qui consistait à n'en avoir aucune, et pour comprendre que la première loi de l'imitation, c'est la retenue et le choix; il fallut que notre langue fût devenue une Babel, pour qu'on découvrît enfin que chaque nation, chaque langue a son génie propre, et que ce génie, il n'est pas bon de lui faire violence.

Ronsard, en admettant tous les vocables au même titre, même les gascons, les poitevins, les languedociens et les normands, ne fit que tirer les conséquences des principes établis par Dubellay et acceptés alors de tout le monde. En effet, s'il y a des richesses amassées à Rouen ou à Toulouse, pourquoi ne pas s'en emparer comme on s'enrichissait des dépouilles de Rome et d'Athènes? Les étranges admirations de Pasquier n'ont rien non plus qui doive nous étonner de la part d'un disciple de cette école. C'est à juste titre qu'il proclame la supériorité de du Bartas sur Ovide, si l'on admet que copier c'est avoir du génie, et que charger un tableau c'est l'enrichir. II est incontestable qu'il y a beaucoup moins dans les vers d'Ovide sur le chaos, que dans ceux-ci que Pasquier trouve incomparables :

Le feu, la terre, l'air, se tenaient dans la mer : La mer, le feu, la terre, étaient logés dans l'air. L'air, la mer et le feu dans la terre, et la terre Chez l'air, le feu, la mer, etc.

Enfin Malherbe vint, comme dit Boileau; il montra, et par ses précep tes et surtout par ses exemples, ce qu'il fallait prendre aux anciens et ce qu'il fallait leur laisser. Il proclama l'inviolabilité de la langue française et réduisit à une raisonnable signification le fameux axiome posé par du Bellay. C'est de Malherbe que date la saine critique comme la belle poésie ; et cette sorte de despotisme que le poëte exerça sur le goût de ses contemporains, n'est peut-être pas le moindre de ses titres à notre respect et à notre reconnaissance. Cependant la critique de Malherbe fut surtout grammaticale, et du style il ne vit le plus souvent que l'extérieur. Mais alors c'était là le point essentiel; il s'agissait de savoir si jamais l'on écrirait en français; il s'agissait de savoir si le patois conserverait son empire; en un mot, il avait, comme il le dit luimême, à dégasconner la France: tentative plus grande qu'on ne dit, qu'il poursuivit pendant quarante ans avec une rare persévérance, et qui eut enfin un olein succès.

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