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tionner la belle route du Simplon. Le
13 ventôse (4 mars), après la conclu-
sion du traité de Lunéville, qui con-
firmait les clauses stipulées à Campo-
Formio, il ordonna, pour les derniers
jours de l'année républicaine, une ex-
position des produits de l'industrie na-
tionale. Le 28 du même mois, de nou-
velles combinaisons diplomatiques, ar-
rêtées entre la France et l'Espagne,
donnèrent à la république le duché de
Parme, dont le souverain reçut en
échange la Toscane, avec le titre de roi
d'Etrurie, ce qui servit à manifester
la nouvelle politique du gouvernement
français, devenu tout à coup fondateur
d'une monarchie dans le même pays
où il multipliait naguère les républi-
ques et se proclamait l'ennemi irré-
conciliable de la royauté..Le 7 germi-
nal (28 mars), la paix fut signée avec le
roi des Deux-Siciles; et l'île d'Elbe,
ainsi que la principauté de Piombino,
furent cédées à la France. Des négo-

ciations furent ensuite entamées avec
Rome, par l'intermédiaire du cardinal
Fesch, oncle de Bonaparte, pour le ré-
tablissement du culte catholique en
France, et le 26 messidor an IX (15
juillet 1801), un concordat fut con-
clu entre le pape Pie VII et le pre-
mier consul. (Voyez CONCORDAT.)
Le 26 fructidor suivant, la France et
la Bavière redevinrent amies; le 12,
les débris glorieux de l'expédition d'É-
gypte évacuèrent le sol africain (voyez
EGYPTE [expédition d'], KLEBER et
MENOU]); enfin, la réconciliation des
cabinets de Paris et de Lisbonne ou-
vrit la dixième année républicaine par
le traité de Madrid. Bientôt les dispo-
sitions hostiles de la Russie, de la
Porte ottomane et de l'Angleterre, à
l'égard de la république, firent place à
des dispositions pacifiques, et le 4 ger-
minal (24 mars 1802), le traité d'A-
miens, désarmant les puissances dont
l'opiniâtreté avait repoussé jusque-là
toute transaction avec la révolution
française, fit jouir les nations euro-
péennes des bienfaits d'une paix géné-
rale.

Pendant la guerre qui venait de finir, la marine française avait été presque

entièrement ruinée; 340 vaisseaux avaient été pris ou détruits, et la plupart des colonies étaient tombées au pouvoir de l'Angleterre. Celle de SaintDomingue, la plus belle de toutes, était devenue la propriété des noirs, qui cherchaient à défendre contre la métropole leur indépendance qu'ils avaient su maintenir contre les efforts de l'étranger. Il eût été sage de leur laisser une liberté qu'ils avaient si chèrement acquise, et de chercher seulement à obtenir d'eux les conditions les plus avantageuses pour notre commerce. Le premier consul crut pouvoir acquérir, en les soumettant, de nouveaux droits à la reconnaissance de la nation; il s'était cruellement trompé : l'expédition qu'il fit partir de Brest et de Rochefort, sous les ordres de son beau-frère Leclerc, n'aboutit qu'à faire périr, sous un ciel brûlant, une des plus belles armées de la république, et qu'à conduire à Paris, comme captif, ce Toussaint Louverture, dont le génie inculte et les dispositions amicales auraient pu être si utiles à la France dans le nouveau monde.

Cependant une opposition courageuse s'était formée dans le tribunat, à mesure que le consul avait développé ses vues despotiques; mais celui-ci, décidé à briser violemment toutes les résistances que pourraient rencontrer ses desseins, et à aplanir les voies à sa domination en effaçant devant elle tout vestige d'indépendance, se débarrassa, par une élimination, des derniers défenseurs de la cause populaire. Daunou, Chénier, etc., furent rendus à la vie privée, le 16 ventôse an x (7 mars 1802), et, comme si un acte de haute sagesse ou une mesure d'utilité générale devait toujours absoudre Napoléon d'une action répréhensible, l'expulsion des tribuns fidèles aux principes de la révolution coïncida avec l'invitation faite à l'Institut de présenter un tableau des progrès et de l'état des sciences, des lettres et des arts, depuis 1789 jusqu'au 1er vendémiaire de l'an x (23 septembre 1801.)

Après la paix d'Amiens, Bona

parte, sentant approcher le moment de manifester entièrement ses prétentions, et d'indiquer enfin le terme qu'il avait fixé lui-même à son élévation, s'efforça de gagner la confiance et l'amour des partisans de la monarchie par la réorganisation du culte catholique, par le rappel des émigrés (*), et sans doute aussi par l'institution de la Légion d'honneur. Il y avait pourtant encore un degré entre lui et le trône. D'une magistrature temporaire à l'hérédité la transition eût été trop brusque. Pour disposer insensiblement les esprits à l'abandon des formes républicaines, et pour sonder l'opinion publique à cet égard, il fit émettre par le tribunat le vœu « qu'il << fût donné au premier consul un gage « éclatant de la reconnaissance natio<nale; » le sénat délibéra sur ce vœu et rendit un sénatus-consulte par lequel il était réélu, d'avance, consul pour dix ans. Il espérait être élu à vie. Il dissimula son mécontentement et déclara qu'il fallait consulter la nation. Ses collègues rendirent un décret ainsi conçu: " Bonaparte sera-t-il nommé consul à vie?» Et pour que cette question fût plus sûrement résolue comme il le désirait, il fit courir le bruit que l'armée était prête à le proclamer. Il y eut quelques citoyens énergiques qui ne craignirent pas de donner un vote négatif sur cette aliénation viagère de la souveraineté nationale. Trois ou quatre membres du sénat restèrent étrangers à l'empressement de leur corps, et deux tribuns, Carnot et Duchêne, échappés à l'élimination, repoussèrent avec énergie les vœux serviles dont leurs collegues se disputaient alors l'initiative. Mais ils trouvèrent peu d'imitateurs, et le 14 thermidor an x (2 août 1802), le

(*) Le rappel des émigrés fut, Bonaparte l'a avoué à Sainte-Hélène, une mesure fatale à lui-même, à la France, à la révolution. Cent mille proscrits rentrèrent en France, sans avoir oublié leurs anciennes préventions que l'exil avait même rendues plus vives, et vinrent puissamment seconder les efforts des partisans de la réaction monarchique.

sénat, sur la décision du tribunat et du Corps législatif, et avec l'assentiment du peuple, consulté comme il l'avait été pour la constitution de l'an VIII, porta le décret suivant : 1. Le peuple français nomme, et le sénat proclame Napoléon Bonaparte premier consul à vie.

2. Une statue de la Paix, tenant d'une main le laurier de la victoire, et de l'autre le décret du sénat, attestera à la postérité la reconnaissance de la nation.

3. Le sénat portera au premier consul l'expression de la confiance, de l'amour et de l'admiration du peuple français.

Un décret du sénat compléta cette révolution, en accommodant au consulat à vie la constitution de l'an VIII. Par ce décret, connu dans l'histoire sous le nom de sénatus - consulte de l'an x, les électeurs furent nommés à vie, comme le premier consul, qui put à volonté augmenter leur nombre; le sénat eut le droit de changer les institutions, de suspendre le jury, de mettre les départements hors de la constitution, de dissoudre le Corps législatif et le tribunat; enfin, le conseil d'État fut renforcé, et le tribunat réduit à 50 membres, en attendant que l'on pût le supprimer entièrement.

Le 3 pluviose (23 janvier 1803), une nouvelle organisation de l'Institut eut lieu, et la classe des sciences morales et politiques fut supprimée.

Trois mois après, la guerre recommença avec la Grande-Bretagne pour la possession des îles de Lampedosa et de Malte. Tandis qu'une armée de cent cinquante mille hommes, destinée à tenir l'Angleterre en respect, par la menace d'une invasion, se concentrait à Boulogne, où, dès 1801, une flottille considérable avait été réunie (*), une autre armée occupait le Hanovre et y faisait prisonnière l'armée anglaise, dont le général en chef, le duc de Cambridge, n'évita le même sort que par la fuite. Le 3 messidor, Bonaparte quitta Paris, visita la Belgique, ordonna la construction d'un

(*) Voyez BOULOGNE (camp de).

canal de jonction entre le Rhin, la Meuse et l'Escaut, et rentra aux Tuileries le 23 thermidor. Toujours préoccupé de l'agrandissement de son autorité et de la crainte des oppositions populaires, il fit rendre le 28 frimaire, sur la proposition du conseil d'État, un sénatus-consulte qui devait lui assurer définitivement la soumission et le silence du Corps législatif. Outre la nomination du président qu'il se réserva, il voulut que les décisions fussent prises sans commissions préalables ni rapporteur, c'est-à-dire sans discussion.

L'Angleterre, remise en état d'hostilité contre la France, ne tarda pas à s'adresser encore aux passions qu'elle n'avait cessé de solder pendant tout le cours de la révolution, pour déchirer la république. George Cadoudal, l'un des plus habiles et des plus audacieux d'entre les chefs de la chouannerie, s'associa à Pichegru pour renverser Napoléon, avant qu'il se fût placé sur le trône; mais cette conspiration ne servit qu'à hâter l'événement qu'elle était destinée à prévenir. George fut arrêté, convaincu et mis à mort; Pichegru fut trouvé étranglé dans sa prison; le général Moreau, accusé et convaincu d'avoir été leur complice, subit la peine du bannissement; enfin d'autres conjurés, tels que Polignac et Rivière, obtinrent leur grâce par l'entremise de Joséphine. Cependant, ce complot mit Bonaparte dans une grande exaspération il voyait que les Bourbons n'avaient d'autre but que de lui ôter la vie. Il savait que les ambassadeurs anglais à Munich et à Stuttgard tramaient des complots contre lui. Il apprit tout à coup qu'un rassemblement d'émigrés s'était formé sur le Rhin, et que le duc d'Enghien se trouvait à Ettenheim, à quatre lieues de la frontière, et qu'il avait auprès de lui Dumouriez. « Suis-je donc un chien,

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Strasbourg, de là à Vincennes, livré à une commission militaire, interrogé, jugé, condamné en quatre heures, et fusillé sur-le-champ. [Voyez CONDÉ (famille de), t. V, p. 526.]

Bientôt après eut lieu la motion du tribun Curée pour l'établissement d'un gouvernement impérial héréditaire en faveur de Bonaparte et de sa famille Cette motion ne rencontra qu'un seul opposant au tribunat. Duchêne avant donné sa démission, la défense de la cause républicaine passa tout entière à Carnot, qui remplit glorieusement sa tâche et se montra le digne organe de la liberté expirante. Le vœu des tribuns n'en fut pas moins accueilli, par les autres corps de l'État, avec l'enthousiasme servile qui avait éclaté lors de la proposition du consulat à vie. Le 28 floréal (18 mai 1804), un sénatus-consulte organique réforma la constitution de l'an VIII, déjà modifiée, nous l'avons vu, par le sénatusconsulte de l'an x, et revêtit Napoléon Bonaparte du titre d'empereur, qui fut déclaré héréditaire dans sa famille.

Ainsi donc, dans sa durée qui fụt de quatre ans et demi (novembre 1799

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mai 1804), le consulat se divise en trois parties bien distinctes: le consulat provisoire, le consulat pour dix ans, le consulat à vie. Le premier n'eut qu'un mois d'existence, le second dura deux ans et demi, le troisième un peu moins de deux ans.

Si court qu'il ait été, le consulat provisoire ne doit pas être confondu avec les deux autres, il marque une époque à part, un temps d'arrêt entre le passé de la révolution et son avenir. D'abord, la puissance y fut exercée collectivement par trois consuls, égaux en droits, sinon en génie; ensuite il fut, en grande partie, employé à la confection d'une nouvelle constitution qui devait décider du sort de la France; moment solennel, comme il s'en rencontre peu dans l'histoire,

Cette unité dans le gouvernement que plusieurs fois la Commune de Paris avait, sans succès, tenté d'établir, cette unité qu'avaient inutilement rêvée les jacobins et la plupart des chefs de

la Montagne, pour laquelle enfin Robespierre avait porté sa tête sur l'échafaud, elle allait donc se réaliser, consolider à jamais la révolution et lui permettre de se répandre dans toute l'Europe, pour la renouveler à son image. Telles étaient les espérances qu'avait fait naître la chute du Directoire, pentarchie bizarre, avec tous les inconvénients du pouvoir et sans presque aucun de ses avantages. Mais le nouveau gouvernement, devenu législateur lui-même par suite du coup d'État du 18 brumaire, saurait-il se défendre de l'abus de la victoire et ne pas tromper la confiance aveugle d'un peuple qui passe si facilement d'un excès à un autre? Voilà ce que se demandaient avec inquiétude les esprit sérieux, qui voulaient bien perfectionner l'ouvrage de la Constituante et de la Convention, mais non pas le détruire.

Malheureusement le consulat provisoire était représenté par trois hommes qui n'offraient que de faibles garanties pour les principes de liberté professés par la Constituante et les sentiments d'égalité proclamés par la Convention. Roger - Ducos, honnête homme du reste, mais en qui la nullité d'esprit le disputait à la faiblesse de caractère, n'était qu'un personnage subalterne sur lequel on ne pouvait compter et qui devait inévitablement se ranger du côté du plus fort. Restaient Sieyès et le général Bonaparte, dévorés d'ambition tous les deux, mais tellement inégaux et s'appuyant sur des forces si disproportionnées que l'on rit encore aujourd'hui de la prétention de Sieyes à se poser en rival de Napoléon. Homme sans cœur et sans caractère, métaphysicien politique plus que penseur profond, Sieyès espérait faire de la force avec le syllogisme et de la diplomatie avec des subtilités de collége. Et contre qui, grand Dieu! contre un soldat plein de génie, couvert de gloire, diplomate consommé, sachant raisonner juste, quand il daignait s'en mêler, mais préferant clore toute discussion avec l'argument des baïonnettes. Assurément une des circonstances qui eut l'influence la plus fâcheuse

sur Napoléon, c'est de s'être trouvé ainsi en contact avec Sieyès. Jugeant les idées révolutionnaires sur celles de cet abbé qui avait joué un si grand rôle à l'Assemblée constituante et qui avait traversé la Convention, il prit en grand mépris les partisans du système représentatif et il les traita publiquement comme des idéologues.

Cependant il fit un choix dans les élucubrations de l'abbé Sieyès, et il arrangea à sa convenance le plan de cette fameuse constitution qui instituait un sénat conservateur et l'ombre d'un monarque sous le nom singulier de proclamateur-électeur. Napoléon renvoya

le proclamateur à l'engrais ; mais il conserva le sénat qui lui servit plus tard à absorber tout ce qui restait encore des institutions parlementaires. De la sorte, ce fut un membre de la Consti tuante qui fournit à un général victorieux les moyens de détruire les assem blées nationales en France; il est vrai qu'un mois auparavant, le 18 brumaire, ce même homme, caché dans une voiture, avait joué le rôle de complice dans la violation du Conseil des Cinq-Cents, après avoir assisté, en 1789, au serment du Jeu de paume. En récompense de tant de services et pour lui faire oublier sa défaite, le général Bonaparte le fit sénateur luimême et consola son avarice en lui prodiguant les indemnités pécuniaires.

Mais il fut évident que l'unité gouvernementale, enfin réalisée par le consulat provisoire, faisait divorce avec la révolution, au lieu de lui apporter des forces nouvelles, et que cette unité allait devenir un instrument de conquêtes plutôt qu'un instrument de civilisation. Trahie par un de ses principaux auteurs, la révolution fut livrée, pieds et poings liés, au despotisme militaire. Plus de garantie, plus de liberté de la presse, plus de tribune, plus d'indépendance; en retour, de la grandeur matérielle et de la gloire. Peu de jours avant l'achèvement de la constitution, il se passa au sein de la commission législative une scène qui fit pressentir l'usage que le premier consul allait faire du pouvoir qui luí

était confié. Quelques membres de cette commission insistaient pour que, dans le but de prévenir une usurpation violente, le sénat eût le droit d'absorber le premier consul. « Cela ne << sera pas, s'écria Bonaparte, frappant « du pied; cela ne sera pas: il y aura plutôt du sang jusqu'aux genoux! » Dès lors, on put prévoir l'empire, et, en effet, chaque pas du général Bonaparte, soit pendant le consulat pour dix ans, soit pendant le consulat à vie, le rapprocha des degrés du trône.

«

Du reste, jamais on ne vit une époque mieux remplie que les quatre années du consulat; il semble que Bonaparte multipliait à dessein les prodiges pour se montrer plus digne de la récompense à laquelle il aspirait. La bataille de Marengo, le traité de Lunéville, la bataille de Hohenlinden, la paix d'Amiens, le concordat, le code civil, des traités avec toutes les puissances du continent, le camp de Boulogne, l'incorporation du Piémont à la France, le remaniement de l'Italie et de l'Allemagne, sans compter trois constitutions, la première en l'an VIII, la seconde en l'an x, la troisième en l'an XII; voilà certes plus d'événements pressés en quelques années qu'il n'en faudrait pour illustrer un long règne. Cependant, si brillante qu'ait été la politique extérieure du consulat, on ne saurait la louer sans restriction. Au dehors comme au dedans, l'ambition de Bonaparte l'emporta trop loin, et l'ivresse du triomphe l'égara dans une fausse route.

Le coup d'État du 18 brumaire lui avait livré la France; la bataille de Marengo, en lui livrant une seconde fois l'Italie, le rendit prépondérant en Europe. Bientôt, par suite de la victoire de Hohenlinden et des préparatifs du camp de Boulogne, l'Angleterre elle-même, quoique l'assassinat de Paul Ier eût rompu l'alliance si habilement conclue par le premier consul avec la Russie, fut obligée de signer la paix d'Amiens. Vers la fin du consulat, toutes les grandes puissances recherchaient l'amitié de la république française; l'Italie et la Suisse s'étaient

placées sous son protectorat; tous les petits États de l'Allemagne commencaient à entrer dans sa sphère d'attraction; la Prusse, séduite par le lot qui lui avait été fait dans le partage des indemnités, paraissait peu disposée à se lancer dans les hasards d'une troisième coalition; l'Autriche vaincue assistait sans murmurer à la dissolution du saint-empire; la Russie, bien que gouvernée par Alexandre, reprenait peu à peu la politique de Paul Ier; l'Espagne était redevenue notre amie, comme à l'époque des traités de Bâle et de Campo-Formio; le Portugal, dernier pied à terre des Anglais, avait imité l'exemple de l'Espagne; le catholicisme était réconcilié avec nous; un pape, admirateur du général Bonaparte et nommé par l'influence du premier consul, occupait la chaire de Saint-Pierre; tout le continent, enfin, avait appris à respecter la république française et à subir son ascendant. Le triomphe de Marengo avait donc soumis l'Europe à la politique de la France, comme le triomphe du 18 brumaire avait soumis la république française à la politique du général Bonaparte. Quel début pour l'unité gouvernementale! l'ordre à l'intérieur, la prépondérance au dehors, tels avaient été les premiers résultats : en se faisant homme, la révolution s'était faite européenne.

en

Mais en se faisant homme aussi, elle s'était mise à la discrétion d'un jeune capitaine, plus habitué à vaincre l'ennemi qu'à se vaincre lui-même. Quel usage allait-il faire d'un si grand pouvoir? De sa détermination, dépendait le sort du monde entier. Évidemment il fallait qu'il se servit de sa dictature pour remanier et pour rajeunir l'Europe; c'était surtout dans ce but qu'une si grande force de concentration avait été introduite dans le gouvernement consulaire. Mais dans quel moule allait il jeter le vieux monde féodal pour en faire sortir une Europe nouvelle? Là était le secret de l'avenir. H s'agissait de savoir si, respectant l'indépendance des nations modernes, le premier consul aurait la

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