Page images
PDF
EPUB

magnanimité de se borner au rôle de libérateur et de protecteur, ou bien, au contraire, si, préférant le rôle de conquérant, il voudrait agglomérer tous les États en un seul, s'ériger en dictateur européen et poursuivre le rêve de la monarchie universelle. Sa belle conduite pendant sa première campagne d'Italie faisait espérer la solution la plus noble et la moins aventureuse; son caractère dominateur, l'apprentissage de l'absolutisme militaire qu'il avait fait en Égypte, sa violence au 18 brumaire et son système politique dès le commencement du consulat faisaient craindre la solution la plus violente et la plus favorable à son ambition personnelle.

C'est, en effet, ce dernier parti qu'embrassa Bonaparte. Absorbé dans l'admiration des grands hommes de Plutarque, il voulut ressusciter César et l'empire romain; il espéra les dépasser peut-être. Seulement, avant de s'élever à la hauteur de cet ancien modèle, et pour concilier son ambition toute païenne avec l'esprit des temps modernes, il comprit qu'il fallait monter successivement les échelons de la grandeur, en prenant tour à tour le masque de Louis XIV, de CharlesQuint et de Charlemagne. Voyant avec quelle facilité la révolution française s'était faite homme, il s'imagina que la révolution européenne consentirait aussi à s'incarner en lui. D'ailleurs, il compta sur ces mêmes baïonnettes qui ne lui avaient pas été inutiles pour réussir en France. Il y avait longtemps que sa décision était prise, car s'il n'avait pas été dominé par des projets de conquêtes et de puissance matérielle, il ne se serait pas fait une part de lion dès le 18 brumaire, et il n'aurait pas systématiquement ruiné le pouvoir législatif, au moment où l'éloquence de la tribune, soutenue par l'épée d'un gouvernement unitaire, aurait répandu dans le monde entier les principes régénérateurs de la révolution. Dans les derniers temps du consulat surtout, le doute ne fut plus permis. L'incorporation du Piémont à la France montra que Bonaparte n'en

tendait pas respecter les nationalités, comme la fondation du royaume d'Etrurie avait fait pressentir que le fondateur des républiques italiennes travaillerait bientôt au rétablissement de la monarchie absolue. Ces deux faits étaient la conséquence d'un même système, car, pour conquérir, il faut un pouvoir sans limites.

Ses désirs furent exaucés ; la constitution de l'an XII, dernier acte du consulat, plaça la couronne impériale sur la tête de Napoléon. Eh bien! malgré d'innombrables victoires, malgré des flots de sang répandus, il ne put parvenir à soumettre l'Europe. L'empereur a passé, et le continent est toujours couvert d'un grand nombre de nations indépendantes. On peut donc dire que le premier consul se trompa dans son système diplomatique comme dans sa politique intérieure. Son erreur fut d'autant plus funeste, qu'elle nous enleva cette prépondérance que la bataille de Marengo nous avait rendue, et qu'à cette heure les principes qui règnent en Italie, en Allemagne, en Suisse, et sur presque tout le continent, ne sont plus ceux de la révolution française comme en 1804, mais ceux de l'aristocratie anglaise et de la coalition des rois. Ainsi le premier consul sacrifia un triomphe certain qui avait commencé la régénération de l'Europe, à une illusion chimérique qui fit reculer d'un demi-siècle cette régénération. Car on ne saurait trop le répéter, à la fin du consulat, l'élément français était victorieux partout, et il ne restait plus qu'à cimenter sa victoire. Et qu'on ne dise pas que cette victoire ne pouvait être cimentée que par le despotisme impérial, puisque c'est la violation de l'indépendance nationale de l'Espagne, de l'Italie et de l'Allemagne, qui, jointe au renversement de la liberté en France, a amené la chute de l'empereur. Qu'auraient pu faire l'Angleterre et la Russie, si habiles et si puissantes qu'on les suppose, contre l'association de l'Italie, de l'Espagne et de la France, unies par les liens d'une alliance fon

dée sur le respect de la nationalité, et s'appuyant sur la Pologne et sur les petit États de l'Allemagne? Elles auraient été impuissantes en présence d'un pareil faisceau de peuples libres; l'Allemagne se serait peu à peu transformée, et la civilisation grandissant toujours, et parvenant jusqu'à elles, aurait fini par les convertir à la cause du progrès. L'histoire aurait quelques batailles de moins à enregistrer peutêtre; mais Napoléon n'en serait que plus grand, et personne n'aurait le droit de lui reprocher d'avoir toujours abusé de ses victoires.

Ainsi considéré, le consulat est une des époques de notre histoire qui mérite le plus d'être méditée. Soit pour la politique intérieure, soit pour la politique extérieure, soit pour la diplomatie, il commence une ère nouvelle, où la révolution, désormais victorieuse des obstables qui l'entravaient au dedans et au dehors, commence à devenir maîtresse de ses propres destinées et de celles de l'Europe. Malheureusement elle n'arrive à cette haute position qu'épuisée par dix ans de luttes intestines; et, passant d'une extrême défiance à un abandon absolu, le peuple français confie aveuglément le soin de sa fortune à un jeune ambitieux, que son génie et l'admiration qu'il inspire finit par aveugler et par mener à sa ruine.

CONSULS, titre commun à plusieurs espèces de fonctionnaires. Au moyen âge, on donnait ce titre aux magistrats des cités qui s'administraient par elles-mêmes, et quelquefois aux chefs des communes; mais il ne fut guère employé que dans les provinces méridionales, où les traditions des municipalités romaines et de fréquents rapports avec l'Italie avaient maintenu des formes plus républicaines que dans les communes du Nord. Les fonctions de ces consuls étaient les mêmes que celles des jurats à Bordeaux, des capitouls à Toulouse, et des échevins dans d'autres villes.

Plusieurs communautés d'arts et métiers, dans les villes commerçantes, donnaient aussi à leurs syndics le nom

de consuls; mais ces officiers n'exerçaient qu'une simple inspection sans juridiction.

Les consuls des marchands étaient des officiers de justice choisis parmi les marchands et négociants, faisant actuellement commerce, ou qui l'avaient fait précédemment, pour remplir pendant un an les fonctions de juges, et connaître de toutes les contestations relatives au commerce. A Paris, le tribunal consulaire était composé d'un juge, et de quatre consuls élus par trente délégués représentant eux-mêmes les soixante bourgeois marchands qui les avaient choisis. Le juge présidait; il devait avoir au moins quarante ans, et les consuls vingt-sept. Il fallait que tous fussent d'un commerce différent. Il leur était défendu de prendre aucunes épices, ni de recevoir aucun présent des parties, sous peine de concussion. Les sentences des consuls emportaient la contrainte par corps pour l'exécution des condamnations. Tous ceux qui faisaient le commerce, même les ecclésiastiques et autres privilégiés, étaient justiciables de ces tribunaux. Il y avait trois audiences par semaine, et l'on comptait quelquefois plus de cinquante. mille sentences rendues dans le courant d'une année.

Toutes les justices consulaires étaient royales et réglées à peu près comme celle de Paris. Au dix-huitième siècle, on comptait soixante-sept villes dotées de justices consulaires. Toulouse était celle où cette institution était la plus ancienne. Voici l'énumération de ces villes, avec la date de la création des tribunaux consulaires :

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

T. vi. 4° Livraison. (DICT. ENCYCL., ETC.)

Langrès..

1611

La Rochelle

Lille.

Limoges

1565 1595 1602

Lyon....

1595

Mans, Marseille, Montauban.

[blocks in formation]

1710

Nantes, Narbonne, Nevers, Nîmes.

1710

Niort...

Orléans.

Paris..

Poitiers...

Saint-Malo..

1710
1691

1565

1563
1563

1566

1710 1564 1567

1710

consuls de première et de deuxième classe (*), et d'élèves consuls.

L'instruction du 8 août 1814, onze ordonnances datées des 20, 21, 23 et 24 août; 23, 24, 25, 26, 27, 29 octobre et 7 novembre 1833, enfin, la loi de 1836 sur les attributions des consuls dans le Levant et en Barbarie, en matière criminelle, contiennent tous les documents que notre cadre nous empêche de détailler ici.

Pour les consuls de la république 171 française, établis après le coup d'État du 18 brumaire, nous renvoyons le lecteur aux articles CONSTITUTIONS et CONSULAT.

1711

Rennes....

Reims...

Riom, Rouen...

Saint-Quentin, Saintes..

Saulieu..

Saumur..

1566

[blocks in formation]

CONTADES (L.-H. Érasme, marquis de), maréchal de France, né en 1704, était fils d'un lieutenant général qui se signala sous Louis XIV et Louis XV. Colonel en 1734, il fit avec distinction les campagnes d'Italie et de Corse, et devint maréchal de camp en 1739. Employé tour à tour aux armées de Westphalie, du Rhin, et de Flandre, aux journées d'Hastenbeck, de Crevelt, Contades reçut, en 1758, le commandement général de l'armée d'Allemagne et le bâton de maréchal.

La perte de la bataille de Minden, due, selon lui, à la trahison du maréchal de Broglie, le fit bientôt rappeler en France, et remplacer par Broglie lui-même, à qui la cour avait donné raison.

En 1762, il obtint le commandement de l'Alsace où il séjourna longtemps. Le marquis de Contades, qui était, en 1788, le doyen des maréchaux de France, mourut à Livry en 1795. Ses deux petits-fils ont gagné au service des princes, pendant l'émigration, le grade de maréchal de camp.

CONTAT (Louise), actrice de l'ancien Théâtre - Français, naquit à Paris, en 1760. Elle y débuta, sans trop de succès, dans le rôle d'Atalide de Bajazet; mais bientôt, ayant trouvé l'emploi qui lui convenait, elle joua les ingénues et les grandes coquettes avec une supériorité que ma

(*) Ces consuls de deuxième classe remplacent depuis le 20 août 1833 les anciens vice-consuls.

demoiselle Mars a pu seule faire oublier en la dépassant. Après avoir rempli les rôles du vieux répertoire et plusieurs rôles nouveaux, elle eut le plus éclatant succès dans celui de Suzanne, que Beaumarchais lui confia lorsqu'il fit représenter le Mariage de Figaro. On raconte qu'à la première représentation de cette pièce, le vieux Préville vint l'embrasser dans la coulisse, en s'écriant : « Voilà la première «< infidélité que mademoiselle Dangea ville éprouve de ma part! » A partir de ce jour, mademoiselle Contat fut nécessaire au succès de toutes les comédies qu'on mit au théâtre, et presque toutes furent faites pour être jouées par elle. Elle quitta la scène dans un âge peu avancé, soit à raison de quelques dégoûts qu'elle éprouva dans une carrière qu'elle aimait avec passion, soit à cause de son embonpoint qui devenait excessif. Ce fut pour le théâtre une perte qu'on serait tenté d'appeler irréparable si on ne se rappelait qu'à l'époque de sa retraite, arrivée en 1808, mademoiselle Mars était déjà dans la fleur de son admirable talent. En se retirant de la scène, mademoiselle Contat épousa M. de Parny, neveu du poëte de ce nom. Elle mourut en 1813, regrettée de ses nombreux amis, qui tous lui ont rendu cet hommage, qu'elle était aussi distinguée par les qualités de l'âme et du cœur que par la finesse et l'esprit que décelaít assez son admirable talent.

Sa sœur, Émilie CONTAT, brilla pendant trente années sur la scène française dans l'emploi de soubrette; jouant de préférence les servantes de Molière, auxquelles son jeu franc, sa physionomie ouverte, et son organe mordant convenaient mieux qu'aux suivantes maniérées de Marivaux et des auteurs de son temps. Elle se retira du théâtre en 1815.

Amalrie CONTAT, fille de Louise Contat, débuta en 1805 dans les rôles de l'emploi de sa tante avec un immense succès. Sa mère, qui jouait avee elle dans le Tartuffe et dans le Cercle, fut émue jusqu'aux larmes de l'enthousiasme qu'excitait sa fille à son pre

mier début. Malheureusement son talent alla toujours en décroissant, et, au bout de trois ans, quand elle se retira du théâtre pour faire un riche mariage, mademoiselle Amalrie Contat n'était plus qu'une actrice assez ordinaire.

CONTÉ (Nicolas-Jacques), savant chimiste et mécanicien, naquit en 1755, d'un pauvre jardinier de SaintCénéri, près de Séez (Orne). Il perdit de bonne heure ses parents, et fut élevé par charité dans l'hôtel-Dieu de Séez. Doué d'une organisation des plus heureuses, il avait révélé de bonne heure son esprit inventif. Il vint à Paris, et s'y créa bientôt, en utilisant son talent pour la peinture, une honnête aisance. Il cultiva avec ardeur les mathématiques, la chimie, la mécanique, pour lesquelles il s'était senti toute sa vie un penchant invincible, et ne tarda

pas à être connu de tout ce qu'il y avait de savants dans la capitale. Sa réputation grandit, et lorsque l'approche des hostilités eut fait concevoir la pensée d'utiliser les aérostats à la guerre, ce fut lui que l'on chargea de répéter en grand l'expérience de la décomposition de l'eau par le fer; bientôt on lui confia la direction d'une école aérostatique établie à Meudon, et quelque temps après, il fut nommé chef de brigade, commandant de ce corps des aérostiers, qui parut pour la première fois sur le champ de bataille de Fleurus. Lorsque les idées industrielles prirent ensuite quelque essor en France, Conté sentant la nécessité de créer pour l'industrie un musée où elle pût s'instruire, fit instituer le Conservatoire des arts et métiers. Lors de la suspension de nos relations avec l'Angleterre, l'article des crayons ne fut pas la moins sensible de nos privations. Le comité de salut public, sur la proposition de Carnot, eut recours aux lumières de Conté, qui, en quelques jours, eut répondu à sa demande. Mais il abandonna bientôt à son frère la fabrication des crayons, et partit pour l'expédition d'Égypte, en qualité de chef des aérostiers et de membre de la

commission scientifique. Arrivé à Alexandrie, il se livra aux travaux les plus urgents pour le service de cette place, proposa d'établir une ligne télégraphique pour signaler à notre flotte, stationnée à Aboukir, l'apparition de la flotte anglaise. Cet avis fut négligé, et l'on ne fut averti qu'au moment de se battre. Après le combat, les Anglais menacant Alexandrie, Conté construisit en deux jours, au phare, des fourneaux à boulets rouges, et forca les vaisseaux ennemis à se tenir à l'écart. On eut ainsi le temps de fortifier la place. Au Caire, il construisit un télégraphe, établit un atelier, et fabriqua toutes les machines dont l'armée avait besoin, et qui, venues d'Europe, avaient été englouties à la bataille d'Aboukir. Il éleva des moulins, établit des filatures de laine, des manufactures de drap; fit des machines pour la monnaie du Caire, pour l'imprimerie orientale, pour la fabrication de la poudre; créa diverses fonderies; perfectionna la fabrication du pain; fit des sabres pour l'armée, des lits-brancards pour les transports des blessés, des instruments de chirurgie, et jusqu'à des tambours et des trompettes.

A son retour en France, il fut chargé par le gouvernement de diriger l'exécution du grand ouvrage de la commission d'Égypte. Effrayé du temps et de la dépense que devaient exiger tant de gravures, if imagina une machine à faire les hachures, au moyen de laquelle tout le travail des fonds, des cíels et des masses des monuments, se faisait avec une facilité, une promptitude et une régularité merveilleuses, et qui fut, pendant plusieurs années, d'un usage général. Il ne tira aucun parti de cette invention pour sa fortune; il était si désintéressé, qu'il fallut tout l'ascendant de ses amis pour le déterminer à prendre, pour sa famille, le privilége de la fabrique des crayons. L'empereur ne pouvait manquer d'apprécier les brillants services et le noble caractère de Conté; il le créa, l'un des premiers, membre de la Légion d'honneur. Malheureuse

ment, une mort prématurée vint enlever ce savant à la France. Des expériences qui avaient pour but de connaître l'effet de différents gaz sur les poumons, altérèrent sa santé; il mourut le 6 décembre 1803.

CONTI, Conteium, petite ville de Picardie, aujourd'hui chef-lieu de l'un des cantons du département de la Somme, à 12 kil. d'Amiens. Cette ville, qui avait autrefois le titre de principauté, a donné son nom à une branche de la maison de Bourbon.

CONTI (maison de). Cette branche cadette de la maison de Condé [voyez l'art. BOURBON (maison de), Xe tableau généalogique] eut pour chef un frère du grand Condé, Armand de Bourbon, prince de Conti, fils de Henri II de Bourbon et de Charlotte de Montmorency. Ce prince naquit à Paris, en 1629, et eut pour parrain le cardinal de Richelieu, circonstance qui, jointe à la faiblessse de son organisation, influa peut-être sur la résolution que prit son père de le faire entrer dans l'Eglise. Il fut pourvu en conséquence de riches abbayes, telles que Saint-Denis, Cluny, Lérins, etc., et se livra avec succès aux études théologiques. Mais quoique contrefait, il possédait une belle figure, l'esprit du monde et le don de plaire; l'influence de sa sœur, la duchesse de Longueville, qu'il aima d'une façon trop vive, s'il en faut croire les médisances contemporaines, triompha bientôt de sa vocation religieuse. D'un autre côté, les exploits de son frère lui firent concevoir le désir de se signaler dans la même carrière; enfin, soit que la jalousie entrât pour quelque chose dans cette émulation guerrière, ou que d'autres influences aient entraîné son caractère mobile et irrésolu, le prince de Conti se trouva jeté, au commencement des troubles de la fronde, dans le parti opposé à celui que son frère avait embrassé; mais leur hostilité fut de peu de durée; le prince de Condé quitta bientôt la reine et le cardinal, et les deux frères furent arrêtés ensemble au PalaisRoyal, puis enfermés à Vincennes, et

« PreviousContinue »