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pour être convaincu que les anciens Auteurs n'ont fuppofé aucune difference dans la maniere dont fe doivent expliquer ces rangs par rapport aux plus petits & aux plus grands vaiffeaux: il n'y a qu'à faire ré flexion aux noms qu'ils donnent à tous ces bâtimens, foit qu'ils les défignent par un feul mot, foit qu'ils ufent pour cela de periphrafe. De même qu'ils ont dit Biremis, Triremis ; ils ont dit novemremis, decemremis, undeciremis, &c. De même qu'ils ont dit que les grands bâtimens étoient de vingt, de trente, de quarante rangs; ils ont dit que les plus petits étoient d'un, de deux, de trois rangs. Ce feroit donc vouloir impofer par une défaite puerile, que d'admettre la multiplication d'étages pour les moindres Galeres, & de la rejetter pour les plus grandes. Auffi Scaliger, Palmerius, Scheffer, Fabretti & les autres Critiques les plus judicieux, s'étant. crus obligez d'admettre la multiplicité d'étages pour les Galeres à deux rangs, n'ont pas fait difficulté de l'admettre pour les Galeres à quarante & à cin

quante rangs.

Il eft vrai qu'ils fe font jettez par-là dans d'étranges embarras, qu'on ne fent bien, que lorfqu'on veut defcendre

dans le détail. Qu'on tâche donc, en gardant toutes les proportions & les regles de la Mechanique & de la Mathematique, de difpofer fous le tillac d'un vaiffeau ces vingt, trente, quarante, & cinquante étages de rameurs. Qu'on trouve pour eux & pour le refte de l'équipage l'efpace neceflaire, par rapport à la longueur & à la largeur du vaiffeau. Qu'on arrange de telle forte toutes ces rames de diferente grandeur & de different poids, qu'elles ne s'embarraffent point les unes les autres : & qu'elles aient toutes un mouvement uniforme. Qu'on trouve le moyen de faire remuer par les rameurs du quarantiéme & du cinquantiéme étage, ces rames énormes, ou pour mieux dire, ces longues poutres qu'on eft obligé de leur donner; de les leur faire, dis je,

nuer avec la même agilité & la même promptitude, que les rameurs des derniers rangs manient les leurs. Qu'on prennent fi bien fes mefures, que ces grands bâtimens à trente, quarante, & cir quante étages, furmontez encore d'affez hautes tours, qu'on mettoit ordinairement fur les vaiffeaux de guerre, aïent affez de fonds & de confiftance pour n'être pas culbutez, & pour Loû

tenir les coups de vent & de mer les plus violens, fans en être renversez. Qu'après avoir établi fon fyfteme & fait fon arrangement, qu'on en falle l'application à tous les faits particuliers rapportez dans les anciens Auteurs; qu'on montre que tout convient & que rien ne fe dément. Si on vient à bout de tout cela, j'ofe dire qu'on aura fait une espece de miracle; du moins aura-t-on executé, ce que n'ont encore pû faire ceux qui ont voulu l'entreprendre jufqu'ici. Qu'on examine ce qu'ont écrit là-deffus les défenfeurs les plus ingenieux de cette hypothefe: on les trouvera plus heureux à renverfer les fuppofitions de leurs propres partifans, qu'à bien établir les leurs particulieres. On les verra, après s'être donné bien des mouvemens & avoir tourné de tous côtez, fuccomber enfin fous le poids des difficultez, & reconnoître l'impoffibilité où ils font de répondre

à tout.

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Ils ne fe rendent cependant pas pour cela, prévenus & préoccupez de l'évidence apparente de quelques paffages, [ que nous examinerons dans la fuite ] & qu'ils regardent comme décififs en leur faveur, après une affez legere dé

fenfe, ils prennent le parti d'attaquer. Du refte, à la faveur d'une réponse ge nerale, & de je ne fçai de quel lieu commun, ils prétendent qu'on n'est plus en droit d'exiger d'eux qu'ils entrent dans le détail des difficultez qui paroillent s'enfuivre d'une opinion d'ailleurs fuffisamment établie. Ils difent donc, que les Anciens avoient plufieurs fecrets qui fe trouvent perdus aujourd'hui. Qu'ainfi il fe pourroit bien faire, qu'ils cullent eu une maniere particuliere de conftruire leurs Galeres, & d'y difpofer les rangs de rameurs, que nous ne connoiffons plus parce que l'ufage s'en eft perdu. Cette réponse, qui en elle-même eft d'un mauvais préfage pour ceux qui s'en fervent, eft ici tout-à fait inutile. A qui perfuaderat-on que nos Architectes & nos Ingenieurs ne puiffent pas trouver le fecret de placer & de difpofer de la maniere la plus commode plufieurs étages de rameurs, fuppofé que la chose soit pra tiquable? Ce fecret n'eft point du nombre de ceux qui fe peuvent perdre ; en tout cas, il ne faudroit pour le retrouver, qu'une fcience & une addresse bien mediocres. Mais de ce que ce préten du fecret, qui étoit autrefois connu &

commun dans tout l'Orient & dans tout l'Occident, s'eft tellement perdu, qu'il ne fe trouve prefentement aucune Nation qui l'ait confervé ; qu'il ne fe trouve même perfonne à qui il vienne dans l'efprit d'en faire l'essai; que les Mathematiciens, les Officiers de Marine, les Pilotes le regardent comme chimerique, n'eft-ce pas une espece de demonftration, que ce fecret n'a pas moins été un fecret pour les Anciens, qu'il l'eft aujourd'hui pour nous?

Au refte quand on parle d'étages de rames, & de rameurs, on ne prétend pas que tous les défenfeurs de ce fyfteme placent les rameurs d'un étage fuperieur directement & perpendiculairement fur la tête des rameurs de l'étage inferieur. Cette difpofition fuppoferoit dans le vaiffeau un excez de hauteur dont on voit d'abord l'impoffibilité. Ils veulent donc, & c'eft en particulier le fentiment d'Ifl.Voffius, qui paroit avoir traité cette matiere avec le plus de précifion mathematique, ils veulent, dis-je, que les rameurs de chaque étage foient éloignez les uns des autres de fept ou huit pieds. Enforte qu'entre deux rameurs d'un étage inferieur, deux rameurs des étages fuperieurs foicnt placez oblique

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