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toutes les manières de chercher, de poursuivre, de guetter toute espèce de gibier, pour l'atteindre et s'en emparer. Il n'est certainement aucun chasseur qui ne sente cela parfaitement, et qui n'en convienne. Donc il n'est nullement nécessaire que l'individu qui chasse illégalement, ait déjà tiré un ou plusieurs coups de fusil sur le gibier, pour que les gardes soient fondés à dresser procès-verbal contre lui.

Et, rien de plus facile, que de discerner un homine qui est en chasse, d'avec celui qui n'y est pas, quoiqu'armé d'un fusil de chasse. Par exemple, un particulier qui, allant d'un bourg à un autre, et suivant un chemin public, porte un fusil désarmé, sur son épaule, ou sous le bras, n'est certainement pas en chasse, et ne pourrait raisonnablement être inculpé de chasser sur le terrain d'autrui. Au contraire, celui qui sera vu marchant à travers les guérêts ou les bois, un fusil armé à la main, observant, portaut sans cesse les yeux autour de lui, sera justement présumé chasser; surtout s'il est accompagné d'un chien qu'il anime à quêter de tous côtés; et, encore bien qu'il n'ait pas tiré une seule fois, quand il est surpris par le garde, et qu'il se retire aussitôt saus faire un seul coup de feu, il n'en sera pas moins dans le cas d'être consigné au procèsverbal du garde, comme trouvé en délit de chasse, De même encore, celui qui, le soir ou le matin, va

se placer en embuscade, sur la rive d'un bois, armé d'un fusil, prêt à faire feu, guettant le gibier, à sa sortie du bois, ou à sa rentrée. Il est évident, pour tout homme de bonne foi, que dans ces différens cas, il y a fait de chasse, puisqu'il y y a tentative d'atteindre et tuer du gibier. (Arr. de cass. 13 nov. 1818, entre les sieurs Selves et Seigle.)

L'HABITANT. Mais, Monsieur, la tentative, à ce que j'ai entendu dire, n'est assimilée au fait même du délit, qu'alors qu'il y a eu commencement d'exécution manifestée par des actes extérieurs, et qu'elle n'a manqué son effet, que par des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur de cette tentative? (C. pén. art. 2.)

LE JUGE DE PAIX. Eh bien, Monsieur, est-ce que, dans les différens cas que je viens de vous poser, il n'y a pas eu un commencement d'exécution, très-visible, très-manifeste la mise en marche à travers les champs ou les bois, avec un fusil prêt à faire feu? Et si le chasseur n'a pas encore tué de gibier, n'est-ce pas par une circonstance tout-à-fait indépendante de sa volonté ?- D'ailleurs, faites bien attention qu'il n'y a pas seulement ici, tentative de délit; il y a délit effectué, réalisé. Car, encore une fois, le délit de chasse existe dès l'instant où il y a commencement de chasse, entrée en chasse: et non pas alors seulement qu'il y a mort ou capture de gibier.

UN AUTRE, Mais, au moins, Monsieur, pour être

constitué en délit de chasse, au moins faut-il être trouvé porteur d'une arme à feu, quètant ou épiant le gibier. Mais, quant au particulier qui ira seulement, dans un bois ou dans un champ, tendre ou relever des collets, lacets, ou autres piéges inno¬ cens : certes, on ne pourra pas dire qu'il chasse, que c'est un chasseur; et par conséquent les peines de la loi d'avril 9ỏ ne peuvent lui être applicables,

§. V. Chasse sans armes à feu.

LE JUGE DE PAIX. Vous êtes tout-à-fait dans l'erreur, M. Le Bon. Encore une fois, la chasse dont il est question dans la Loi d'avril 1790, c'est toute espèce de chasse, toute action tendante à prendre du gibier, par quelque moyen que ce soit; soit par force et avec armes à feu; soit par ruse, par adresse, et à l'aide de piéges ou eugins. « Il est défendu, dit textuellement cette loi, il est défendu à toutes, personnes, de chasser, en quelque temps, et DE QUELQUE MANIÈRE QUE CE SOIT, sur le terrain d'autrui,

etc.

On ne peut donc mettre en doute, que quiconque agit d'une manière quelconque pour prendre du gibier, exerce un fait de chasse; que quiconque, sur les terres d'autrui, et sans le consentement du propriétaire, se permet de tendre des collets, ou autres pièges à gibier, commet un délit de chasse. Il y a pareillement délit de chasse, de la part de celui

qui se sert de furels, bourses ou panneaur, pour prendre des lapins dans leurs terriers. Il y a pareillement délit, de la part de celui qui lance ses chiens sur un lièvre, dans la vue de le forcer et de se l'ap+ proprier. Il y aurait pareillement délit, de la part de celui qui se servirait de faucons, perviers, ou autres oiseaux de proie dressés à cette fin. A plus forte raison, serait coupable de délit de chasse, celui qui se servirait de l'are ou de l'arbalète, pour tuer du gibier sur les terres d'autrui. Pendant long-temps les chasseurs n'ont pas employé d'autres armes. Ce sont encore celles des peuplades auxquelles la poudre à feu et les fusils de chasse sont inconuus.

:

C'est ainsi que, dans l'affaire d'un sieur Gabilot, trouvé tendant ou relevant des collets dans la forêt de Chantilly, la Cour de cassation, en confirmant un jugement du tribunal de Beauvais, a dit, entre autres choses, dans ses motifs : - Considérant que, de ces expressions de quelque manière que ce soit et du mot générique terrain, il résulte que cette loi (du 30 avril go) comprend tous les moyens de chasse employés à la poursuite et à la prise du gibier sans distinguer si le moyen est ordinaire ou non, s'il s'agit d'une chasse ordinaire ou extraordinaire, ni si le terrain est un bois ou un champ d'une autre nature, etc.» (Arr. du 8 mai 1824. )

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UN HABITANT. Mais, Monsieur, qu'entend-on, que faut-il entendre par gibier ?

LE JUGE DE PAIX. On entend par gibier, toute espèce d'animal ou bête libre, soit quadrupède, soit volatile, dont la chair est bonne à manger, que l'on peut servir sur la table comme mets ou aliment (1).

UN HABITANT. Ainsi, Monsieur, vous pensez donc qu'on pourrait faire un procès, même à ceux d'entre nous qui s'en vont dans les bois et buissons d'autrui, faire des tendues de reginglettes, de gluaux, elc.?

LE JUGE DE PAIX. L'affirmative me semble indubitable. Tendre des gluaux, des reginglettes, et autres piéges, pour prendre des oiseaux et en faire son profit, c'est faire une véritable chasse à une sorte de gibier; chasse qui est quelquefois fort lu

crative, surtout dans les temps de passage de cer

tains oiseaux (2).

(1) Dérivé du mot latin cibus, cibarium, nourriture, aliment, chair.

(2) Par Arrêt de la Cour de cassation, du 2 juin 1827, confirmatif d'un jugement du tribunal de Melun, rendu sur appel de celui de Fontainebleau, entre le sieur Catinat et le Conservateur des chasses du Roi, Jugé que le fait d'avoir tué, dans la forêt, un faisan, à coups de bâton, constituait un délit de chasse, punissable d'une amende de 20 fr.; conformément à l'art. 17 de l'Ordonnance de 1601, maintenu par l'art. 1o, de celle de 1669, qui régit les délits de chasse

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