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ce que vous désirez maintenant connaître, c'est la manière dont il faut s'y prendre pour obtenir justice des dommages ou dégâts qui se commettent trop souvent dans vos propriétés, et qu'on nomme ordinairement Délits ruraux ou champêtres ?

PLUSIEURS. Oui, Monsieur, c'est précisément cela; et nous ne sommes pas moins intéressés que M. Dupré, à être bien instruits de ce qu'il faut savoir pour obtenir la répression de ces délits.

LE JUGE DE PAIX. Eh bien, Messieurs, je crois pouvoir vous satisfaire; car, depuis nombre d'années, je n'ai eu que trop d'occasions de m'occuper de cette branche de notre législation.

§. I. Exposition sommaire de la Législation sur la Police rurale.

Et d'abord, il ne sera peut-être pas inutile de vous rappeler que, dans la première Loi que l'Assemblée dite constituante nous donna en 1790 (16-24 août), sur la nouvelle organisation judiciaire, elle s'était contentée de dire, concernant les délits ruraux :

« Le juge de paix connaîtra ; sans appel, jusqu'à » la concurrence de 50 fr, ; et, à la charge de l'appel, » à quelque valeur que la demande puisse monter: » 1°. des actions pour dommages faits, soit par les » hommes, soit par les animaux, aux champs, fruits » et récoltes, etc. » (Art. 10 du tit. 3. )

D'après les termes de cette première loi, il sem

bla d'abord

que toutes les espèces de dommages, faits aux champs, fruits et récoltes, soit par les hommes, soit par les animaux, ne seraient susceptibles de donner lieu qu'à une simple action civile devant la Justice de paix, en réparation ou indemnité du tort causé à la partie lésée.

Mais cette Assemblée elle-même ne tarda pas à reconnaître que les dommages de cette nature présentent fort souvent le caractère de délits qui troublent la paix publique, dont la répression importe à toute la Société, et qui méritent par conséquent une sorte de châtiment, de satisfaction envers l'Ordre social, indépendamment de l'indemnité due au particulier dont la propriété a été endommagée.

C'est pourquoi, après avoir, dans une seconde Loi (22 juillet 1791), institué des Tribunaux de Police municipale, et des Tribunaux de Police correctionnelle, la même Assemblée dite constituante, dans une troisième Loi (du 28 septemb. 1791, sanct. le 6 octob. suiv.), désigna différentes sortes de délits ruraux, comme susceptibles d'être poursuivis devant les tribunaux, et punis, soit d'amende, soit de prison, outre les dédommagemens dus aux particuliers lésés.

Ensuite, la Législature appelée Convention, publia, sous la date du 3 brumaire an 4, un Code des délits et des peines, où elle énuméra de nouveau les délits ruraux qui seraient déférés, soit aux Tribu

nx, correctionnels, soit aux Tribunaux de police simple, dont elle prescrivit en même temps une nouvelle organisation.

Puis enfin, sous le Gouvernement dit Impérial, en 1808 et 1810, furent publiés deux nouveaux Codes, l'un appelé Code d'instruction criminelle, J'autre Code pénal, lesquels ont de nouveau réglé le mode de poursuite et de répression des délits, ainsi que je vais vous l'expliquer.

Le Code d'instruction criminelle commence par établir, pour règle générale, la distinction suivante :

1°. Que les infractions pouvant donner lieų, soit à une AMENDE non excédant QUINZE FRANCS, soit à un EMPRISONNEMENT non excédant CINQ JOURS, seront déférés aux Tribunaux de police simple. (Art, 137.)

2o. Que ceux pouvant donner lieu, soit à une amende excédant QUINZE FRANCS, soit à un emprisonnement pendant plus de cinq jours, seraient déférés aux Tribunaux correctionnels. (179)

Puis, dans le Code pénal, qui suivit celui d'instruction criminelle, on inséra une nouvelle nomenclature de méfaits ou délits susceptibles d'être poursuivis, soit en police simple, soit en police correctionnelle, ainsi qu'une nouvelle fixation des peines

qui leur seraient applicables,

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Et, suivant que ces peines sont plus ou moins

fortes, l'auteur du délit doit être cité, tantôt au Tri

bunal de police simple, tantôt au Tribunal de police correctionnelle.

Il est même certains délits ruraux susceptibles d'être punis de peines afflictives; mais ceux-ci ne peuvent être jugés que par les Cours criminelles appelées Cours d'assises..

Tel est, Messieurs, le dernier état des choses, en celle partie.

Vous savez, au surplus, que ce qu'on appelle aujourd'hui Tribunal de police simple, n'est autre que l'audience tenue par un seul juge de paix, ou son suppléant, siégeant alors comme juge de police; assisté d'un maire ou adjoint, ou d'un commissaire de police, lequel remplit près de lui les fonctions du ministère public (·),

Comme aussi vous savez que les Tribunaux correctionnels ne sont autres que les tribunaux d'arrondissement, lesquels consacrent ordinairement une ou deux audiences spéciales, par chaque semaine, pour juger les affaires de délits susceptibles de peines dites correctionnelles (2).

UN HABITANT. Ainsi donc, Monsieur, quand un cultivateur éprouve un dommage, et qu'il veut

(1) V. Cod. d'inst. cr. de 1808, art. 138, 139 et suiv. (2) Voyez au même Code, art. 179 et suiy.

s'en plaindre, il faut avant tout qu'il consulte le Code pénal, pour savoir à quel tribunal il doit s'adresser?

LE JUGE DE PAIX. Autrement, il courrait le risque de prendre une fausse route, d'être renvoyé d'un tribunal à un autre, et de faire des frais en pure perte.

L'HABITANT. Mais, Monsieur, combien y a-t-il d'agriculteurs en état de bien comprendre les nombreux articles de votre Code pénal?

LE JUGE DE PAIX. Il est vrai, les articles n'en sont pas toujours très-clairs; d'ailleurs le Code pénal ne contient pas la série entière des dommages et. délits ruraux qui peuvent avoir lieu; il n'en rappelle que quelques-uns; et, pour les autres, il renvoie aux lois et réglemens qui en ont particulièrement traité,

Mais je puis vous éviter l'embarras de recourir à ces différens codes, à ces différens réglemens, en vous présentant ici un résumé de leurs dispositions pénales, en ce qui concerne les délits ruraux seule

ment.

D'après ce tableau, rien ne vous sera plus facile, que de savoir discerner à quel tribunal vous devez vous adresser pour avoir justice des dommages, qui vous auront été faits.

UN HABITANT. Monsieur, ce sera nous rendre un grand service,

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