Page images
PDF
EPUB

tion relativement au magistrat près le tribunal inférieur, ajoute aussi : << Mais cela n'empêche pas que M. le procu<< reur général ne puisse appeler : ce magistrat n'est pas << forcé de s'en tenir aux conclusions de ses substituts. »

<< Un particulier, dit Rousseaud de la Combe (Matières « criminelles, part. 3, chap. 1, sect. 3, p. 234), avait été <«< condamné, au Châtelet de Paris, à des peines et de << grosses amendes pour usure: la sentence avait été << exécutée et les amendes payées; ainsi, tout était << consommé du consentement du procureur du roi. M. le << procureur général interjeta appel de la sentence, à « minima. M. de Lamoignon, avocat général, qui porta << la parole pour M. le procureur général, à l'audience de <«< la Tournelle, soutint que son substitut ne pouvait pas << l'engager par son acquiescement, à ne pas interjeter << appel: qu'il le pouvait faire, quand il le jugeait à << propos, quelque consentement que son substitut eût << prêté à l'exécution d'une sentence, parce qu'il ne << pouvait lier les mains à M. le procureur général, cela << étant au-dessus de son pouvoir. Sur quoi, par arrêt du << 12 août 1694, rapporté par Bruneau (tit. 5, maxime 14), << la sentence fut infirmée et les condamnations furent << augmentées. >>

Mais, comme le remarque M. Merlin (Répert., v° Appel, p. 399), rien n'est plus positif pour établir comment la question proposée était décidée dans l'ancien droit, que ce qu'a écrit le chancelier d'Aguesseau, le 10 janvier 1747, au président de la Tournelle d'un parlément, qui l'avait consulté au nom de sa Chambre, sur l'appel que le procureur général avait interjeté à minimâ, d'une sentence que son substitut avait fait exécuter depuis dix-huit mois. Cet espace de temps écoulé rendrait non-recevable, aujourd'hui, toute espèce d'appel; mais alors, il ne pouvait pas produire cet effet, la faculté d'appeler durant, autrefois, vingt ans pour le ministère public, et trente ans au moins pour la partie condamnée (V. M. Merlin, loc. cit.).

EFFETS... (N° 121) 157 Suivant Jousse (Just. crim., t. 2, p. 733), la partie condamnée pouvait, même après trente ans, interjeter appel du jugement, sous le rapport de la condamnation pénale, tant qu'elle n'en avait pas consenti l'exécution.

Voici la réponse de d'Aguesseau (t. 8 de ses œuvres, p. 237 et suivantes, lettre 151): « Le doute que vous me << proposez, par votre lettre du 30 du mois dernier, n'est « pas difficile à résoudre. Il est certain que les procureurs << du roi dans les siéges inférieurs ne sauraient être trop << diligents à interjeter appel à minima, des jugements << qui se rendent en matière criminelle, lorsqu'ils croient << qu'il y a lieu de le faire; et il est vrai aussi que M. le ❝ procureur général doit être fort attentif à se faire rendre « compte des mêmes jugements par ses substituts, afin « d'être en état de suppléer à leur diligence, lorsqu'il

le juge nécessaire; mais, il n'est pas moins constant « qu'en général on ne peut opposer aucune fin de non« recevoir à un procureur général, lorsqu'il croit devoir « appeler à minima des sentences rendues par les premiers « juges; et il serait bien difficile de trouver des cas où « cette règle générale pût souffrir une exception légitime. « Si toutes les parties ont la faculté, pendant plusieurs « années, d'interjeter appel des jugements contraires à « des prétentions qui ne regardent que leurs intérêts

particuliers, il serait fort extraordinaire de vouloir << donner des bornes plus étroites à cette faculté, dans la « personne d'un procureur général, qui n'agit jamais que « pour l'intérêt public, contre lequel on ne prescrit point.

Cette réflexion seule suffirait presque pour répondre « à la consultation que vous me faites; et si j'entre dans << un plus grand détail sur cette matière, c'est non<< seulement par les égards qui sont dus à une chambre << entière qui me propose ses doutes; mais, parce qu'en << répondant à ces difficultés, j'aurai encore occasion de << confirmer la maxime générale que je viens de vous << rappeler... Vous paraissez d'abord frappé du laps de

[ocr errors]

<< temps qui s'est écoulé depuis la sentence du siège « de....., jusqu'à l'appel interjeté par M. le procureur <«< général; mais, vous pouvez faire réflexion que le public << ne doit jamais souffrir de la négligence, de la lenteur, << ou, peut-être, de la connivence des officiers subalternes << qui sont chargés de veiller à la défense de ses intérêts <«<et de procurer la vengeance des crimes. S'il y avait eu <«< une partie civile dans le procès criminel qui a été <«< inscrit au bailliage de....., contre le nommé....., et << qu'on ne pût opposer à cette partie qu'un silence de dix<< huit mois, il n'est pas douteux que son appel ne pût et <<ne dût être admis, suivant la disposition des ordon<<nances. Comment serait-il donc possible de regarder <«< la partie publique comme non-recevable à interjeter << appel à minima d'une sentence rendue en matière crimi<< nelle, dans un cas où une partie ordinaire ne pourrait << être excluse par le seul laps de temps, du droit d'en << appeler..... Une seconde difficulté, fondée sur <«<l'exécution de la sentence rendue dans le siége de....., <«<et sur le paiement des frais reçus par le procureur du << roi, semble faire aussi beaucoup d'impression sur votre << esprit; mais elle ne mérite pas plus d'attention que la << première. Il serait également contraire et à l'ordre et au << bien public, que la faute d'un officier inférieur pût pré<< judicier à son supérieur, et lui faire perdre le droit que << le même ordre lui donne de faire réformer par son minis<<tère, non-seulement la conduite des juges subordonnés << au parlement, mais celle de ses substituts mêmes. Rien << ne serait plus dangereux que de laisser établir pour <«< maxime que le silence d'un procureur du roi et la << réception des frais qu'il a avancés, pût lier les mains à << son supérieur, assurer ainsi l'impunité aux coupables, << soit par la corruption, soit par la complaisance, ou même << par la seule ignorance d'un officier inférieur ; la justice «<exige, au contraire, que, lorsqu'un procureur général <«< n'a pas été assez promptement averti de l'indulgence

« excessive des premiers juges ou de la facilité de son << substitut, il puisse, au moins, aussitôt qu'il en est informé, faire réparer la faute de ces officiers par le tri«<bunal supérieur ; et il n'y a point d'autre voie pour y « parvenir, que celle de l'appel à minima. La troisième « raison de doute que vous m'expliquez, n'est fondée que << sur un scrupule louable dans son principe, mais qu'il « est aisé de lever par les notions les plus communes de «l'ordre judiciaire.... Vous craignez que, comme «l'accusé dont il s'agit a subi la peine à laquelle le siége « de..... l'avait condamné, vous ne soyez exposés à << pécher contre la maxime commune non bis in idem, si << vous receviez un appel à minima, qui vous obligera, « peut-être, à prononcer dans la suite un jugement plus

rigoureux contre le même accusé : mais vous êtes trop « éclairé pour ne pas savoir que la règle non bis in « idem ne saurait s'appliquer qu'à des accusés qui ont « éprouvé une condamnation prononcée irrévocablement «<et en dernier ressort. Jusque là, toutes les peines << imposées par les premiers juges, n'ont encore rien « de fixe et d'immuable. L'appel de l'accusé ne suspend « pas seulement, il éteint même le premier jugement. « Celui du procureur général le met au moins en suspens; «et lorsque le tribunal supérieur croit devoir réformer << l'ouvrage des premiers juges, il est regardé comme non « avenu, en sorte qu'il ne reste plus d'autre peine pro<< noncée contre le coupable, que celle qui lui est imposée « par le parlement. Ce serait en vain qu'on voudrait « opposer à une règle si certaine l'acquiescement de << l'accusé et l'exécution même qu'il a faite volontairement « de la sentence rendue contre lui. Il ne peut jamais, par << sa conduite, rendre le premier jugement irréformable. Ce << serait une grande question de savoir s'il ne pourrait pas, « lui-même, malgré son acquiescement, réclamer encore << contre sa condamnation, s'il avait recouvré des preuves « qui dussent établir son entière innocence; mais, on n'a

[ocr errors]

<< jamais révoqué en doute que, quelque parti qu'un accusé <«<ait pris sur le jugement par lequel il a été condamné, << un procureur général ne soit toujours en droit de << réclamer l'autorité du tribunal supérieur, pour faire << réformer ce jugement, quand il ne le trouve pas propor<«<tionné à la nature du crime..... Il arrive même, <«< quelquefois, qu'à l'occasion d'un second crime commis << par un accusé qui avait essuyé une première condamna<«<tion pour un autre fait, un procureur général juge à << propos d'examiner le premier procès, et que, découvrant << ou de nouvelles preuves, ou des défauts d'instruction << dans la procédure des premiers juges, il interjette appel « à minima d'une sentence qui avait été exécutée par cet «< accusé; et l'on agirait, évidemment, contre le bien de << la justice, si, dans un pareil cas, on voulait fermer la << bouche à un procureur général, sous prétexte qu'il << l'ouvre trop tard: c'est de quoi je ne me souviens point << d'avoir encore vu d'exemples dans aucun tribunal, et << vous aimez trop le bien public pour vouloir donner le << premier. >>

Ainsi, aucun doute, sous l'ordonnance de 1670, sur la question de savoir si le procureur général pouvait encore appeler, lorsque son substitut avait acquiescé au jugement, ou lors même qu'il l'avait fait exécuter.

La même doctrine doit être encore admise aujourd'hui. D'abord, comme nous l'avons déjà dit pour le cas de simple acquiescement par le magistrat près le tribunal inférieur, cet acquiescement ne liant pas ce magistrat luimême, et ne l'empêchant point, postérieurement, d'appeler s'il le juge convenable; à plus forte raison, ne lie-t-il point le magistrat exerçant les fonctions du ministère public près le tribunal supérieur.

Pour la seconde hypothèse, celle du cas où il n'y a plus eu simple acquiescement de la part du magistrat inférieur, mais où ce magistrat a fait exécuter le jugement, aujourd'hui, comme sous l'ordonnance de 1670, il est vrai de

« PreviousContinue »