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dire que le magistrat inférieur ne peut, par son fait, détruire le droit de son supérieur. Si le magistrat inférieur a, mal à propos, fait exécuter un jugement dont il aurait dû provoquer la réformation, il est de l'intérêt public que cette faute puisse être réparée par le magistrat supé

rieur.

Ajoutons que la loi n'a prononcé nulle part la déchéance du droit d'appel de la part du magistrat supérieur, pour le cas de mise à exécution du jugement par le magistrat inférieur et cependant, ce cas devant se présenter fréquemment, il est certain que le législateur se fût expliqué formellement sur ce qui le concerne, s'il eût voulu en faire une cause de déchéance pour le droit d'appel du magistrat supérieur.

Nous ferons observer, d'ailleurs, que le prévenu ne peut se plaindre de l'exécution donnée au premier jugement, et se fonder sur le préjudice que lui aurait causé cette exécution, pour contester le droit d'appel du magistrat supérieur. En effet, s'il a été acquitté par le jugement, aux termes de l'art. 206 (révision du 14 juillet 1865), il doit, immédiatement et nonobstant appel, être mis en liberté (1). L'appel postérieurement interjeté, ne lui cause donc, pour ce cas, aucun dommage.

Si le jugement l'a condamné, il peut en empêcher l'exécution, d'abord en interjetant lui-même appel; et même, suivant MM. Merlin et Le Graverend, et suivant la Cour de cassation, sans être obligé d'interjeter appel. En effet, la loi dit bien, art. 203, que, pendant les dix jours accordés pour l'appel, l'exécution du jugement sera suspendue mais, comme elle n'ordonne nulle part cette exécution après l'expiration des dix jours, il s'ensuit que le condamné peut l'empêcher tant que toute espèce de délai

(1) Suivant le texte antérieur à la révision de 1832, la mise en liberté n'avait lieu qu'après 10 jours sans appel déclaré ou notifié dans les 10 jours de la prononciation du jugement. Suivant le texte de 1832, le délai avait été réduit à 3 jours.

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pour interjeter appel, n'est pas écoulé. Il peut, d'ailleurs, si bon lui semble, abréger le délai de moitié pour le magistrat près le tribunal supérieur, en lui faisant signifier ie jugement (art. 205) (1). Si, au lieu d'empêcher, comme il le peut, l'exécution du jugement, le condamné laisse procéder à cette exécution, il est évident qu'il ne peut, ensuite, s'en faire un moyen contre le droit d'interjeter appel que prétend exercer le magistrat supérieur.

Si le délit était de nature à entraîner l'emprisonnement, et que, le condamné étant déjà en état d'arrestation par suite de l'exécution du jugement, on décidât qu'il dût y rester provisoirement et jusqu'au jugement définitif sur l'appel, en vertu de l'art. 130 du Code d'instruction criminelle, il ne pourrait non plus prétendre qu'en cela l'exécution par le magistrat inférieur, du jugement dont le magistrat supérieur voudrait ensuite interjeter appel, lui aurait causé préjudice. En effet, la continuation de détention, dont il se plaindrait alors, serait moins la conséquence du commencement d'exécution donné au premier jugement par le magistrat du ministère public près le tribunal inférieur, que le résultat des dispositions de la loi, prescrivant, par mesure de sûreté, cette continuation de détention.

D'ailleurs, cette continuation de détention causerait d'autant moins préjudice au condamné, qu'aux termes du nouvel art. 24 du Code pénal, dans le cas de condamnation à l'emprisonnement, contre un individu en état de détention préalable, la durée de la peine, si le condamné ne s'est pas pourvu, compte du jour du jugement ou de l'arrêt, nonobstant l'appel ou le pourvoi du ministère public, et quel que soit le résultat de cet appel ou de ce pourvoi. Il en est de nême, d'après le même article, si la peine est réduite sur l'appel ou sur le pourvoi du condamné.

(1) M. Merlin, Rép., v Appel, loc. cit.; M. Le Graverend, t. 2, p. 406; et les arrêts cités à la fin de cette dissertation.

On ne saurait opposer la maxime non bis in idem, contre le droit que nous reconnaissons au magistrat exerçant les fonctions du ministère public près le tribunal supérieur. On ne saurait dire que le tribunal d'appel violerait cette maxime, si, par suite de l'appel, il prononçait une peine plus grave pour le fait déjà puni par l'exécution du premier jugement; d'où la conséquence, suivant l'objection, que cet appel, ne pourrait être interjeté. Cette objection est, comme nous l'avons vu, réfutée par le chancelier d'Aguesseau, dans sa lettre rapportée ci-dessus. Nous répéterons, après lui, que la règle non bis in idem ne peut être invoquée qu'en faveur de ceux qui ont déjà subi une peine en vertu d'un premier jugement dont l'autorité subsiste et est entière; mais nullement, en faveur de ceux qui auraient, par suite d'une exécution prématurée et qu'ils pouvaient empêcher, subi les peines que leur infligeait un premier jugement dont l'autorité n'était encore que conditionnelle. Il n'y a, pour ces derniers, aucun moyen d'invoquer la maxime non bis in idem.

La solution que nous venons d'adopter, a été formellement consacrée par un arrêt du 15 décembre 1814, rendu dans l'intérêt de la loi, conformément au réquisitoire de M. Merlin (1).

« Attendu, porte cet arrêt (Bull. no 44), que le n° 5 de « cet article (l'art. 202), accorde au ministère public près «<le tribunal ou la cour d'appel, un droit personnel d'appel, qui est indépendant de celui que le no 4 du même article confère au procureur du roi près le tri«bunal qui a rendu le jugement de première instance; « Que ces différents droits d'appel, ainsi accordés d'une << manière distincte à ces deux fonctionnaires, sont « soumis, d'après ledit art. 202 et d'après l'art. 205, à « des formes et à des délais différents; Que celui qui

(1) Le réquisitoire de M. Merlin est rapporté au Répert., vo Appel, loc. suprà cit.

<< appartient au ministère public près le tribunal ou la <<cour d'appel, ne peut donc être anéanti, ni altéré par <«<le fait du procureur du roi du tribunal de première << instance; Que l'acquiescement que celui-ci peut <<< avoir donné au jugement de premier ressort; que <«< même l'exécution qu'il peut en avoir irrégulièrement <«< consentie ou ordonnée, ne peut être un obstacle à ce << que le ministère public du tribunal d'appel exerce dans << toute sa plénitude, le droit d'appeler qu'il tient person<< nellement de la loi; Que l'exécution prématurée que <«<le procureur du roi peut avoir mal à propos consentie ou << ordonnée n'est, dans ce cas, que provisoire; qu'étant <«< relative à un jugement qui n'était pas encore devenu <«< irrévocable, et auquel elle n'a pas pu imprimer ce <«< caractère, au préjudice du droit d'un tiers qui n'y a pas << participé, son effet, respectivement à la vindicte pu<«<blique, est essentiellement demeuré subordonné au << résultat de l'exercice de ce droit; - Que si l'art. 205 << étend jusqu'à deux mois le délai qu'il accorde au << ministère public du tribunal ou de la cour d'appel pour <«< déclarer et notifier son appel, le prévenu peut, d'après << le même article, réduire ce délai à un mois, en faisant << à ce fonctionnaire la notification du jugement de pre<«<mière instance, et qu'il n'a qu'à s'imputer à lui-même, << s'il néglige d'employer ce moyen d'abréger le temps de << son incertitude; Que si l'art. 206 porte que « la <«< mise en liberté du prévenu acquitté ne pourra être <«< suspendue lorsqu'aucun appel n'aura été déclaré ou << notifié dans les dix jours de la prononciation du juge<«<ment (1), » cette disposition qui, d'ailleurs, laisse << entière, dans le cas qu'elle règle, la faculté d'appel du << ministère public du tribunal d'appel pendant tout le

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(1) Voir la note 1, ci-dessus, sous le présent numéro, p. 161, pour les changements apportés d'abord par la révision de 1832, et ensuite par la loi du 14 juillet 1865.

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« délai fixé par l'art. 205, est une exception au droit « commun, qui est accordée à la faveur de la liberté et au << cas où le prévenu a été acquitté ; qu'elle est étrangère << à celui de la condamnation; qu'il n'en peut donc << résulter que cette condamnation puisse être exécutée, << après le délai de dix jours écoulé sans déclaration « d'appel (1), ou que l'exécution prématurée de cette «condamnation puisse éteindre le droit d'appel dont le « délai est déterminé par l'art. 205, et qui subsiste même << sans modification, dans le cas et dans l'application « dudit art. 206; Que si, dans son dernier alinéa, « l'art. 203 a ordonné que, pendant l'instance d'appel et << pendant les dix jours accordés au procureur du roi, à la « partie civile et au condamné pour appeler, il serait sursis à l'exécution du jugement, et si cette disposition n'a pas été expressément renouvelée relativement au « délai accordé par l'art. 205 pour l'appel du ministère public près le tribunal ou la cour d'appel, il ne s'ensuit « pas qu'à l'égard de ce délai, il ait été dérogé au prin<«cipe général des matières criminelles qu'il doit être « sursis à l'exécution des jugements jusqu'à ce qu'ils << soient devenus irrévocables; que les dérogations au << droit commun ne s'établissent pas par des inductions; « que, d'ailleurs, l'art. 206, en modifiant le principe du « sursis, pour le cas de l'acquittement et en faveur de la « liberté du prévenu, l'a implicitement maintenu relativement aux jugements de condamnation; - Que si le "procureur du roi, usant irrégulièrement de ses pouvoirs, << veut faire exécuter prématurément une condamnation ❝ prononcée en premier ressort, le condamné a les voies << de droit pour s'y opposer; Que si le condamné pro« voque lui-même cette exécution, et si le procureur du «roi, par connivence ou autrement, y consent, de ce « fait volontaire du condamné il ne peut résulter aucun

(1) Voir nole ci-dessus.

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