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Cette question est celle de savoir si l'appel interjeté par le prévenu seul, donne droit au tribunal d'appel d'aggraver la peine.

Il faut, évidemment, décider la négative en vertu des principes développés sous la question précédente (1).

133. Ces principes doivent être appliqués même en ce sens que les juges ne pourraient, sur le seul appel du prévenu, augmenter une peine en diminuant l'autre, de telle sorte que, dans son ensemble, la condamnation ne se trouvât pas augmentée. Chaque peine a des conditions d'existence et d'indépendance qui lui sont propres ; et l'augmentation apportée à l'une ne peut, par une appréciation arbitraire et que la loi n'autorise en aucune manière, être considérée comme compensée par la diminution apportée à l'autre (2).

(1) Sic, l'un des considérants de l'arrêt précité du 4 mars 1825, et arrêts des 17 nov. 1814, Bull. no 40; 29 fév. 1828, Bull. no 61; 12 mars 1829, Bull. no 61; 14 juill. 1827, Bull. no 186; 7 oct. 1836, Bull. no 333; 30 mars 1837, Bull. no 93 et 95 (A); 31 mai 1838, Bull. n° 148; 24 août 1838, Bull. no 288; Cassat., 21 et 29 août 1851, Dall., 1851, 5, 26; Cass., 1er juill. 1853, Dall., 1853, 5, 20; Rej., 11 et 12 fév. 1858, Dall., 1858, 5, 19 et 20; Cass., 26 juin 1862, Dall., 1862, 1, 393; Rej., 31 déc. 1863, Dall., 1864, 1, 103; 26 mars 1864, Dall., 1864, 1, 244 et 245; Cass., 7 juin 1867, Dall., 1867, 1, 413; Cass., 23 nov. 1865, Dall., 1867, 5, 24. Sic aussi, MM. Merlin, Répert., vo Appel, sect. 2, § 6, et Quest. de droit, vo Appel, § 5, p. 270; Bourguignon, Jurisprud. des codes crim., no 1er, sur l'art. 202; Dall., 11e édit., vo Appel en mat. crim., sect. 5, p. 593 ct 594, et 2e édit., eod. v°, no 355; Boitard, Leç. sur le Code d'instr. crim., p. 334 et 335; Paringault, no 32 de la dissertation citée par nous sous le n° 17; F. Hélie, t. 8, § 576, p. 76 et 77; Morin, Rép., vo Appel, no 40, et Journ. du droit crim., 1859, art. 6894, p. 306 et 307; Trébutien, t. 2, p. 13 et 14, et p. 506; Griolet, De l'autor. de la chose jugée, p. 296 et 297.

(A) Un arrêt du 14 juillet 1837, Bull. no 205, a décidé, par application des mêmes principes, qu'un condamné ne pouvant être censé s'être pourvu contre lui-même, il n'y avait point lieu de casser contre lui le jugement qui ne lui avait point appliqué. dans le cas de l'art. 245 du Code pénal, la peine particulière méritée pour son évasion, indépendamment de la peine méritée pour le crime pour lequel il était détenu.-V.. à l'appui des mêmes principes, un autre arrêt du 9 janvier 1840, Bull. no 8.

(2) Cass., 13 janv. 1854, Dall., 1854, 5, 33; 18 juin 1858, Dall., 1858, 1, 376.

134. Il faut, par conséquence, ou plutôt par application des solutions qui précèdent, décider que, si le prévenu seul avait appelé, le tribunal d'appel ne pourrait, sous prétexte que le fait objet de la prévention constitue un crime et non un délit, se déclarer incompétent et renvoyer le prévenu qui n'aurait pris aucune conclusion à cet égard, devant le juge d'instruction compétent, aux termes de l'art. 193 du Code d'instruction criminelle (1).

On objecte (Rennes, 2 mars 1864, Dall., 1864, 2, 54), que les questions de compétence ratione materiæ sont d'ordre public. Mais il est également d'ordre public que l'appel interjeté par le prévenu seul ne puisse aggraver son sort en l'exposant, par suite d'une déclaration d'incompétence, à être renvoyé devant la cour d'assises, et, par suite, à être condamné à une peine afflictive ou infamante.

135. Il en serait autrement pour le cas où le prévenu, cité en police correctionnelle à raison d'un fait ayant le caractère de crime, déclinerait pour la pre

(1) Sic arrêts des 27 mars 1812, Bull. no 7; 1er mai 1812, Bull. no 115; 47 nov. 1814, Bull. no 40; 19 janv. 1816, Bull. no 3; 30 juin 1827, Bull. n° 169; 29 fév. 1828, Bull. no 61; 18 juill. 1828, Bull. n° 210; 12 mars 1829, Bull. no 61; 22 juill. 1830, Bull. no 189; 21 avr. 1832, Bull. no 143; 30 juin 1832, Bull. no 242; 24 avr. 1835, Bull. no 157; 7 oct. 1836, Bull. n° 333; 13 oct. 1836, Bull. n° 347; 30 mars 1837, Bull. nos 93 et 95; 31 mai 1838, Bull. no 148; 24 août 1838, Bull. no 288; Rej., 4 avr. 1845, Dall., 1845, 1, 246; Rej., 30 janv. 1847, Dall., 1847, 4, 14; 15 mars 1849, Dall., 1849, 1, 191; 13 mai et 21 juin 1853, Dall., 1853, 5, 20 et 21; Cass., 26 juin 1862, Dall., 1862, 1, 393; 26 mars 1864, Dall., 1864, 1, 244 et 245; Rej., Ch. crim., 26 mai 1864, Dall., 1864, 1, 502, où le sommaire de l'arrêtiste donne, à tort, un autre sens à l'arrêt; Rej., 3 mai 1866, Dall., 1866, 5, 27; Cass., 26 août 1868, Dall., 1869, 1, 168; 12 déc. 1868, Dall., 1869, 1, 259. Sic aussi, MM. Bourguignon, Jurisprud. des codes crim., noer, sur l'art. 202; Dalloz, 1re édit., v° Appel en mat. crim., sect. 5, p. 593 et 594, et 2e édit., eod. v°, no 357, et v° Compét. crim., no 559; Merlin, Kép., vo Appel, sect. 2, § 6, et Quest. de droit, vo Appel, § 5, p. 271; F. Hélie, t. 8, § 576, p. 78; Morin, Rép., vo Appel, no 40; Trébutien, t. 2, p. 506 et 507; Morin, Journ. du droit crim., 1859, art. 6769, p. 50, et 1864, art. 7836, p. 191; Griolet, De l'autor. de la chose jug., p. 297 et 298. Contrà, Cass., 14 fév. 1868, Dall., 1868, 1, 353.

mière fois, en appel, la compétence des juges correctionnels (1). En effet, le prévenu ayant, en tout état de cause, le droit de réclamer ses juges naturels, on ne peut considérer comme une aggravation de son sort, le renvoi devant la juridiction compétente, lorsqu'il le demande formellement.

136. Nous avons vu, ci-dessus, 3° division, n° 114 et 115, que le ministère public ne pouvait appeler incidemment, après l'expiration des délais qui lui sont accordés pour le faire principalement. L'appel incident que le ministère public voudrait interjeter après l'expiration de ces délais, ne changerait donc rien aux solutions renfermées dans les n° 132 et 134 (2).

§ III.

A qui appartient l'exercice de l'action publique, en matière de crimes, ou devant les cours d'assises? Comment ces cours sont-elles saisies; et quel est, pour ce qui les concerne, l'effet de la saisine, quant à l'exercice de l'action publique?

SOMMAIRE.

137. Magistrats à qui appartient l'exercice de l'action publique, en matière de crimes ou devant les cours d'assises.

(1) MM. F. Hélie, t. 8, § 576, p. 78; Dalloz, 2e édit., vo Compét. crim., no 564, et vo Appel en mat. crim., no 359; Trébutien, t. 2, p. 507; Griolet, De l'autor. de la chose jug., p. 298. Arrêts, 22 oct. 1940. Bull. n° 310; 8 fév. 1844, Devill., 1844, 1, 677; Rej., 4 avr. 1845, Dall., 1845, 1, 246; Rej., Ch. crim., 26 mai 1864, Dall., 1864, 1, 502, où le sommaire de l'arrêtiste a mal à propos attribué un autre sens à l'arrêt.

(2) Sic spécialement, les arrêts précités des 30 juin 1827, Bull. no 169; 22 juill. 1830, Bull. no 189; Rej., 30 janv. 1847, Dall., 1847, 4, 14. — M. Morin, Rep., v° Appel, no 40.

138. La disposition de l'art. 271 du Code d'instruction criminelle, qui ne permet au procureur général de porter d'accusation à la cour d'assises que contre les personnes mises en accusation par la chambre d'accusation, est applicable, par identité de motifs, au procureur impérial près le tribunal de première instance, dans les départements où ne réside pas la cour impériale.

139. Dans les départements où ne réside pas la cour impériale, les poursuites dirigées devant les cours d'assises, par les procureurs impériaux, doivent l'être au nom du procureur général.

110. On ne peut donner pour exemple d'application de la doctrine établie au numéro qui précède, ce qui concerne la rédaction de l'acte d'accusation.

11. La disposition de l'art. 272 du Code d'instruction criminelle est impérative. Le magistrat qui négligerait d'obéir à cette disposition, pourrait être considéré comme coupable de détention arbitraire.

142. Le retard apporté à la procédure, dans le cas de l'art. 272, n'emporterait pas la nullité de l'instruction.

143. Il y aurait nullité du jugement si le procureur général s'était absenté pendant une partie des débats.

144. Y aurait-il nullité si l'arrêt était prononcé hors la présence du procureur général, ce magistrat ayan, d'ailleurs, assisté aux débats et ayant fait ses réquisitions?

145. Quid si le procureur général, après avoir commencé à poursuivre par lui-même, s'était fait remplacer, pendant les débats, par l'un de ses substituts?

146. Ce n'est point par l'acte d'accusation, mais par l'arrêt de mise en accusation qui le précède, que la cour d'assises est saisic.

147. Lorsqu'une cour d'assises a été saisie par un arrêt de la chambre des mises en accusation, elle peut encore, avant la clôture des débats, se déclarer incompétente pour juger le fait tel que la chambre d'accusation l'a déterminé.

148. La solution adoptée sous la question précédente, s'applique soit au cas où la cour d'assises voudrait déclarer d'office son incompétence, soit au cas où cette déclaration serait provoquée par l'accusé.

149. Elle s'applique soit au cas d'incompétence à raison de la matière, soit au cas d'incompétence à raison du lieu.

150. Elle s'applique au cas où une loi attribue impérativement à un tribunal spécial la connaissance de telle espèce de crime à laquelle appartient le crime objet des poursuites. Il en serait autrement si l'attribution au tribunal spécial n'était que facultative.

151. Exemple d'attribution facultative à un tribunal spécial, tiré des art. 33 de la Charte de 1814 et 28 de celle de 1830, pour les crimes de haute trahison et les attentats à la sûreté de l'État. 152. La juridiction de la Haute-Cour de justice établie par l'article 54 de la Constitution du 14 janvier 1852, est-elle également facultative?

153. Lorsqu'une cour d'assises se déclare incompétente, malgré l'arrêt de renvoi qui l'avait saisie, elle doit se borner à déclarer son incompétence, sans prononcer le renvoi devant les juges qu'elle croit compétents. La Cour de cassation a seule le droit de prononcer ce renvoi, en réglant de juges sur le conflit négatif résultant de l'opposition entre l'arrêt de la chambre d'accusation et celui de la cour d'assises.

154. Les cours d'assises saisies par renvoi des chambres d'accusation, peuvent appliquer la peine lors même que le procureur général n'aurait pris devant elles aucunes conclusions relatives à cette application.

155. Le procureur général doit suivre l'affaire et prendre des conclusions sur l'application de la peine, lorsque le renvoi devant la cour d'assises a été prononcé par la chambre d'accusation. Renvoi pour la conciliation de cette doctrine avec le principe de l'indépendance du ministère public.

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156. Une fois les débats entamés, l'affaire dont la cour d'assises est saisie, ne peut être renvoyée à une autre session. - Cas exceptionnels dans lesquels ce renvoi peut avoir lieu. - Renvoi pour les explications à donner à cet égard.

157. La cour d'assises, une fois saisie et les débats commencés, ne peut renvoyer l'affaire à une autre session, sous prétexte d'une nullité commise dans la procédure. - La Cour de cassation a seule droit de prononcer sur ces nullités, lorsque l'arrêt définitif de la cour d'assises a été rendu.

158. Disposition spéciale permettant au ministère public de saisir directement la cour d'assises, en matière de crimes de rébellion et de port d'armes dans un mouvement insurrectionnel.

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