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<< fût pauvre; auquel cas ces frais doivent être faits aux « dépens du roi ou du seigneur de la justice. Mais on ne << peut contraindre par corps la partie civile de faire cette <<< consignation; ce qui résulte des art. 16 et 17 du titre « 25 de l'Ordonnance de 1670, comparés ensemble. » (Voyez aussi Lizet en sa Pratique criminelle, tit. 2, p. 12, verso, et p. 13.)

Domat (Traité du Droit public, liv. 3, p. 191) n'adopte pas les principes de Jousse dans leur entier. Après avoir dit qu'en thèse générale les officiers publics peuvent seuls poursuivre la punition des crimes, mais que, cependant, il y a exception à cette règle en faveur des parties intéressées, ce sage auteur explique en quoi, selon lui, consistait cette exception: « Et pour les accusateurs, << qu'on appelle autrement plaignants, dit-il, qui sont les << parties intéressées, ils sont NOMMÉS dans les actes de la « procédure qui se font SOUS LE NOM ET A LA REQUÊTE DU PRO

«CUREUR DU ROI ET SUR LA PLAINTE ET A LA DILIGENCE DE LA

« PARTIE PLAIGNANTE, QU'ON APPELLE PARTIE CIVILE, parce << qu'elle n'agit que pour son intérêt civil. »

Suivant Domat, la partie civile était donc nommée dans les actes de procédure. Ces actes se faisaient sur sa plainte et à sa diligence; mais sous le nom et à la requête du procureur du roi.

La manière dont Jousse expliquait l'ancienne jurisprudence, est présentée comme vraie par M. Mangin (no 8). On peut la regarder, en effet, comme prouvée par lá disposition de l'art. 8 du tit. 3 de l'ordonnance de 1670, portant que, s'il n'y avait point de partie civile, les procès seraient poursuivis à la diligence et sous le nom des procureurs du roi, ou des procureurs des justices seigneuriales; d'où la conséquence que, s'il y avait partie civile, les poursuites se faisaient en son nom, comme Jousse l'explique dans le passage précité.

11. Il ne faudrait pas conclure de ce qui précède, que

l'action publique ne fût pas bien distincte, dans notre ancien droit, de l'action civile ou privée. Jousse (Traité de la justice criminelle, t. 1, 3° partie, liv. 1", tit. 1′′, chap. 1, no 1–9, p. 561, 562 et 563), les distingue d'une manière formelle, et tous les anciens criminalistes le font de la même manière. « Par le stile general de France, a «dit Imbert (Enchiridion, v° Accuser, p. 8), dans le pas«sage déjà cité par nous (Traité de la criminalité, de la « pénalité et de la responsabilité, t. 2, no 346, p. 8 et 9), « nous avons communément en matières criminelles deux « manières d'accusateurs: sçavoir est le procureur du roy << ou du seigneur haut justicier, qui poursuit l'intérest public, et tend à punition corporelle ou amende hono«rable et pecuniaire contre le délinquant, et aussi la « partie civile, laquelle demande reparation de son inte<rest civil et pecuniaire. >>

« Cette poursuite des crimes, dit, de son côté, Domat « (Droit public, liv. 3, tit. 1°, p. 199), peut avoir deux << vues: l'une, pour la punition du crime et pour l'exemple << dans le public; et l'autre, pour la réparation du dommage qu'a souffert le particulier; et, comme on a déjà « remarqué que, dans notre police, les particuliers ne « peuvent demander que la réparation de leur intérêt, et " que la vengeance et l'exemple sont du ministère de «l'officier public; par notre usage, nous avons deux sortes de personnes qui concourent, par ces deux vues, à la << poursuite des criminels: la partie intéressée qui veut « se plaindre et demande la réparation de son intérêt, et «l'officier qui poursuit la punition pour le public; et ils « concourent différemment à cette poursuite. »

12. Aujourd'hui, et en présence de l'art. 1er du Code d'instruction criminelle, aucune contestation ne peut s'élever sur la question de savoir si le droit d'exercer l'action publique est, ou non, partagé par les particuliers intéressés à la poursuite du délit.

TOME I.

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Cet article portant que « l'action pour l'application des << peines n'appartient qu'aux fonctionnaires auxquels elle « est confiée par la loi, » il est de toute évidence que les particuliers lésés par le délit, ne peuvent en aucune manière prétendre à son exercice.

L'argument si péremptoire tiré du texte de l'art. 1er du Code d'instruction criminelle, recevrait, s'il était nécessaire, une nouvelle lumière de ce qui s'est passé, au Conseil d'État, sur la première rédaction de cet article.

Cette première rédaction portait : « L'action publique << pour l'application des peines est exercée par les fonc«<tionnaires établis à cet effet. »

Cette disposition n'ayant point paru assez nette, M. Siméon, rapporteur de la Commission en l'absence de M. Bigot de Préameneu, l'expliqua, dans la séance du 17 fructidor an XII, en disant que l'article tendait à établir que « l'application de la peine ne (pourrait) être poursuivie << par la partie offensée, mais seulement par le ministère << public. » L'article ainsi expliqué fut adopté, sauf rédaction (Locré, t. 24, p. 110). Dans la séance du 31 mai 1808, on le reproduisit rédigé tel qu'il est aujourd'hui, et il passa sans observations (Locré, t. 25, p. 63 et 65).

13. Les officiers préposés par la loi pour exercer l'action publique et pour requérir l'application des peines, sont, d'après le Code d'instruction criminelle :

1° Les commissaires de police; en cas d'empêchement du commissaire, ou s'il n'y en a point, le maire ou son adjoint, près les tribunaux de simple police, lorsque c'est le juge de paix qui juge (art. 144);

2o L'adjoint du maire, ou, à son défaut, soit qu'il remplisse les fonctions du maire, comme juge, soit qu'il soit absent, un membre du Conseil municipal, désigné par le procureur impérial, lorsque le maire est juge de police (art. 167);

3o Le procureur impérial ou son substitut, devant les tribunaux correctionnels (art. 182, 202);

4° Le procureur général et ses substituts, devant les cours d'assises, et sur les appels de police correctionnelle (art. 202, 253, 272, 273, 284, 287, 288, 373), et autrefois (art. 557) devant les cours spéciales, qui sont aujourd'hui supprimées.

14. Tous ces officiers sont nommés par l'Empereur; et cela doit être ainsi, même dans les gouvernements monarchiques qui admettent pour base la souveraineté du peuple, mais confient, d'ailleurs, au chef de l'État, le pouvoir exécutif. En effet, comme le remarque très-bien M. Mangin (n° 12), « le droit de poursuivre la punition des crimes et « des délits n'est autre chose que le droit de provoquer << l'exécution des lois pénales: l'ôter au chef de l'État, « pour le confier à un autre pouvoir, ce serait diviser la << puissance exécutive et choquer la nature du gouverne<<ment monarchique. >>

15. Nous expliquerons spécialement dans différents paragraphes, quant à chaque juridiction criminelle et quant à chaque espèce d'infraction, ce qui regarde les questions de savoir par qui l'action publique est exercée; comment les tribunaux criminels en sont saisis, et quel est l'effet de cette saisine, relativement à l'exercice de l'action publique.

Nous traiterons ensuite plusieurs questions générales, quant au droit d'action du ministère public.

Mais, auparavant, nous devons parler de l'ancien adage que tout juge est officier du ministère public. Nous verrons, d'abord, quel était autrefois le sens de cet adage; et, en second lieu, de quelle application il peut être aujourd'hui.

16. Sur la première question, celle de savoir quel était autrefois le sens de l'adage que tout juge est officier du

ministère public, nous ne pouvons mieux faire que de citer Jousse (Traité de la justice criminelle) et l'illustre chancelier d'Aguesseau.

Jousse (loc. cit., t. 3, p. 66, no 149 et 150) s'exprime ainsi :

-

<«< Si la partie publique néglige de suivre son accusation, <«<le juge peut, par lui-même, ordonner tout ce qui est <«< nécessaire pour l'instruction du procès (Ordonnance << d'Orléans, art. 164). En effet, il est constant, et c'est << une maxime qui ne souffre aucune difficulté, que les << fonctions du ministère public, quant à la poursuite des << crimes, résident éminemment dans les juges; et que, << par une conséquence nécessaire, les juges peuvent pour<< suivre la punition d'un crime et en informer, indépen<< damment des procureurs du roi ou fiscaux. Je crois << l'avoir suffisamment prouvé dans mon Commentaire, au << préambule sur le titre 3 de l'Ordonnance de 1670. Il <«< n'est pas même nécessaire que cette information soit << précédée d'une plainte de la partie publique; et dès << qu'un délit est notoire, ou qu'il y en a une dénonciation << faite au juge, ce dernier est en droit d'en informer par <«<lui-même. Il doit seulement avoir attention que les assi<< gnations soient données aux témoins à la requête de la « partie publique, et l'huissier ou le juge ne doivent <«< craindre, en ce cas, d'être désavoués par elle; autre<«<ment, elle courrait risque d'éprouver une réprimande « sévère de la part des juges supérieurs. - En effet, si << les juges ne pouvaient suppléer aux fonctions des procu<«<reurs du roi ou fiscaux, ceux-ci seraient entièrement <«<les maîtres de faire ou non des poursuites et de laisser << les crimes impunis. Nous voyons tous les jours, à l'au<«<dience, les juges faire parler les procureurs du roi, et << rendre incidemment des ordonnances sur leurs conclu<«<sions, quoique ces derniers n'en aient pris aucunes, et << n'aient fait aucunes réquisitions. >>

pas

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