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l'adjoint conserverait le caractère que lui aurait communiqué la délégation du maire, lors même qu'il aurait déclaré par écrit s'en démettre, et tant que sa renonciation n'aurait pas été acceptée (1).

25. La comparaison de l'art. 144 avec l'art. 167, a fait naître la question de savoir si, devant le tribunal de police du juge de paix, comme devant le tribunal de police du maire, l'adjoint, en cas d'absence, peut être remplacé par un membre du Conseil municipal, désigné par le procureur impérial.

M. Le Graverend (t. 2, chap. 3, sect. 4, p. 347) soutient l'affirmative.

Suivant lui, si la loi ne s'est pas expliquée dans l'article 144, comme elle l'a fait dans l'art. 167, c'est parce qu'ayant désigné d'abord le commissaire de police, ensuite le maire et enfin l'adjoint du maire à défaut des deux premiers, elle n'a pas dû, après cette triple désignation, prévoir le cas où il serait encore nécessaire de recourir à un membre du Conseil municipal.

Dans l'art. 167, au contraire, elle devait, selon le même auteur, parler des membres du Conseil municipal, puisqu'elle n'avait, avant de les désigner, confié qu'à l'adjoint seul les fonctions du ministère public auprès du tribunal du maire.

Mais, de ce que la loi n'a pas expressément prévu le cas où, devant le juge de paix, il serait nécessaire d'avoir recours à un membre du Conseil municipal, pour l'exercice des fonctions du ministère public, il ne s'en suit pas, toujours d'après M. Le Graverend, que, le cas advenant, on ne doive pas suivre la règle qu'elle a elle-même tracée dans un autre article et pour un cas analogue. D'un côté, comme de l'autre, il faut pourvoir au défaut de présence de l'adjoint, ou, au moins, d'exercice de ses fonctions par

(1) M. Mangin, no 101.

l'adjoint du maire. La loi a indiqué, dans le cas de l'article 167, de quelle manière il devait y être pourvu. Il est de toute évidence que la même disposition, par parité de motifs, doit être appliquée au cas de l'art. 144.

La solution de M. Le Graverend paraît hasardée à M. Bourguignon (Jurisprudence des Codes criminels, n° 1 sur l'art. 144).

Elle paraît fausse à M. Carnot (sur le même article) et à M. Mangin (n° 101) (1).

Suivant M. Carnot, le procureur impérial serait d'autant moins recevable à nommer un membre du Conseil municipal, pour remplacer l'adjoint auprès du juge de paix, que l'art. 144, pour le cas où il y a plusieurs commissaires de police, ne donne qu'au procureur général le droit de désigner celui d'entre eux qui doit remplir les fonctions du ministère public auprès du même magistrat.

Quant au procureur général, il n'aurait, non plus, d'après M. Carnot, aucun droit, dans l'hypothèse de la question, de nommer un membre du Conseil municipal, la loi ne l'autorisant pas à le faire.

Ces observations nous paraissent fondées.

Ajoutons, avec M. Mangin (loc. cit.), qu'il n'y a aucun argument d'analogie à tirer, comme le fait M. Le Graverend, de ce que décide l'art. 167 pour les tribunaux de police des juges de paix; les tribunaux de police tenus par les maires, et ceux tenus par les juges de paix, n'étant pas sur la même ligne, et n'ayant pas la même compétence. << On remarque, en effet, dit M. Mangin, que les juges de << paix ont une pleine juridiction en matière de police; << l'art. 139 du Code d'instruction leur attribue la connais<< sance exclusive de certaines contraventions, et l'art. 149 <«<leur donne, pour toutes les autres, la concurrence avec

(1) De même, à M. Morin, Rép., v° Tribunaux de police n° 7; et vo Ministère public, n° 16 et 19; et à M. Dalloz, 2° édit., v° Ministère public, n° 37. Elle est formellement appuyée, au contraire, par M. F. Hélie, t. 7, § 480, p. 127-130.

« les maires. La compétence de ces derniers, au contraire, « est restreinte par l'art. 166, dans des limites qu'ils ne < peuvent dépasser or, la loi a bien pu trouver des garanties suffisantes dans un simple membre du Conseil « municipal, pour exercer le ministère public à raison ⚫ de contraventions légères, sans qu'il soit permis d'en conclure qu'elle s'en est contentée, lorsqu'il s'agit de «< contraventions plus graves.

« Cette raison, ajoute M. Mangin, me paraît sans « réplique. >>

Il faut reconnaître qu'elle l'est en effet (1).

le

On ne saurait invoquer contre notre solution l'art. 5 de la loi du 21 mars 1831 sur l'Organisation municipale, et l'art. 4 de la loi des 5 et 9 mai 1855 sur la même matière. D'après la loi de 1831, en cas d'absence ou d'empêchement du maire et des adjoints, le maire était remplacé par conseiller municipal le premier dans l'ordre du tableau dressé suivant le nombre des suffrages obtenus. D'après la loi de 1855, dans les mêmes cas, le maire est remplacé par un conseiller municipal désigné par le préfet, ou, à défaut de cette désignation, par le conseiller municipal le premier dans l'ordre du tableau dressé également d'après le nombre des suffrages obtenus. Mais les deux lois précitées concernent l'organisation municipale, et, par conséquent, n'ont en vue que cette organisation; tandis que, dans l'art. 144 du Code d'instruction criminelle, et dans notre question, il s'agit d'organisation judiciaire (2).

26. Mais, si l'adjoint ne peut, en cas d'absence, être remplacé, devant les tribunaux de police des juges de paix,

(1) La solution de M. Le Graverend a été formellement proscrite par arrêts des 9 août 1834, Bull. no 270; 10 sept. 1835, Bull. no 352; 3 déc. 1840, Bull. no 343; 29 mars 1844, Devill., 1845, 1, 235.

(2) Il est incontestable, en tout cas, que, lors même qu'un membre du Conseil municipal pourrait être appelé pour remplir les fonctions du ministère public, le juge de paix n'aurait aucun droit de l'appeler. Cass., 7 nov. 1844, Dall., 1845, 4, 349.

TOME 1.

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par un membre du Conseil municipal désigné par le procureur impérial, quelle marche faudrait-il suivre pour opérer son remplacement?

Suivant M. Carnot (loc. suprà cit.), il faudrait s'adresser à l'autorité administrative supérieure, c'est-à-dire, au préfet, pour qu'il nommât un commissaire de police provisoire, à l'effet de remplir devant le tribunal les fonctions du ministère public.

Suivant M. Bourguignon (également loc. cit.), ces fonctions devraient être remplies par le maire ou par l'adjoint d'une autre commune du canton. M. Bourguignon cite, d'après l'auteur du Dictionnaire des Arrêts modernes, comme l'ayant ainsi jugé, deux arrêts en date des 30 avril 1807, au rapport de M. Aumont, et 1er février 1810, au rapport de M. Chasle. Ces arrêts ne sont pas insérés au Bulletin.

Peut-être cette opinion pourrait-elle être appuyée jusqu'à certain point, par analogie, sur les dispositions des art. 12 et 13 du Code d'instruction criminelle, que nous avons cités plus haut.

Elle avait été formellement proscrite par arrêt de la Cour de cassation, en date du 29 février 1828 (Bull. n° 59), rendu sur le réquisitoire de M. le procureur général Mourre.

Mais elle a été formellement consacrée, depuis, par un arrêt du 9 août 1834 (Bull. n° 270). Cet arrêt décide que, dans le cas de la question, la désignation du maire ou adjoint doit, par analogie de ce que prononce l'art. 144, à l'égard des commissaires de police, être faite par le procureur général (1).

<< Attendu, porte-t-il, qu'aux termes de l'art. 167 du << Code d'instruction criminelle, le ministère public est << exercé auprès du maire, dans les matières de police, par «<l'adjoint, et en l'absence de l'adjoint, ou, lorsque l'ad

(1) De même, arrêt de cass., dans l'intérêt de la loi, du 16 nov. 1844, Devill., 1845, 1, 235; MM. Morin, Rép., vo Tribunaux de police, no 7; Rodière, p. 386 et 387; Dalloz, 2° édit., v° Ministère public, no 37 et 40.

joint remplace le maire comme juge de police, par un << membre du Conseil municipal que désigne à cet effet le procureur du roi; - Attendu qu'aux termes de l'ar«ticle 144 du même Code, les fonctions du ministère « public près le tribunal de police présidé par le juge de << paix, sont remplies par le commissaire de police du lieu « où siége le tribunal; en cas d'empêchement du commis«saire de police, ou s'il n'y en pas, par le maire ou par son « adjoint; Attendu que les membres du Conseil muni«cipal ne sont point appelés, dans ce cas, à remplacer l'adjoint empêché; Attendu que, s'il y a plusieurs << commissaires de police dans le lieu où siége le tribunal, «<le procureur général nomme celui qui doit faire le ser« vice;―que, par voie d'analogie, on doit conclure qu'en « l'absence de commissaire de police, de maire et d'adjoint «près le tribunal de police du juge de paix, c'est au pro« cureur général à choisir dans les maires et adjoints du << canton, celui ou ceux qui doivent faire le service près le << tribunal de police du juge de paix, dont la juridiction, << quant à la compétence, est plus étendue que celle du « tribunal du maire, et embrasse tout le canton. >>

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M. F. Hélie (t. 7, § 480, p. 129 et 130) présente, sur cette solution, les observations suivantes, que nous craindrions d'affaiblir en les analysant, bien que nous ne les regardions pas comme décisives. « Le principe de la loi, << dit le savant magistrat, a été de recruter les officiers du << ministère public sur les lieux au chef-lieu de canton, ❝elle appelle le commissaire du lieu où siége le tribunal, « et, à son défaut, le maire et l'adjoint de la commune; << dans les autres communes, elle appelle, à défaut de « l'adjoint, les membres du Conseil municipal. Elle n'a << pas voulu qu'il y eût de déplacement: le tribunal doit << prendre sur le lieu même tous les éléments de sa com« position. La loi n'attribue d'aptitude qu'aux officiers du « lieu. Or la jurisprudence, renversant ce système, va << chercher dans une autre commune l'officier qui doit

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