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«La société, a dit, dans le sens de cette objection, << M. Devilleneuve (Dissertation insérée au t. de 1841, « 1,883), la société a le plus grand intérêt à ce qu'un fait <«< que la loi a rangé au nombre des crimes ou des délits, << ne reste pas sans poursuites, sans des investigations qui << souvent pourront avoir pour résultat de révéler des cir« constances jusque-là restées inconnues, de faire appa<< raître ce fait avec des caractères de criminalité plus << graves, et d'en faire connaître les complices. »- « C'est << donc, ce nous semble, ajoute le même jurisconsulte, « faire une pétition de principe que de dire qu'un fait «< criminel ne peut être passible de poursuites, parce que << ces poursuites paraissent ne devoir aboutir qu'à l'appli<< cation d'une peine nouvelle ajoutée à la peine déjà en« courue.... C'est là ce qu'on ne saura que lorsque ces << poursuites auront eu lieu, lorsqu'elles auront permis aux «juges de constater l'existence du fait, de déterminer son << véritable caractère, de reconnaître la peine qui lui serait «< applicable, sauf à examiner ensuite s'il y a lieu, ou non, << de l'appliquer. »

« On ne saurait, dit dans le même sens, un arrêt de << cassation du 3 janvier 1867, rendu dans l'intérêt de la <«<loi (Dall., 1867, 1,185, et Jour. du dr. crim., 1867, << p. 202, art. 8432), on ne saurait prétendre que l'action << publique est éteinte par l'épuisement de la pénalité, << puisqu'elle a pour objet non-seulement l'application ma«<térielle de la peine, mais la recherche de toutes les in<< fractions, la poursuite de leurs auteurs, la déclaration << de leur culpabilité, l'effet moral des châtiments en<<courus, les condamnations à prononcer dans l'intérêt << des parties civiles et du Trésor. »

M. Trébutien (t. 2, p. 144 et suiv.), ajoute que notre solution est également contraire à l'intérêt de l'accusé, à qui il importe moralement, et pour obtenir plus facilement sa grâce, de ne point rester sous le coup d'une imputation erronée; qu'elle est enfin contraire à l'intérêt de la partie

lésée, à qui elle ne permettra pas de pouvoir porter son action devant les tribunaux criminels.

Nous répondrons à ces considérations:

1° Que la solution par nous adoptée ne devra être appliquée, que lorsqu'il n'y aura aucune incertitude possible sur la nature de la peine que pourrait entraîner le second procès. Pour peu qu'il y ait incertitude, ce second procès devra être suivi ;

2° Que l'action publique n'a pour objet principal et direct que l'application de la peine; le reste n'est qu'accessoire et ne peut, en l'absence d'une application possible de peine, être l'objet de l'action publique;

3° Que si l'individu sur qui planent les soupçons, peut avoir intérêt à en prouver la fausseté, cela ne peut être un motif pour l'exercice de l'action publique dont le véritable objet a disparu; que les moyens de justification en dehors d'un procès criminel et par les voies ordinaires suffisent, d'ailleurs, pour que l'individu mal à propos soupçonné, se justifie.

Ajoutons que, d'après la jurisprudence de la Cour de cassation le prévenu mis en jugement à raison de plusieurs crimes ou délits, n'est pas recevable à se plaindre de n'avoir été jugé que sur ceux qui entraînaient les peines les plus fortes. Il n'y est point recevable, parce que, porte l'un des considérants d'un arrêt du 14 septembre 1827 (Bull., n° 240), « les faits sur lesquels il a été jugé,.... ont << entraîné une peine plus grave que celle que la loi at

tache au premier fait; que ce fait se trouve ainsi cou<< vert par la condamnation qui est intervenue; qu'il ne

peut plus, d'après l'art. 365 du Code d'instruction cri<«<minelle, donner lieu à des poursuites (4). » Si l'individu mis en jugement à raison de plusieurs crimes ou délits ne peut se plaindre de n'avoir été jugé que sur les faits en

(1) M. Mangin cite comme ayant été rendu dans le même sens, un arrêt du 21 août 1817, non inséré au Bulletin.

traînant la peine la plus forte, et si les poursuites commencées sur les autres faits peuvent être délaissées, c'est donc que ces poursuites ne devaient pas être faites. C'est, au surplus, ce que porte l'arrêt, et ce que nous enseignons ici.

Nous pouvons argumenter dans le même sens, de la règle constamment suivie par la Cour de cassation, de ne prononcer aucun renvoi, lorsqu'elle casse les arrêts ou jugements qui ont violé les art. 365 et 379 du Code d'instruction criminelle, en appliquant de nouvelles peines aux individus déjà condamnés à des peines plus fortes pour des crimes ou délits postérieurs. La Cour de cassation se fonde, pour adopter cette règle, sur la disposition de l'art. 429 du Code d'instruction criminelle, portant, § 6, que << lorsque l'arrêt sera annulé parce que le fait qui aura << donné lieu à une condamnation, se trouvera n'être pas << un délit qualifié par la loi. et s'il n'y a pas de << partie civile, aucun renvoi ne sera prononcé. » (Arrêts des 19 mars 1818, Bull., n° 33; 27 février 1824, Bull., n° 37; 25 novembre 1830, Bull., n° 251, etc......) Si, dans le cas auquel s'applique cette jurisprudence, il n'y a plus de délit, pourquoi y en aurait-il dans le cas de notre question? Dans l'un, comme dans l'autre cas, les poursuites n'ont pas d'objet.

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§ III.

De l'amnistie.

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SOMMAIRE.

357. Comment l'amnistie est un mode d'extinction particulier à l'action publique.

358. Division de ce paragraphe.

357. Nous avons indiqué l'amnistie comme troisième mode d'extinction particulier à l'action publique. En effet,

nous établirons sous ce paragraphe, que l'amnistie laisse entiers les droits des parties lésées par la contravention, par le délit ou par le crime, et qu'une disposition législative expresse serait nécessaire pour qu'il en fût autrement.

358. Nous diviserons ce paragraphe en quatre parties. Dans la première partie, nous parlerons de la nature de l'amnistie ;

Dans la seconde, nous verrons par qui l'amnistie peut être accordée, et si elle peut l'être pour toute espèce de crime;

Dans la troisième, nous examinerons ses différents effets; Enfin, dans la quatrième, nous dirons par qui elle est appliquée.

PREMIÈRE PARTIE.

De la nature de l'amnistie.

SOMMAIRE.

359. Origine du mot amnistie. — Exemples chez les Athéniens et chez

les Romains.

360. Ce qu'il faut entendre par amnistie.

361. Différences entre la grâce et l'amnistie.

362. Citation de passages de M. Le Graverend sur les motifs de l'amnistie, sur les circonstances qui la font ordinairement accorder, sur les crimes qui en sont l'objet, et sur les différences dans le droit romain et dans l'ancien droit français, entre les amnisties et les abolitions. Trop peu d'étendue du passage de M. Le Graverend sur ce qui concerne le droit romain. Impossibilité supposée à tort, dans ce même passage, relativement aux différences à reconnaître dans l'ancien droit français, entre les amnisties et les abolitions.

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363. Combien on distinguait, à Rome, d'espèces d'abolitions. - - Expli cations sur ces différentes espèces d'abolitions. -Note sur la

Custodia officii. Citation de J. Godefroy. Note sur les Officia

les, l'Officium, les Optiones.

364. Différences signalées par Cujas entre l'abolitio et l'indulgentia, chez les Romains.

365. Ces différences justifiées par le Code Théodosien.

366. État de l'ancien droit français, sur les différentes lettres de grâce, particulières, connues sous différents noms.

367. Ce qu'était l'amnistie, dans l'ancien droit français.

359. Amnistie vient du mot grec Auroría oubli, composé de & privatif et de μrasuar se souvenir, et signifie oubli du passé.

L'histoire d'Athènes fournit un mémorable exemple d'amnistie. « Les Athéniens, rapporte Valère-Maxime « (lib. 4, cap. 1, 2° part., n° 4), avaient été obligés de << quitter leur ville, par suite de la cruauté des trente tyrans. << Ils menaient une vie errante et misérable. Thrasybule <«<leur ayant rendu le courage et des armes, les ramena << dans leur patrie; et rehaussa, par sa modération, « l'éclat de la victoire qu'il venait d'illustrer par le ré<<tablissement de la liberté. Car, il fit décréter par le << peuple un oubli absolu du passé; Plebis enim Scitum in«terposuit, ne qua præteritarum rerum mentio fieret. » << Et cet oubli, remarque le même auteur, que les Athé<<niens appellent amnistie, remit dans son ancien état la << chose publique fortement ébranlée et sur le penchant << de sa ruine; hæc oblivio, quam Athenienses áμnotíar VO«cant, concussum et labentem civitatis statum, in pristinum «habitum revocavit. »

Cornélius Népos, en rapportant le même fait, y ajoute cette louange, qu'après avoir décrété sa loi d'oubli, EAMQUE ILLI LEGEM OBLIVIONIS APPELLARUNT, il en assura l'exécution. Car, plusieurs de ceux qui avaient partagé son exil, voulant faire périr les amnistiés, Thrasybule employa publiquement son autorité pour l'empêcher, et tint ce

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