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<<< dispositions de l'article précité........... La Cour, faisant <«<droit sur le réquisitoire du procureur général du << roi, etc., casse et annule, etc... »

Nous croyons devoir adopter la solution de la Cour de cassation.

49. Si la solution établie sous le numéro précédent, est vraie comme solution générale, elle est surtout incontestable dans le cas de flagrant délit réglé par la loi du 20 mai 1863, dont nous avons rapporté les dispositions ci-dessus, n° 47. Au motif tiré de la saisine du tribunal, se joint celui de la célérité que la loi veut, dans ce cas, assurer à l'inculpé.

50. Si, comme nous l'avons établi, le procureur impérial est libre de renvoyer devant le juge d'instruction, ou de saisir directement le tribunal correctionnel, peut-il, après avoir saisi le juge d'instruction, le dessaisir par une citation directe donnée conformément à l'art. 182, à l'effet de saisir immédiatement le tribunal correctionnel?

La Cour de cassation a décidé la négative, par arrêt du 7 juin 1824 (Bull. no 88). Il est marqué, en note, sur cet arrêt, que la Cour avait déjà jugé de la même manière, par arrêt rendu le 18 juin 1812, sur les conclusions de M. Merlin, procureur général (1).

(1) Voir, dans le même sens, une dissertation insérée dans le Recueil périodique de M. Dalloz, 1819, 2, 39, et dans laquelle la question est traitée spécialement en vue des art. 479 et 483 du Code d'inst. criminelle; MM. Bourguignon, Jurisprudence des Codes criminels, sur l'art. 127, no 6, p. 271 et 272; Le Graverend, t. 2, chap. 4, sect. 4, p. 386; F. Hélie, t. 6, § 399, no 3, p. 78 et suiv., et t. 7, § 545, p. 615; Nancy, 4 déc. 1847; Dalloz, 1847, 2, 199, dans une espèce où le juge d'instruction ayant été saisi par la plainte de la partie lésée, le procureur général avait cité directement le prévenu devant la Cour d'appel; Rouen, 23 janv. 1850, Dalloz, 1852, 2, 44, sur une espèce dans laquelle le ministère public, ayant saisi directement le tribunal par voie de citation, avait ensuite déclaré se désister, et, après avoir obtenu acte de son désistement, avait saisi le juge d'instruction.

Quoique l'arrêt du 18 juin 1812 ne soit pas inséré au Bulletin officiel, cependant, ses considérants étant plus détaillés que ceux de l'arrêt de 1821, nous le rapporterons de préférence, tel que nous le trouvons dans M. Merlin (Répert., t. 18, vo Tribunal de police, sect. 2, § 3, p. 142), et dans M. Bourguignon (Jurisprudence des Codes criminels, sur l'art. 127, n° 6, p. 271 et 272). Cet arrêt renferme tous les motifs qui peuvent appuyer l'opinion adoptée par la Cour, et le résumé des conclusions de M. Merlin.

Considérant, porte-t-il, qu'il est de principe dans toutes les législations: 1° qu'un juge qui a été légalement saisi de la connaissance d'une affaire, ne peut plus en « être dessaisi que par un acte qui épuise sa juridiction; 2° qu'une partie qui a fait choix de l'une des différentes voies que la loi lui a ouvertes pour l'exercice de son <action, ne peut plus varier; qu'il suit de là: 1° que, lors« que la Chambre du conseil d'un tribunal de première instance a été saisie de la connaissance d'une affaire, en « vertu de l'art. 127, cette Chambre ne peut plus en être «dessaisie jusqu'à ce qu'elle ait rendu l'une des ordon<nances mentionnées aux art. 228 et suivants; 2° que la « partie civile et le ministère public, qui, pour l'exercice respectif de leurs actions à raison d'un délit de police « correctionnelle, ont d'abord suivi la voie d'une instruc«tion préparatoire, ne peuvent plus abandonner cette voie, ❝ pour suivre celle de la citation directe du prévenu devant « le tribunal correctionnel, dont il est parlé dans l'art. 182; Qu'on ne peut pas supposer que, par les mots dans « tous les cas, qui se trouvent dans ledit art. 182, et qui se << rapportent au procureur du roi, le législateur ait voulu «porter atteinte à ces principes; mais que ces mots doivent « être entendus en ce sens que le procureur du roi peut «citer directement le prévenu devant le tribunal correc«<tionnel, alors même que les parties civiles ou les agents ❝ de l'administration forestière auraient négligé de pour« suivre le prévenu..... »

Nous ne croyons pas devoir adopter la doctrine de la Cour de cassation.

Nous ferons remarquer, d'abord, pour la combattre, que l'argument sur lequel se fonde l'arrêt de 1812, et tiré du principe qu'un juge légalement saisi de la connaissance d'une affaire, ne peut en être dessaisi que par un acte qui épuise sa juridiction, suppose précisément la question, qui est de savoir si ce principe est, ou non, applicable ici.

Nous ajouterons que la maxime electâ unâ viâ, non datur recursus ad alteram, dont nous discuterons l'autorité au chap. 2 du Traité de la compétence et de l'organisation des tribunaux chargés de la répression soit pénale, soit civile, des contraventions, des délits et des crimes, ne peut être admise, ainsi que nous l'établirons, ibid., que dans les cas où elle a été formellement consacrée par le législateur; or, aucune loi n'a consacré cette maxime, pour le cas de la question décidée par l'arrêt de 1812.

Nous dirons, enfin, que le besoin d'éviter les lenteurs de l'instruction, les frais qu'elle entraîne et qui, en définitive, peuvent rester à la charge de l'État, sont des motifs bien suffisants pour faire accorder au procureur impérial le droit d'agir directement, suivant les circonstances, devant le tribunal correctionnel, bien qu'il ait d'abord saisi le juge d'instruction, qui se trouvera ainsi dessaisi de l'affaire.

On ne saurait opposer, ce que nous établirons ultérieurement, § 4, 7° partie, que le ministère public n'est point libre d'arrêter les suites de l'action publique, après l'avoir intentée.

Cette doctrine ne peut être invoquée contre nous en aucune manière, le ministère public n'arrêtant point les suites de l'action publique, dans le cas supposé par la question, mais ne faisant qu'en changer la direction, en la rendant plus rapide. Nous verrons, d'ailleurs, au § 4, que les motifs sur lesquels est appuyée la doctrine qui y est établie, ne sont point applicables ici.

51. Si le juge d'instruction avait déclaré qu'il n'y a point lieu à suivre, le procureur impérial pourrait-il encore citer directement, devant le tribunal correctionnel, celui en faveur de qui existerait l'ordonnance de non-lieu?

Avant que la loi des 17 et 31 juillet 1856 eût transféré aux juges d'instruction les attributions des chambres du Conseil, la Cour de cassation, pour le cas d'ordonnances. de non-lieu rendues par la Chambre du Conseil, avait décidé la négative par arrêt du 18 avril 1812, non inséré au Bulletin, mais rapporté par M. Bourguignon (Jurisprudence des Codes criminels, sur l'art. 127 du Code d'instruction criminelle, no 6, p. 270, 271) (1). Suivant cet arrêt, le ministère public ne pouvait, après les ordonnances de non-lieu de la Chambre du Conseil, avoir recours qu'à la voie de l'opposition telle qu'elle était établie par la disposition de l'art. 135 du Code d'instruction criminelle alors en vigueur.

Cette dernière proposition, consacrée par beaucoup d'autres arrêts de la Cour de cassation, était adoptée par M. Carnot (n° 12, observations préliminaires sur l'art. 271) et par M. Merlin (Répert. t. 18, loc. cit., p. 142), dans les conclusions qui précédèrent l'arrêt du 18 juin 1812, que nous avons rapporté sur la question précédente.

Elle était défendue par M. Bourguignon (Jurisprudence des Codes criminels, nos 4 et 5, sur l'art. 135) contre M. Le Graverend, qui l'attaquait avec beaucoup de force (t. 1, p. 388-400), et soutenait : 1° que l'ancien art. 135, c'està-dire, cet article tel qu'il était avant les modifications que lui a fait subir la loi des 17 et 31 juillet 1856, n'était applicable qu'en ce qui concernait la mise en liberté; 2° qu'il résultait des art. 129 et 235, que le procureur général pouvait, même à défaut d'opposition dans les

(1) La même solution avait été adoptée dans le réquisitoire qui a précédé l'arrêt du 12 sept. 1836, Bull. no 304, que nous rapporterons plus bas, § 3, 2 partic.

vingt-quatre heures, reprendre les poursuites devant la Cour royale, c'est-à-dire devant la Chambre d'accusation, comme le prouvait l'intitulé du chapitre auquel appartient l'art. 235 (1).

Suivant nous, la question de savoir si, dans le cas où la Chambre du Conseil avait déclaré qu'il n'y avait pas lieu à suivre, le procureur du roi pouvait saisir directement le tribunal correctionnel, était indépendante de l'interprétation à donner à l'art. 135, et il nous paraissait évident que la citation directe donnée devant le tribunal correctionnel, ne pouvait être valable, le tribunal correctionnel n'étant pas le juge d'appel de la Chambre du Conseil, et la maxime non bis in idem protégeant le prévenu, tant que l'ordonnance de non-lieu n'avait pas été réformée d'une manière légale (2).

Aujourd'hui, la nouvelle disposition de l'art. 135 confirme notre solution. Elle porte que « le procureur impé<«<rial pourra former opposition, dans tous les cas, aux << ordonnances du juge d'instruction. >>

52. Mais, de même que les arrêts et les ordonnances de non-lieu n'empêcheraient pas de procéder à de nouvelles poursuites, s'il survenait de nouvelles charges, ainsi que nous le verrons au chap. 2 de ce Traité, sect. 3, § 2, 1 partie, 2° division, 2° subdivision, et que le porte l'article 246 du Code d'instruction criminelle; de même aussi, s'il survenait de nouvelles charges, il faudrait décider, suivant nous, que le ministère public pourrait citer directement le prévenu devant le tribunal correctionnel (3).

(1) De même, M. Boitard, Leçons sur le Code d'instr. crim., p. 223-227.

(2) MM. Le Graverend, t. 2, chap. 4, sect. 4, p. 386, Mangin, no 387, cl Griolet, De l'autorité de la chose jugée, p. 230, invoquent aussi, pour la solution de la question, la maxime non bis in idem.

(3) M. Mangin, no 388.

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