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<< décès du mari fait cesser l'emprisonnement de la femme << condamnée; car, elle peut dire, avec tout autant de << raison, que, si son mari eût vécu, il aurait pu lui par<< donner; or, si cette considération n'est pas admissible << dans ce dernier cas, elle ne doit pas l'être dans l'autre. <«<Le mari ayant persisté dans sa plainte jusqu'à la mort, << on ne peut, sous prétexte d'une réconciliation possible, << arrêter le cours de l'action publique, et substituer au << désistement qu'exige la loi, un pardon qui n'est qu'ima<«<ginaire. M. Carnot parle du déshonneur que la condam<< nation de la femme fera rejaillir sur la mémoire de << l'époux. Il oublie donc que c'est le mari lui-même qui a << provoqué l'action du ministère public et le jugement << qui doit en être la suite. >>

A ces considérations, MM. Chauveau et Hélie (t. 6, p. 233), en ajoutent une autre, à savoir que « la mémoire << du mari est non pas flétrie, mais vengée par la condam<< nation, et (que) le droit de grâce introduit dans l'intérêt << du mariage, n'a plus de motif quand le mariage est dis

« sous. >>>

Nous croyons devoir, comme l'avait fait d'abord la Cour de cassation, préférer la solution de M. Carnot à celle de M. Mangin et de MM. Chauveau et Hélie (1).

En effet, comme l'avait dit la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 septembre 1839 (Bull., n° 315), dont la doctrine a été reproduite dans un autre arrêt, du 29 août 1840 (Bull., n° 244), de la défense faite par la loi, de poursuivre l'adultère de la femme non-dénoncée par le mari; du droit accordé au mari de faire cesser les poursuites et même les effets de la condamnation, on peut trèsbien conclure «< qu'à toutes les époques de la procédure, <«<l'action du ministère public a besoin du concours soit

Contrà, MM. FaHélie, t. 3, § 144,

(1) De même, M. Dalloz, 2o édit., vo Adultère, no 53. vard de Langlade, Rép., vo Adultère, § 1, p. 124; F. p. 102 et 103; Rej., ch. crim., 25 août 1848, Dall., 1848, 1, 161; Paris, 30 janv. 1863, et Rej., 6 juin 1863, Dall., 1863, 1, 257.

« exprès, soit présumé du mari (1), puisqu'elle est cons<< tamment subordonnée à sa volonté ; d'où la conséquence << ultérieure que le décès du mari, en faisant disparaître ce << concours, élève contre l'action publique une fin de non<<<< recevoir insurmontable. »

Cette décision, d'ailleurs, est plus favorable, et sous ce rapport, lors même qu'il y aurait doute sur la solution à adopter, elle devrait être préférée.

Elle a été soutenue avec une grande supériorité de talent et une grande conviction, devant la Cour de Paris, par M. l'avocat-général Dupré-Lasalle, dans les conclusions qui ont précédé l'arrêt précité du 30 janvier 1863, conclusions que cet arrêt n'a cependant pas adoptées. << qu'on ne dise pas, s'écriait l'éloquent magistrat, que si «<le mari ne s'est pas désisté avant de mourir, c'est qu'il a << persisté dans sa plainte jusqu'au dernier moment, et que «son silence est un testament de condamnation; cette ar<< gumentation est trop dure pour être accueillie. Je me << rappelle la belle parole de Bossuet, quand on lui deman<«<dait ce qu'il fallait augurer du salut des coupables qui <«<meurent sans repentir. Le grand évêque répondit: « Ne << désespérons jamais des miséricordes divines; car, Dieu <«< seul connaît la dernière pensée du mourant. » Et moi, << dans cette matière où la loi désire le pardon, où elle le << provoque et l'appelle, je vous dis : ne désespérons jamais. << des miséricordes humaines; car, Dieu seul connaît le <«< dernier sentiment du père de famille expirant. A cette << heure suprême de l'agonie, quand toutes les illusions << s'effacent, quand toutes les passions s'apaisent, quand <<< les lueurs de l'éternité commencent à éclairer la cons<«<cience, quelle autre volonté pouvons-nous supposer <<< sinon une volonté de réconciliation? Quelle autre pré

(1) Le concours exprès du mari n'est pas nécessaire, ainsi que nous l'avons vu ci-dessus, à la fin du no 407.

<< somption morale et religieuse le magistrat peut-il recher<<cher et admettre? - Mais il ne s'agit plus de présomp<«<tions; nous ne pouvons interroger une tombe qui est << muette; nous sommes en présence d'une triste réalité ; << la famille a perdu son chef et son représentant, ou, pour << mieux dire, son chef est remplacé par la femme, et lors<«<que de nouveaux devoirs lui arrivent, lorsque de nou<< velles nécessités la réclament, nous viendrions la flétrir <«<et l'enfermer? Sa maison est pleine de deuil et de larmes, <«<et nous y apporterions le déshonneur d'une condamna<«<tion dont la honte rejaillirait sur tous! Des enfants, en <<bas âge le plus souvent, ont besoin de sa protection. << Nous savons qu'une épouse infidèle peut être encore une << bonne mère ; et nous l'enlèverions à ces orphelins, ré<< duits à aller du cimetière à la prison, cherchant qui les <«< soutiendra, et obligés, peut-être, à défaut de parents et <«<de fortune, de frapper aux portes d'un hôpital! Et pour<< quoi ces rigueurs posthumes? Pourquoi, lorsque le mari << est mort, lorsque le mariage est dissous, cette sévérité << devenue tout à coup inflexible? Quel intérêt la de«< mande? — L'intérêt du mari? il n'existe plus ; — l'in«térêt de la famille et des enfants? il exige l'oubli et le << pardon; l'intérêt de la loi? mais, la loi elle-même nous avertit que les convenances sociales sont ici subor<< données aux convenances domestiques, et que la répres<«<sion, en dehors des nécessités de la famille, n'est plus << qu'un éclat inutile et malheureux.

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Devant la Cour de cassation, M. l'avocat-général Charrins avait conclu à la cassation de l'arrêt de Paris; et quelle qu'ait été l'impartialité du savant rapporteur, M. du Bodan, il ne paraît pas douteux que son opinion personnelle n'ait été dans le même sens.

416. Le décès du mari, en éteignant l'action publique contre la femme, l'éteindrait aussi contre les complices,

ainsi que cela résulte des solutions ci-dessus adoptées (1).

417. Il en serait de même pour le cas de décès de la femme coupable (art. 2, Code d'inst. crim.) (2).

418. Il n'est pas nécessaire que la réconciliation du mari et de la femme ait duré un temps plus ou moins long, pour éteindre l'action publique contre l'adultère de la femme. Il suffit, pour cela, que le simple fait de cette réconciliation ait existé, ainsi que le prouvent les motifs développés ci-dessus, n° 406 (3).

419. L'adultère du mari ne pouvant être poursuivi que sur la plainte de la femme (art. 339, Cod. pén.), il en résulte, par application de motifs analogues à ceux que nous avons développés sous le n° 406, que la femme venant à se désister de sa plainte, l'action du ministère public se trouve par cela même arrêtée (4). Ici, ne se rencontre plus l'argument de l'art. 337, § 2 du Cod. pén. ; mais, les autres arguments suffisent pour justifier notre solution.

420. Une fois l'action publique anéantie par le désistement du mari ou de la femme, il est évident qu'ils ne pourraient faire revivre leur dénonciation, en déclarant rétracter leur désistement. C'est ce que décidait Jousse, dans l'ancien droit (Justice crim., t. 3, p. 243, n° 67).

(1) Arrêt précité du 27 sept. 1839.

(2) MM. Demante, Cours anal., t. 2, no 20 bis, I; Haus, Princip. génér. du dr. pén. belge, 1869, no 836.

(3) Arrêt du 8 déc. 1832, Bull., no 481.

(4) Paris, 11 avril 1850, Dall., 1850, 5, 17.— Contrà, M. Dalloz, v° Adultére, n° 71, qui ne s'explique, toutefois, que dubitativement; MM. Chauveau et Héliè, t. 6, p. 235; F. Hélie, t. 3, § 144, p. 106.

C'était aussi ce que les empereurs Valérien et Gallien avaient décidé, en répondant que le mari qui s'était désisté, sans l'intervention du magistrat, sinè abolitione Præsidis, de la poursuite par lui commencée contre sa femme adultère, ne pouvait reprendre l'accusation par lui abandonnée: « Quia decreto Patrum et lege Petroniâ ei qui jure viri dela« tum adulterium, non peregit, nunquàm posteà hoc crimen « deferre permittitur » (L.16, Cod.,Ad leg. Jul. de adulter.). Le droit acquis par le désistement ne peut, en effet, dépendre du changement ultérieur de volonté chez celui de qui émanait ce désistement, lors même que de nouveaux faits pourraient donner et donneraient lieu à de nouvelles plaintes (1). Il n'en est pas de l'adultère comme des autres griefs sur lesquels serait fondée une demande en séparation. La règle posée pour ces autres griefs, par les art. 272 et 273 du Cod. Nap., « est fort sage, dit M. Morin (Journ. « du dr. crim., 1858, art. 6682, p. 268) relativement aux <«< causes de séparation qui ont plus ou moins de gravité <«< selon qu'il y a eu réitération ou simplement fait << isolé, et pour lesquelles un fait prouvé peut fournir une << grave présomption à l'égard des autres faits articulés. << Sans être applicable de même aux poursuites criminelles « pour adultère, elle peut recevoir son application dans << une certaine mesure, et pour la répression. Si le fait << dénoncé dans la nouvelle plainte, est prouvé, aux yeux << du juge correctionnel, et s'il constitue un adultère pu<«< nissable, ce sera la base de la déclaration de culpabilité << nécessitant une condamnation ; et comme le juge, ayant << à infliger une peine dans les limites du minimum au « maximum, doit prendre en considération toutes les cir<< constances et mesurer la peine sur la gravité appréciée <«< du délit, il pourra faire état des faits anciens, dans les << motifs de son jugement, afin de justifier la sévérité de la << condamnation. Voilà dans quel sens nous admettons que

(1) Jousse, loc. cit.

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