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53. Le tribunal correctionnel saisi par le procureur impérial, doit renvoyer devant le juge d'instruction, lorsqu'il se déclare incompétent parce que le fait dont il était saisi se trouve de nature à constituer un crime (art. 193, Instr. crim.). Il n'a point le droit de renvoyer directement le prévenu devant la Chambre d'accusation (1).

Nous verrons, ci-après, n° 60, ce qu'il faudrait décider pour le cas où le tribunal aurait été saisi par renvoi du juge d'instruction ou de la Chambre d'accusation, ou par citation directe donnée à la requête de la partie civile.

DEUXIÈME PARTIE.

De la saisine résultant, pour le tribunal correctionnel, du renvoi qui lui est fait par le juge d'instruction ou par la Chambre d'accusation; et de l'effet produit par cette saisine, quant à l'exercice de l'action publique.

SOMMAIRE.

54. Les tribunaux correctionnels sont saisis par le renvoi qui leur est fait par le juge d'instruction ou par la Chambre d'accusation. Fausse indication de l'art. 160 dans l'art. 182.

55. Plusieurs questions sur la nature de la saisine résultant des renvois prononcés par le juge d'instruction ou par la Chambre d'accusation, et sur l'influence que cette saisine peut avoir quant à l'exercice de l'action publique.

56. La saisine résultant pour le tribunal correctionnel du renvoi prononcé par le juge d'instruction, empêche-t-elle ce tribunal de juger lui-même sa propre compétence?

57. Le tribunal correctionnel pourrait-il se déclarer incompétent, si le juge d'instruction, en renvoyant devant lui, avait expressément dégagé le fait par lui qualifié de délit, de la circonstance qui pouvait lui imprimer le caractère de crime, et que cette circonstance fût reconnue constante par le tribunal?

(1) MM. Le Graverend, t. 2, p. 393 et 394, et Dalloz, 2 édit., v° Compétence crim., no 557.

58. La saisine résultant pour le tribunal correctionnel, du renvoi prononcé devant lui par la Chambre d'accusation, empêcherait-elle ce tribunal de pouvoir se déclarer incompétent?

59. Le tribunal correctionnel pourrait il se déclarer incompétent, s'il reconnaissait comme constante, la circonstance expressément écartée par la Chambre d'accusation, et qui rendrait crime le fait que cette chambre n'aurait qualifié que de délit en le renvoyant devant le tribunal?

60. Lorsqu'un tribunal correctionnel, saisi par renvoi du juge d'instruction ou de la Chambre d'accusation, se déclare incompétent parce que le fait dont on avait voulu le saisir, est un crime, il ne doit point renvoyer le prévena devant le juge d'instruction compétent. Ce renvoi ne peut être ordonné, s'il y a lieu, que par la Cour de cassation, qui prononcera sur le conflit négatif.

61. Renvoi pour la question de savoir si, dans le cas d'appel interjeté par le prévenu seul, le tribunal d'appel pourrait, sous prétexte que le fait objet de la prévention, constitue un crime et non un délit, se déclarer incompétent, et renvoyer le prévenu devant le juge d'instruction.

62. Le tribunal correctionnel, saisi par le renvoi prononcé par le juge d'instruction ou par la Chambre d'accusation, peut, en vertu de cette saisine, appliquer la peine, lors même que le procureur impérial ne prendrait devant lui aucune conclusion relative à cette application.

63. Le procureur impérial est-il obligé, par suite du renvoi prononcé par le juge d'instruction ou par la Chambre d'accusation, de suivre l'affaire, et de prendre des conclusions sur l'application de la peine? - Renvoi pour la conciliation de la solution affirmative sur cette question avec le principe de l'indépendance du magistrat.

54. L'art. 182, comme nous l'avons déjà dit, porte que le tribunal correctionnel est saisi de la connaissance des délits de sa compétence, non-seulement par la citation directe donnée à la requête du procureur impérial, ainsi que nous venons de l'expliquer sous la 1re partie qui précède; mais encore par le renvoi qui lui est fait d'après l'article 130, c'est-à-dire, par le juge d'instruction.

Il faut joindre à ce cas celui du renvoi fait par la Chambre d'accusation, aux termes de l'art. 230.

Quant à la mention faite par l'art. 182, de l'art. 160, il est facile de se convaincre qu'elle n'est qu'une erreur, puisqu'aux termes de l'art. 160, lorsque le fait est reconnu constituer un délit emportant une peine correctionnelle, le tribunal de simple police ne renvoie pas les parties devant le tribunal de police correctionnelle, mais devant le procureur impérial.

55. Plusieurs questions se présentent sur la nature de la saisine résultant des renvois prononcés par le juge d'instruction ou par la Chambre d'accusation, et sur l'influence que cette saisine peut avoir quant à l'exercice de l'action publique. Nous allons traiter ces questions.

56. Commençons par celle de savoir si la saisine résultant, pour le tribunal correctionnel, du renvoi prononcé par le juge d'instruction, empêcherait ce tribunal de juger lui-même sa propre compétence?

Nous déciderons la négative.

En effet, les questions d'incompétence sont d'ordre public: elles peuvent être proposées en tout état de cause; donc, lors même que le juge d'instruction a cru que le fait était de la compétence du tribunal correctionnel, si ce tribunal reconnaît l'erreur du juge d'instruction, il doit se déclarer incompétent, et cbserver à cet égard les règles qui lui sont tracées par les art. 191, 192 et 193.

L'art. 182 lui-même décide, au surplus, la question dans ce sens. Il dit, en effet, que le tribunal de police correctionnelle est saisi des délits de sa compétence, par le renvoi qui lui en est fait d'après l'art. 130, c'est-à-dire, par le juge d'instruction; donc, le tribunal n'est saisi que lorsque les délits renvoyés devant lui sont véritablement de sa compétence. En d'autres termes, la question de saisine dépend essentiellement de la question de compétence. Il faut donc examiner celle-ci préalablement à l'autre.

Ajoutons que les art. 191, 192 et 193 ne permettent aucun doute à cet égard.

« Si le fait n'est réputé ni délit ni contravention de << police, porte l'art. 191, le tribunal annulera l'instruc<«<tion, la citation et tout ce qui aura suivi, renverra le << prévenu et statuera sur les demandes en dommages<< intérêts. >>

<< Si le fait n'est qu'une contravention de police, ajoute <«<l'art. 192, et si la partie publique ou la partie civile n'a << pas demandé le renvoi, le tribunal appliquera la peine «et statuera, s'il y a lieu, sur les dommages-intérêts. << Dans ce cas, son jugement sera en dernier ressort. »

Enfin, d'après l'art. 193, « si le fait est de nature à <«< mériter une peine afflictive ou infamante, le tribunal << pourra décerner de suite le mandat de dépôt ou le << mandat d'arrêt; et il renverra le prévenu devant le juge << d'instruction compétent. >>

Évidemment, de tous ces articles résulte que le tribunal correctionnel ne peut prononcer qu'autant qu'il est compétent donc, même dans le cas de renvoi fait devant lui par le juge d'instruction, il n'est saisi qu'en supposant qu'il est compétent; donc, avant tout, il doit apprécier sa compétence, et se déclarer incompétent, s'il y a lieu (1).

(1) Sic MM. Merlin, Répert., v° Tribunal de police, sect. 2, § 3, p. 134 et suiv., t. 18; Bourguignon, Jurisprud. des Codes crim., no 1, sur les art. 129 et 182; Le Graverend, t. 2, chap. 4, sect. 4, p. 394; Boitard, Leç. sur le Code d'instr. crim., p. 297 et 298; Rauter, nos 691 et 703; Dalloz, 2o édit., v Compét. crim., no 505; Morin, Journal du droit crim., 1855, art. 5864, p. 50, art. 5917, p. 147; 1857, art. 6487, p. 337 et 338; 1864, art. 7836, p. 190; Griolet, De l'autorité de la chose jugée, p. 231 et suiv. Sic aussi, arrêts de la Cour de cassation, rapportés par M. Merlin, loc. cit., et arrêts des 12 juin 1817, Bull. n° 45; 13 mai 1831, Bull. n° 107; 7 mars 1835, Bull. no 85; 23 nov. 1837, Bull. no 408; 12 fév. 1864, Dall., 1864, 1, 97; Amiens, 5 mars 1868, et Rej., 8 mai 1868, Dall., 1868, 1, 281; Rej., 14 mars 1868, Dall., 1868, 1, 508.

57. Faudrait-il adopter la décision qui précède, si l'ordonnance du juge d'instruction avait, en renvoyant devant le tribunal correctionnel, dégagé le fait, expressément qualifié par lui de délit, de la circonstance qui devait lui imprimer le caractère de crime? Dans ce cas, le tribunal correctionnel pourrait-il se déclarer incompétent, s'il reconnaissait constante la circonstance rejetée par le juge d'instruction, et qui rendrait crime le fait qualifié par lui de délit ?

Il faut distinguer :

Ou bien il est survenu de nouvelles charges; et alors, par argument de l'art. 246 du Code d'instruction criminelle, pas de doute que le tribunal correctionnel ne pût, et même ne dût, aux termes de l'art. 193, se déclarer incompétent. L'art. 246 fournit même un argument à fortiori à l'appui de cette solution, puisque, dans cet article, il s'agit d'arrêt de la Chambre d'accusation, tandis que, dans notre question, il ne s'agit que d'une ordonnance du juge d'instruction or, la survenance de nouvelles charges doit permettre de revenir sur une ordonnance du juge d'instruction, plus facilement que sur un arrêt de la Chambre d'accusation.

Ou bien il n'est pas survenu de nouvelles charges telles qu'elles sont définies par l'art. 247 du Code d'instruction criminelle; alors, la question devient plus difficile à décider.

D'abord, on peut dire, comme sur la question précédente, que le tribunal doit, avant tout, juger sa compétence, parce que les questions de compétence sont, ainsi que nous l'avons vu, d'ordre public.

On peut ajouter qu'un tribunal n'existe comme tribunal, qu'autant qu'il est compétent: or, avant toutes choses, il doit constater son existence; et, par cela même, sa compétence, qui en est la condition nécessaire.

TOME I.

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