Page images
PDF
EPUB

71. Pour que le tribunal correctionnel puisse appliquer la peine et statuer sur l'intérêt public, lorsque la citation a été donnée directement à la requête de la partie civile, il suffit que le ministère public ait pris des conclusions, quelles qu'elles soient, quant à l'intérêt public; ou même, qu'il ait déclaré s'en rapporter à la prudence du tribunal. Dès lors, peu d'intérêt, en définitive, dans la question précédente.

72. Quelle est la jurisprudence de la Cour de cassation sur les questions traitées aux deux numéros qui précèdent?

73. Opinion des auteurs sur les mêmes questions.

71. Renvoi pour la solution de la question de savoir si, dans le cas où il aurait été saisi par la citation directe donnée à la requête de la partie civile, le tribunal correctionnel pourrait ordonner une instruction préalable; mais solution particulière sur celle de savoir si la partie civile pourrait, après avoir saisi le juge d'instruction, faire citer directement le prévenu devant le tribunal correctionnel.

75. Le tribunal correctionnel doit, dans le cas de citation directe donnée devant lui à la requête de la partie civile, renvoyer devant le juge d'instruction compétent, s'il se déclare lui-même incompétent parce que le fait, dont on avait voulu le saisir, constitue un crime et non un délit.

64. Non-seulement le tribunal correctionnel est saisi de la connaissance des délits de sa compétence par la citation donnée à la requête du procureur impérial, ou par le renvoi qui lui est fait par le juge d'instruction ou par la Chambre d'accusation, ainsi que nous l'avons établi dans les deux premières parties de ce paragraphe. Il est encore saisi par la citation directe donnée à la requête de la partie civile ou de ses représentants (art. 182). Mais, comme nous l'avons déjà remarqué plusieurs fois, et comme nous aurons occasion de le remarquer encore tout à l'heure, et plus tard, au chap. 2 du Traité de la compétence et de l'organisation des tribunaux chargés de la répression des contraventions, des délits et des crimes, la partie civile ne peut porter son action devant le tribunal correctionnel que comme accessoire de l'action publique : d'où la consé

quence que, lorsque l'action publique ne peut pas y être portée, l'action civile ne saurait l'être davantage.

65. Sous le Code de brumaire an IV, aux termes de l'art. 182 de ce Code, combiné avec les deux articles qui le précédaient, la citation donnée directement à la requête de la partie civile, ne pouvait être signifiée et ne saisissait le tribunal correctionnel qu'après avoir été visée par le directeur du jury; et ce magistrat ne la visait qu'après s'être assuré que le délit qui en était l'objet était de la compétence du tribunal correctionnel.

Depuis la loi du 7 pluviose an IX, art. 12, le directeur du jury ne pouvant faire aucun acte de procédure et d'instruction, sans avoir entendu le substitut du commissaire du gouvernement près le tribunal criminel, il s'ensuivait qu'il ne pouvait donner son visa sans que le substitut du commissaire du gouvernement n'eût, auparavant, donné ses conclusions (V., en ce sens, une circulaire du ministre de la justice, du 21 floréal an IX, Sirey, 1, 2, 409).

Aujourd'hui, les directeurs de jury n'existent plus, et aucune formalité n'a remplacé, dans le Code d'instruction criminelle de 1808, celle qu'exigeaient l'art. 182 du Code de brumaire et l'art. 12 de la loi du 7 pluviose an IX pour la signification de la citation donnée à la requête de la partie civile.

66. Remarquons, toutefois, qu'en 1842, au moment où allait être mise sous presse la dernière feuille du 1er volume de notre Traité du droit criminel appliqué aux actions publique et privée, le Garde des sceaux présenta à la Chambre des députés (Moniteur du 20 février 1842) une disposition à ajouter à l'art. 182 du Code d'instruction criminelle, laquelle était ainsi conçue :

<«< Néanmoins, la citation donnée directement par la << partie civile sera soumise au visa préalable du procureur << du roi, sauf à cette partie, en cas de refus du procureur

<< du roi, à présenter requête à la Chambre du Conseil. <«<La Chambre du Conseil, saisie par cette requête, auto<«<risera, s'il y a lieu, la citation. >>

Voici dans quels termes les motifs de cette addition étaient présentés par le ministre :

[ocr errors]

<< Aux termes de l'art. 182 du Code d'instruction crimi<<<nelle, le tribunal correctionnel est saisi de la connais<< sance des délits de sa compétence par la citation donnée <«< directement au prévenu et aux personnes civilement << responsables du délit par la partie civile. Cette «<faculté de mettre en mouvement l'action publique, <«< laissée en matière correctionnelle aux parties elles<< mêmes, a fait naître de graves inconvénients. Les tribu<«<naux sont journellement assaillis d'une foule de plaintes << dénuées de tout fondement et formées avec légèreté par « la haine, l'envie, l'animosité, la méchanceté. Les pas<<sions s'emparent de l'arme que la loi a mise entre leurs <«<mains, et la dirigent au gré de leurs intérêts. Les <«< citoyens les mieux famés et les plus probes sont traînés << sur les bancs des prévenus, et nulle puissance ne peut <«<les soustraire à cette sorte de flétrissure que l'acquitte<<ment des tribunaux n'efface pas toujours entièrement <<< dans l'opinion publique. - Il est urgent que la loi << vienne prêter appui aux honnêtes gens opprimés par des << poursuites inconsidérées et vexatoires. Sans doute, il «faut, dans un intérêt général, que le droit de porter <«< plainte soit entier et libre; mais il ne s'agit point d'y << porter atteinte; il ne s'agit même pas de priver les parties <«<de la faculté de diriger elles-mêmes leur action sans for<< malités gênantes et presque sans frais; il est seulement << nécessaire de régler l'exercice de cette action et d'en << prévenir les dangereux écarts. Le projet soumet la << citation donnée par la partie plaignante au visa du pro«< cureur du roi. Si le grief allégué par la partie paraît << fondé à ce magistrat, il n'hésitera pas à viser la citation << destinée à en obtenir le redressement: la poursuite ne

<< subira donc aucune entrave. Si l'allégation, au con«< traire, lui paraît dénuée de tout fondement, il protégera « le prévenu, en refusant son visa contre une poursuite haineuse ou imprudente. Il sera souvent utile à la partie « civile elle-même, en l'empêchant, par de sages conseils, de s'engager dans un procès irréfléchi, dont le résultat << serait funeste pour elle. Au reste, le plaignant qui se «< croira lésé par ce refus pourra présenter requête en la << Chambre du Conseil, qui statuera. — L'administration » de la justice acquerra, par ces dispositions, une marche « plus régulière et plus sûre. Les plaintes n'arriveront « devant les tribunaux qu'après avoir été soumises, si non << à une instruction, du moins à un examen qui assurera « qu'elles sont sérieuses, et ce n'est qu'à celles-là qu'il est « dû protection et justice. »

A la fin de notre 1" volume du Traité du droit criminel appliqué aux actions publique et privée, nous avions fait, sur la proposition présentée par le ministre, les observations suivantes :

[ocr errors]

« Il ne nous appartient pas de prévenir la discussion << des Chambres sur la modification proposée à l'art. 182. Toutefois, nous ferons remarquer qu'il ne serait peut-être pas sans inconvénient de faire dépendre de la "permission du procureur du roi, ou même de la Chambre « du Conseil, l'exercice du droit accordé à la partie lésée «de saisir directement le tribunal correctionnel. En effet, comment le procureur du roi ou la Chambre du Conseil « pourront-ils juger si la citation est, ou non, fondée ? Il n'existe, avant les débats, aucun élément sur lequel ils « puissent établir leur opinion à cet égard. Et si, comme << il arrivera souvent, la partie lésée, sur le refus du pro<< cureur du roi et de la Chambre du Conseil d'autoriser « la citation, porte le procès au civil et obtient des « dommages-intérêts, des frais auront été faits en pure «perte, par une instance civile, toujours plus dispendieuse « qu'un procès correctionnel; et le ministère public se

<< trouvera peut-être obligé, à son tour, de saisir le tribu<«<nal correctionnel, qu'il n'a point voulu laisser saisir << directement par la partie lésée. Il nous semble que <«<le danger des citations sans fondement ou dictées par «<l'animosité, trouve un remède suffisant dans la faculté <«< accordée au prévenu acquitté de réclamer, devant le << tribunal correctionnel, des dommages-intérêts pour les << poursuites injustes dont il a été l'objet. Si ce moyen ne << paraît pas assez efficace, on pourrait y ajouter celui << d'une amende que le tribunal prononcerait contre l'au<<teur de la citation déclarée mal fondée. De cette ma<«< nière, l'inconvénient signalé par M. le Garde des sceaux <«<disparaîtrait, et le droit de citation directe accordé à la << partie lésée serait conservé dans son entier et avec toute << son indépendance (1). »

La proposition faite par le ministre n'a été suivie d'aucun résultat. Après avoir subi de graves modifications à la Chambre des députés, elle a été rejetée par la Chambre des pairs, dans la séance du 22 mai 1843 (Moniteur du 23 mai).

67. Dans le cas de citation donnée directement à la requête de la partie civile, le ministère public est-il libre de donner, ou non, ses conclusions quant à l'intérêt public?

Nous répondrons qu'il paraît résulter de l'art 190 du Code d'instruction criminelle que, dans tous les cas prévus par l'art. 182, et, par conséquent, dans le cas de citation directe donnée à la requête de la partie civile, le procureur impérial doit donner ses conclusions.

(1) Nous verrons, au chap. 2 du Traité de la compétence et de l'organisation des tribunaux chargés de la répression soit pénale, soit civile, des contraventions, des délits et des crimes, les motifs qui ont fait accorder aux parties lésées le droit de poursuivre leur action civile en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique.

« PreviousContinue »