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la contradiction même qu'elle a éprouvée. Voyons d'ailleurs le jugement qu'en a porté l'histoire. « Le 7 septembre 1638, dit le président

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Hénault, M. le Prince lève le siége de Fontara» bie. Le cardinal de Richelieu, qui n'aimait » pas le duc de la Valette, s'en prit à lui, et lui » donna des commissaires qui le condamnèrent » à avoir la tête tranchée en effigie. »

» Il ne faut donc voir dans la nomination de ces commissaires qu'une violation de principes, née de la haine que Richelieu portait à l'accusé.

» Le même historien remarque encore qu'en 1540, si l'amiral de Brion fut condamné, ce fut << par des commissaires, à la tête desquels était >> le chancelier Poyet, homme vendu à la

» cour. »

» Ailleurs il ne manque pas de relever que le prince de Bourbon, en 1560, et Fouquet, en 1664, furent condamnés par des commissaires.

» Et à cette occassion, il rapporte le mot du célestin de Marcoussi. « François Ier., voyant le » tombeau de Jean de Montaigu au château de » Marcoussi, plaignait ce grand ministre d'avoir » été condamné à mort par justice. - Par» donnez-moi, Sire, dit le bon religieux, ce fut » par des commissaires. » - - Frappé de ces paroles, le Roi jura de ne jamais faire mourir

personne par commission. (Élém. de l'Hist. de Fr. par Millot, t. 2, p. 225. ) (1)

S. II.

Suivant la charte, le maréchal Ney ne peut être jugé que par la chambre des pairs.

» La plus solennelle de toutes nos lois, la plus respectable, celle qui détermine tous les pouvoirs et règle tous les droits, cette Charte immortelle que nous devons à la sagesse et à la bonté du Roi, porte, article 34: « Aucun pair ne peut être ar» rété que de l'autorité de la chambre, et jugé que >> par elle en matière criminelle. »

Or, le maréchal Ney a été créé pair par Sa Majesté. Il a accepté cette dignité ; il en a exercé les fonctions; il en réclame les prérogatives.

>> On lui oppose qu'il y a renoncé; il soutient que telle n'a jamais été son intention.

» Il faut donc examiner :

» 1°. S'il existe de sa part une renonciation aux droits de la pairie ;

(1) Voyez aussi Esprit des Lois, liv. 12, chap. 22 Et dans l'ouvrage intitulé le Caton français, imprimé à Paris en 1614, in-8°., le développement de cette maxime Ne pas faire violence à la justice.

2°. Quels seraient les effets de cette renoncia

tion.

» On fait résulter la renonciation de ce que le maréchal Ney, ayant accepté des fonctions incompatibles avec la dignité de pair, cela suppose et entraîne la démission de cette dignité on le considère, en conséquence, comme démissionnaire de fait de la pairie de France.

» Il est vrai que le maréchal Ney, après avoir été créé pair par le Roi, a eu le malheur d'être nommé pair par l'usurpateur; mais, parce qu'il a été nommé deux fois pair, en résulte-t-il qu'il ait cessé de l'être tout-à-fait ? Peut-on dire qu'il ait réuni en sa personne deux qualités incompatibles?

» Sans doute, dans notre esprit comme dans notre cœur, rien ne s'allie moins avec la légitimité que l'usurpation, et nous reconnaissons hautement que le pouvoir éphémère d'un usurpateur est incompatible avec la sainte autorité d'un monarque légitime.

>>> Mais lorsque nous cherchons, en droit, à nous expliquer les effets de cette incompatibilité, relativement à la seconde nomination du maréchal Ney, nous ne trouvons qu'un titre nul ajouté à un titre valable. Et comme ce qui est nul ne peut jamais produire aucun effet, il en résulte pour nous la

conviction que le vice du titre nul n'a porté aucune atteinte à l'efficacité du titre valable.

» Si le maréchal Ney n'eût pas été créé pair par le Roi, il n'aurait jamais été pair; car l'usurpateur était sans caractère pour lui conférer cette dignité.

» Mais, comme il était également sans autorité pour priver le maréchal Ney de la pairie qui lui était acquise, il faut de toute nécessité reconnaître en principe: Que tout ce qu'a pu faire l'usurpateur est comme non avenu; que ce qu'il a fait d'inutile n'a pas pu détruire ce que le Roi avait utilement créé; que tous ses actes, en un mot, sont nuls, de toute nullité, de nullité absolue; et que par conséquent la collation par lui faite du titre de pair, insuffisante pour faire acquérir au maréchal Ney aucun droit nouveau à la pairie, a été pareillement impuissante pour faire perdre à ce maréchal le droit qui lui était antérieurement acquis à cette dignité. Quod nullum est nullum producit effectum. Utile per inutile non vitiatur.

>> En effet, il ne peut y avoir incompatibilité entre deux titres qu'autant qu'ils subsistent concurremment; mais si de deux nominations une seule est valable et l'autre nulle, il n'y a pas lieu à la question d'incompatibilité entre elles.

>> L'objection ne subsiste donc plus qu'en ce sens : Que nul ne peut servir deux maîtres; que par

conséquent, accepter des fonctions confiées par l'usurpateur, c'était nécessairement renoncer aux fonctions conférées par le Roi.

» Mais, s'il en était ainsi, le crime de rébellion ou de trahison de la part d'un pair emporterait toujours renonciation à la pairie. Car quoi de plus incompatible que la trahison avec la fidélité?

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Cependant, on a vu, par tous les exemples que nous avons cités sous le paragraphe précédent, que, lorsqu'un pair s'était rendu coupable d'un pareil crime, il n'était pas pour cela censé avoir renoncé de plein droit à la pairie, ni aux priviléges de la pairie. Il y avait seulement lieu à accusation contre lui. S'il était acquitté, sa dignité n'en souffrait aucune diminution; si, an contraire, il était condamné, de ce moment-là même il en était déchu; mais il n'en était jamais privé que par le jugement de ses pairs.

» L'évidence du crime dont un pair est accusé, ce qu'il peut avoir d'odieux ou d'aggravant, peut rendre sa condamnation plus certaine; mais toujours est-il que ce n'est pas dans les faits de reproche ou d'accusation contre un pair, qu'on peut voir l'abdication d'un privilége dont la jouissance ne lui est pas seulement assurée pour le cas où il sera demeuré fidèle, mais aussi pour le cas où il se sera rendu criminel, puisque ce n'est qu'en

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