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core foudé à demander son renvoi devant la Chambre des pairs.

» En effet, il est accusé de crime de haute trahison et d'avoir attaqué la France et le gouvernement à main armée.

» Eh bien! l'art. 33 de la Charte dit positivement que, « la chambre des pairs connaît des cri>> mes de haute trahison et des attentats à la sûreté

» de l'État qui seront définis par la loi. »

» Donc aucun autre tribunal ne peut connaître de ces crimes.

» Vainement dirait-on que ces crimes devaient être définis par la loi, et qu'ils ne l'ont pas encore été.

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» La réponse est que personne n'hésite sur l'acception de ces mots, crimes de haute trahison Tout le et attentats à la sûreté de l'état. monde convient qu'attaquer la France et son gouvernement à main armée, c'est évidemment la plus haute de toutes les trahisons, l'attentat le plus criminel à la sûreté de l'état.

» Et si, comme on ne peut en douter, l'art. 33 attribue à la chambre des pairs la connaissance de ces crimes, en raison de leur énormité, on ne peut pas penser que le crime imputé au maréchal Ney en puisse être excepté, puisque ce crime, serait aussi horrible dans sa conception que désastreux dans ses conséquences.

» Il serait donc évidemment placé par sa nature hors de la compétence du conseil de guerre,

guerre, quand même il n'y serait pas déjà par la qualité de l'ac

cusé.

>> On ne peut pas dire que le contraire est décidé, en ce qui concerne le maréchal Ney, par l'ordonnance du 2 août.

>> Cette ordonnance attribue au conseil de guerre de la première division militaire, la connaissance des crimes imputés aux personnes désignées dans l'ordonnance du 24 juillet; mais c'est sans préjudice du droit qu'ont ces personnes de se défendre, tant en la forme qu'au fond, devant ce conseil.

» Autrement, et si l'on était obligé de reconnaître un tribunal par cela seul qu'on y est traduit, il n'y aurait jamais de déclinatoire possible; car le droit de décliner un tribunal quelconque naît précisément de ce que, par le fait, on y est traduit.

>> Tous les tribunaux, quels qu'ils soient, sont juges de leur compétence. Non-seulement la loi leur laisse une entière liberté de se déporter des causes qui ne sont pas dans leurs attributions, mais elle leur en impose la nécessité : « Défendons à » tous nos juges de retenir aucune cause, instance » ou procès dont la connaissance ne leur appar» tient; mais leur enjoignons de renvoyer les parties par-devant les juges qui doivent en connaître,

» ou d'ordonner qu'elles se pourvoiront, à peine » de nullité des jugemens. Et, en cas de contra>>vention, pourront les juges être intimés et pris » à partie.» (Ordonn. de Louis XIV, de 1667, tit. 6, art. 1; de 1670, tit. 2, art. 14.).

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» Ainsi, non-seulement le conseil de guerre pourra, mais il devra se déclarer incompétent. »Paris, ce 13 septembre 1815. »

Cette pièce, qui porte la signature du maréchal Ney, a été rédigée par Me. DUPIN, l'un de ses conseils.

Nous croyons devoir placer à la suite de cette pièce la consultation suivante dont il a également été question dans le plaidoyer de M. Berryer.

Consultation pour le maréchal Ney, sur la question de savoir si les maréchaux de France sont justiciables des conseils de

guerre.

« Le conseil soussigné, consulté par le maréchal Ney sur la question générale de savoir si, dans l'état actuel de notre législation, un maréchal de France peut être. traduit devant un conseil de

guerre.

>>> Est d'avis qu'un conseil de guerre, serait,

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tous égards, incompétent pour juger un maréchal deFrance.

» La question offerte à notre examen est une question de droit public; elle tient à l'ordre des juridictions; elle tend à fixer, sur un point capital, les droits de la classe la plus éminente de nos chefs militaires, les premiers soutiens de l'honneur des armes françaises. Ce n'est point dans la convenance de tel ou tel d'entre eux qu'on doit la considérer, c'est dans l'intérêt de tous. Il faut oublier toute cause individuelle pour ne voir que la cause générale de tous ceux qui, dans les temps présens et dans les temps à venir, seront revêtus de cette grande dignité; et c'est sous ce rapport, si digne d'une sérieuse attention, que nous allons essayer d'approfondir et de résoudre cette importante question.

» Ouvrons d'abord la Charte qu'un monarque, aussi plein de bonté que de sagesse, a publiée pour servir de base à son gouvernement: nous y trouvons deux dispositions qui doivent être le fondement de notre discussion.

» L'une est celle de l'article 69, qui porte : «Les militaires en activité de service, les offi>> ciers et soldats en retraite, les veuves des offi» ciers et soldats pensionnés, conserveront leurs » grades, honneurs et pensions. »

» L'autre est l'article 62, ainsi conçu : « Nul

>>

» ne pourra être distrait de ses juges naturels.»

>> Ainsi, par cette double disposition constitutionnelle, les maréchaux de France se trouvent conservés dans leur grade, c'est-à-dire, dans leur dignité; dans leurs honneurs, c'est-à-dire dans les attributs et prérogatives honorables attachés à cette dignité; et enfin dans leurs juges naturels.

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Quels étaient, au moment de la Charte, les honneurs, les prérogatives honorables des maréchaux de France? Quels étaient leurs juges naturels? Évidemment, c'est à l'acte qui constituait alors leur existence que l'on doit se reporter.

» La dignité de maréchal de France était demeurée suspendue depuis la fatale époque du gouvernement conventionnel : elle fut rétablie, onze ans après, par le trop fameux sénatus-consulte du 28 floréal an 12. Tel est donc l'acte qu'il faut consulter.

» Et d'abord l'article 48 nous apprend 'qu'ils sont grands-officiers de la couronne.

« Les grands-officiers de l'empire sont premiè>>rement des maréchaux de l'empire choisis >> parmi les généraux les plus distingués. »

» L'article 51 nous les présente ensuite comme inamovibles.

« Si, par un ordre de l'Empereur ou par toute » autre cause que ce puisse être, un titulaire d'une

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